Un banc pour dernier refuge
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Un banc pour dernier refuge
On l’a trouvé là, sur ce banc, à l’aube, mort de froid. Un sans nom, un sans âge, un sans importance.
Un frère de misère de ceux qui ne comptent plus, ceux qui dérangent, ceux qu’on préfère ne pas voir.
Il est pourtant beau mon décor, un joli parc à l’ombre des palmiers, face à la montagne. Et au détour d’un sentier, un banc de bois sur lequel, en journée, on aime venir se reposer, le visage tourné vers le soleil bas d’un hiver sans nuage.
Le matin, le banc accueille les dames âgées revenant du marché, pour une halte bienfaitrice.
Le mercredi après-midi, des enfants joyeux accompagnés de leurs mères attentionnées viennent y prendre leur goûter.
Les autres jours, on y trouve des lecteurs captivés par des bouquins qui parlent d’aventure, de meurtres en série, ou de romance à l’eau de rose. Parfois ils lèvent les yeux pour prendre une grande inspiration, puis replongent dans leur voyage littéraire.
Lorsque la lumière du jour pâlit et laisse place à une pénombre propice aux mots doux, le banc accueille des amoureux. Enlacés, ils comptent les étoiles en faisant des vœux de bonheur éternel.
Usé par la pluie, craquelé par le soleil, maltraité par des milliers de fesses et de dos, il se pare chaque jour d’un nouveau décor aux couleurs de baisers, de rires, de larmes, parfois de silence. Mais depuis ce matin, il a l’odeur de la souffrance et de la mort.
Nous ne le savions pas, ou peut-être nous ne voulions pas voir, mais chaque nuit il se transformait en abri de fortune pour un homme à qui je ne savais donner qu’un sourire lorsque, par hasard, je le croisais tendant la main, au coin d’une rue. Cette nuit le banc est devenu son linceul.
Et claque alors sur mon visage une gifle glacée : Réveille-toi, aujourd’hui encore on dort et on meurt dans la rue.
Comme il y a soixante ans, comme ce jour de février 1954 où sur les ondes est montée une voix puissante et révoltée, celle de l’abbé Pierre. Lançant un cri de désespoir parce qu’une femme venait de mourir de froid, il réveillait les consciences et provoquait un élan de solidarité sans précédent.
Un homme est mort cette nuit, sur un banc, au bord de la ville, un homme sans nom, sans âge, sans importance, un frère de misère de ceux qui comptaient pour l’abbé Pierre.
Un frère de misère de ceux qui ne comptent plus, ceux qui dérangent, ceux qu’on préfère ne pas voir.
Il est pourtant beau mon décor, un joli parc à l’ombre des palmiers, face à la montagne. Et au détour d’un sentier, un banc de bois sur lequel, en journée, on aime venir se reposer, le visage tourné vers le soleil bas d’un hiver sans nuage.
Le matin, le banc accueille les dames âgées revenant du marché, pour une halte bienfaitrice.
Le mercredi après-midi, des enfants joyeux accompagnés de leurs mères attentionnées viennent y prendre leur goûter.
Les autres jours, on y trouve des lecteurs captivés par des bouquins qui parlent d’aventure, de meurtres en série, ou de romance à l’eau de rose. Parfois ils lèvent les yeux pour prendre une grande inspiration, puis replongent dans leur voyage littéraire.
Lorsque la lumière du jour pâlit et laisse place à une pénombre propice aux mots doux, le banc accueille des amoureux. Enlacés, ils comptent les étoiles en faisant des vœux de bonheur éternel.
Usé par la pluie, craquelé par le soleil, maltraité par des milliers de fesses et de dos, il se pare chaque jour d’un nouveau décor aux couleurs de baisers, de rires, de larmes, parfois de silence. Mais depuis ce matin, il a l’odeur de la souffrance et de la mort.
Nous ne le savions pas, ou peut-être nous ne voulions pas voir, mais chaque nuit il se transformait en abri de fortune pour un homme à qui je ne savais donner qu’un sourire lorsque, par hasard, je le croisais tendant la main, au coin d’une rue. Cette nuit le banc est devenu son linceul.
Et claque alors sur mon visage une gifle glacée : Réveille-toi, aujourd’hui encore on dort et on meurt dans la rue.
Comme il y a soixante ans, comme ce jour de février 1954 où sur les ondes est montée une voix puissante et révoltée, celle de l’abbé Pierre. Lançant un cri de désespoir parce qu’une femme venait de mourir de froid, il réveillait les consciences et provoquait un élan de solidarité sans précédent.
Un homme est mort cette nuit, sur un banc, au bord de la ville, un homme sans nom, sans âge, sans importance, un frère de misère de ceux qui comptaient pour l’abbé Pierre.
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: Un banc pour dernier refuge
J'ai aimé la description successive des usagers du banc. Impressionant de justesse. Un texte exactement dans la consigne.
Kz- Kaléïd'habitué
- Humeur : bonne
Re: Un banc pour dernier refuge
Un homme est mort cette nuit, sur un banc, au bord de la ville, un homme sans nom, sans âge, sans importance,
Terrible conclusion en ce 21ème siècle ... Que des milliers meurent ici et là, de faim, sous les bombes, écrabouillés par des attentats, de maladie qui pourrait être soignée avec quelques sous, NON, cela ne banalise pas le scandale de cet homme mort là, sur un banc comme ne meurent pas les chiens ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Un banc pour dernier refuge
Un beau texte....
J'aime comment tu décris ce banc et ses usages.. et le dernier refuge pour cet homme sans nom
J'aime comment tu décris ce banc et ses usages.. et le dernier refuge pour cet homme sans nom
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: Un banc pour dernier refuge
A la fois beau et terrible, ton texte !
Réaliste aussi, chaque année des dizaines de SDF meurent ainsi dans la solitude sinon accompagnés des autres miséreux...
Quelle impuissance nous étreint alors !
Réaliste aussi, chaque année des dizaines de SDF meurent ainsi dans la solitude sinon accompagnés des autres miséreux...
Quelle impuissance nous étreint alors !
Invité- Invité
Re: Un banc pour dernier refuge
Une façon simple et humble de traiter la consigne, sans coup de gueule ni considérations politiques, presque «en creux », en opposant toute la douceur, la joie, le bonheur que peut accueillir un banc public, à la tristesse, la souffrance et la mort dont il a été cette fois le lieu. Un texte juste et plein d’émotion retenue.
Et n’oublions pas que certains on fait de ces bancs si accueillants des instruments d’exclusion en les dotant de barres de fer pour empêcher les miséreux de s’y étendre et les invitant à étaler leur misère ailleurs.
Et n’oublions pas que certains on fait de ces bancs si accueillants des instruments d’exclusion en les dotant de barres de fer pour empêcher les miséreux de s’y étendre et les invitant à étaler leur misère ailleurs.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Un banc pour dernier refuge
Un beau texte, très bien écrit qui parle du quotidien avec ses joies, ses malheurs, du bonheur et de la misère toujours présente. Un texte très humain qui évoque nos faiblesses devant ce que nous ne devrions pas voir et aussi, en filigrane, notre impuissance. Ce qui met tout à fait en évidence les actions de l'abbé Pierre pour que cesse l'inimaginable dans ces temps où les progrès quels qu'ils soient et particulièrement de la qualité de vie devraient profiter à chacun.
Invité- Invité
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