A. La conteuse
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A. La conteuse
Ce soir, le vent souffle sur la lande.
L’airial est balayé de bourrasques mais les femmes du hameau, jeunes et vieilles, se sont réunies dans la grande salle de l’oustaù, qui avec sa quenouille, qui avec son fuseau, pour une de ces veillées au cours de laquelle, échange des derniers potins et partage des secrets, occupent les esprits, pendant que les mains s’activent.
Deux enfants se sont joints à la réunion car ils savent que, souvent, on y raconte des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête. Justement, ce soir, Linon est présente. Linon, c’est la spécialiste des histoires. Elle a beau être la plus jeune du groupe, elle en en a "plein les poches", que sa grand-mère lui a racontées.
Assis près de la cheminée, Aubin s’impatiente, Linon le regarde et sourit : « Tu entends ce vent ? On dirait celui qui soufflait, autrefois, les nuits sans lune, quand le Bécut partait en chasse… » Aubin retient son souffle, quant à Mattei, il ne quitte pas la jeune fille des yeux. « Raconte, Linon, raconte l’histoire du Bécut ! »
Linon s’amuse, fait durer l’attente : « Mais vous ne croyez plus aux ogres à votre âge !
—Allez, raconte ! »
Et Linon raconte :
« Il y avait autrefois dans le pays, un ogre terrible, un Bécut. Il était très grand, barbu, couvert de poils, avec un œil unique au milieu du front. Ses jambes énormes étaient infatigables, on disait qu’il pouvait courir aussi vite que le vent d’Ouest quand il souffle en tempête, comme ce soir…
Il se nourrissait uniquement de petits enfants et de jeunes filles. Quand il voyait un enfant seul, ou une fillette isolée, il l’enlevait et l’emportait dans son antre pour le dévorer. Les gens du village avaient beau lui donner la chasse avec des chiens : rien n’y faisait ! Un jour, même, un berger alluma un grand feu, la forêt brûla en partie, mais le Bécut s’échappa et se réfugia dans le marais, plus furieux et sauvage encore. Il choisissait maintenant les enfants les plus beaux, les petits au berceau… Rien ne semblait pouvoir l’arrêter et tous tremblaient… »
Là, Linon s’arrête, pour reprendre haleine et pour ménager le mystère de la suite… Aubin et Mattei tremblent d’impatience mais n’osent pas la presser. Enfin, elle reprend la parole…
« Un jour, un vieux berger décida d’aller demander de l’aide à la Mère du Vent. Il monta sur ses échasses et partit très loin sur la Lande pour la rencontrer.
—Madame la Mère du Vent, pitié, je vous en supplie, aidez-nous à nous débarrasser du Bécut…
La Mère du Vent ne semblait pas très intéressée, elle ne s’occupait pas des affaires des hommes. Alors le vieux berger ajouta finement : « Le Bécut ne respecte personne, il dit : « Si je veux, le vent lui-même ne m’attraperait pas ! »
—Ho, ho, gronda la Mère du Vent, va, je te suis ! »
La nuit était noire et le Bécut était en chasse. Un vent furieux s’éleva et se lança à sa poursuite. Tout craquait, volait, tremblait, dans la forêt, mais l’ogre courrait comme un furieux et la Mère des Vents ne parvenait pas à le rejoindre. Alors, elle redoubla de violence…
Au matin, tout était bouleversé, le marais, où vivait le Bécut, avait disparu, et la Mère du Vent avait enseveli le monstre sous une dune de sable.
Tout le village remercia le berger et on lui demanda comment il avait fait pour convaincre la Mère du Vent de lui venir en aide. Il répondit en souriant : « Je lui ai dit : l’orgueil enterre les gens. ».
La voix de Linon s’éteint, le silence s’installe pour quelques instants, mais il est tard, chacun regagne son logis. Les rafales soufflent toujours, mais les deux enfants, bien serrés dans les replis de la cape des adultes, y voient la Mère du Vent, les protégeant, comme autrefois.
L’airial est balayé de bourrasques mais les femmes du hameau, jeunes et vieilles, se sont réunies dans la grande salle de l’oustaù, qui avec sa quenouille, qui avec son fuseau, pour une de ces veillées au cours de laquelle, échange des derniers potins et partage des secrets, occupent les esprits, pendant que les mains s’activent.
Deux enfants se sont joints à la réunion car ils savent que, souvent, on y raconte des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête. Justement, ce soir, Linon est présente. Linon, c’est la spécialiste des histoires. Elle a beau être la plus jeune du groupe, elle en en a "plein les poches", que sa grand-mère lui a racontées.
Assis près de la cheminée, Aubin s’impatiente, Linon le regarde et sourit : « Tu entends ce vent ? On dirait celui qui soufflait, autrefois, les nuits sans lune, quand le Bécut partait en chasse… » Aubin retient son souffle, quant à Mattei, il ne quitte pas la jeune fille des yeux. « Raconte, Linon, raconte l’histoire du Bécut ! »
Linon s’amuse, fait durer l’attente : « Mais vous ne croyez plus aux ogres à votre âge !
—Allez, raconte ! »
Et Linon raconte :
« Il y avait autrefois dans le pays, un ogre terrible, un Bécut. Il était très grand, barbu, couvert de poils, avec un œil unique au milieu du front. Ses jambes énormes étaient infatigables, on disait qu’il pouvait courir aussi vite que le vent d’Ouest quand il souffle en tempête, comme ce soir…
Il se nourrissait uniquement de petits enfants et de jeunes filles. Quand il voyait un enfant seul, ou une fillette isolée, il l’enlevait et l’emportait dans son antre pour le dévorer. Les gens du village avaient beau lui donner la chasse avec des chiens : rien n’y faisait ! Un jour, même, un berger alluma un grand feu, la forêt brûla en partie, mais le Bécut s’échappa et se réfugia dans le marais, plus furieux et sauvage encore. Il choisissait maintenant les enfants les plus beaux, les petits au berceau… Rien ne semblait pouvoir l’arrêter et tous tremblaient… »
Là, Linon s’arrête, pour reprendre haleine et pour ménager le mystère de la suite… Aubin et Mattei tremblent d’impatience mais n’osent pas la presser. Enfin, elle reprend la parole…
« Un jour, un vieux berger décida d’aller demander de l’aide à la Mère du Vent. Il monta sur ses échasses et partit très loin sur la Lande pour la rencontrer.
—Madame la Mère du Vent, pitié, je vous en supplie, aidez-nous à nous débarrasser du Bécut…
La Mère du Vent ne semblait pas très intéressée, elle ne s’occupait pas des affaires des hommes. Alors le vieux berger ajouta finement : « Le Bécut ne respecte personne, il dit : « Si je veux, le vent lui-même ne m’attraperait pas ! »
—Ho, ho, gronda la Mère du Vent, va, je te suis ! »
La nuit était noire et le Bécut était en chasse. Un vent furieux s’éleva et se lança à sa poursuite. Tout craquait, volait, tremblait, dans la forêt, mais l’ogre courrait comme un furieux et la Mère des Vents ne parvenait pas à le rejoindre. Alors, elle redoubla de violence…
Au matin, tout était bouleversé, le marais, où vivait le Bécut, avait disparu, et la Mère du Vent avait enseveli le monstre sous une dune de sable.
Tout le village remercia le berger et on lui demanda comment il avait fait pour convaincre la Mère du Vent de lui venir en aide. Il répondit en souriant : « Je lui ai dit : l’orgueil enterre les gens. ».
La voix de Linon s’éteint, le silence s’installe pour quelques instants, mais il est tard, chacun regagne son logis. Les rafales soufflent toujours, mais les deux enfants, bien serrés dans les replis de la cape des adultes, y voient la Mère du Vent, les protégeant, comme autrefois.
Une histoire d’un temps perdu,
Une scène révolue,
Car, maintenant, la lande n’existe plus.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. La conteuse
Nerwen, c'est magnifique
D'un bout à l'autre de ton texte, j'ai été emportée sur la Lande, dans cette chaumière. Je suis redevenue une enfant au milieu des adultes, au coin du feu, écoutant à la fois curieuse et craintive, cette histoire de Bécut si bien racontée par Linon.
Tu racontes tellement bien, c'est un bonheur, et un honneur de te lire
D'un bout à l'autre de ton texte, j'ai été emportée sur la Lande, dans cette chaumière. Je suis redevenue une enfant au milieu des adultes, au coin du feu, écoutant à la fois curieuse et craintive, cette histoire de Bécut si bien racontée par Linon.
Tu racontes tellement bien, c'est un bonheur, et un honneur de te lire
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. La conteuse
Je sais Nerwen que tu racontes des histoires aux enfants dans une école, je crois.
Je me suis sentie toute petite, à te lire à t'écouter...
Tu es une merveilleuse conteuse, je ne m'en lasse pas !
Je me suis sentie toute petite, à te lire à t'écouter...
Tu es une merveilleuse conteuse, je ne m'en lasse pas !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. La conteuse
Très belle histoire !
Elle ne déparerait pas chez nos conteurs régionaux.
Par chez nous, je n'ai pas entendu parler du Bécut. Mais il y avait le loup garou auquel, selon ce que racontait ma mère, certaines femmes (femmes seulement ?) au début du 20ème siècle, croyaient dur comme fer. Et c'est certainement la Mère du Vent qui l'a chassé. On l'a échappé belle
Elle ne déparerait pas chez nos conteurs régionaux.
Par chez nous, je n'ai pas entendu parler du Bécut. Mais il y avait le loup garou auquel, selon ce que racontait ma mère, certaines femmes (femmes seulement ?) au début du 20ème siècle, croyaient dur comme fer. Et c'est certainement la Mère du Vent qui l'a chassé. On l'a échappé belle
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A. La conteuse
Une conteuse racontée par une conteuse. Le temps du texte, on est scotché devant la cheminée à écouter cette histoire de monstre terrifiant et de Mère des Vents qu'on entend souffler au dehors.
Cette Mère des Vents a des sentiment bien humains : il suffit de titiller son amour propre pour obtenir ce qu'on veut.
Cette Mère des Vents a des sentiment bien humains : il suffit de titiller son amour propre pour obtenir ce qu'on veut.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A. La conteuse
Un conte qui m'a tenue en haleine du début à la fin.
Bien aimé la Mére des Vents!
Bien aimé la Mére des Vents!
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A. La conteuse
Je ne savais pas que tu étais conteuse Nerwen mais il n'y a aucun doute, ton conte est magnifiquement écrit.
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A. La conteuse
Merci à tous pour vos commentaires qui me touchent beaucoup.
Myrte, je ne suis conteuse que par déformation professionnelle, instit en maternelle, j'ai raconté une histoire chaque jour de ma vie professionnelle et donc y ayant pris goût, je continue !
Myrte, je ne suis conteuse que par déformation professionnelle, instit en maternelle, j'ai raconté une histoire chaque jour de ma vie professionnelle et donc y ayant pris goût, je continue !
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. La conteuse
Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit, car je suis en accord total avec vous.
Comme ces deux enfants, je suis resté scotché au conte si bien narrer par Linon... enfin par Nerwen.
Comme ces deux enfants, je suis resté scotché au conte si bien narrer par Linon... enfin par Nerwen.
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: A. La conteuse
Le Bécut chez moi le Babot, ailleurs un autre nom. Nos territoires sont riches de personnages de légendes et autres monstres qui font peur aux enfants. Comme d'autres l'on dit ici, moi aussi j'ai eu envie de redevenir petite pour écouter des histoires comme celle ci.
Je trouve qu'avec cette consigne, on a matière à écrire un livre de légendes et d'histoires du temps passé.
Une idée qui pourrait faire son chemin.
Je trouve qu'avec cette consigne, on a matière à écrire un livre de légendes et d'histoires du temps passé.
Une idée qui pourrait faire son chemin.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. La conteuse
Ce n'est de loin pas la première histoire que je lis, sortie de ta plume magique!
Merci, c'est chaque fois un plaisir de te lire et de plonger dans ton imagination débordante de monstres ou autres créatures.
Merci, c'est chaque fois un plaisir de te lire et de plonger dans ton imagination débordante de monstres ou autres créatures.
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
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