A. Le procès de Julie

Le procès de Julie

(Pourquoi ce prénom, comprenne qui pourra…)


La prévenue :
— je vous assure Monsieur le juge, le monde m’en soit témoin
j'ignore pourquoi on fait tant de foin
je n’ai strictement touché à rien
je suis respectueuse des biens



Le Procureur :
— si fait, Madame, nous savons tout de l’affaire.
Quelqu'un vous a vu par derrière
ne proclamez pas aussi vite votre innocence.
De personne, vous n'abuserez les sens

Le juge :
— Madame, vous témoignez sous serment
ici c'est un principe, personne ne ment
il ne peut être question de boniments
dites la vérité, et dites là clairement

La prévenue :
— Je reconnais que j’avais des intentions
vous pensez que ce n’est pas bon
mais toucher il n’était pas question
juste un peu souffler, d'une excellente façon

Le procureur :
— voilà, Monsieur le juge, elle avoue
manifestement elle préparait un sale coup
une atteinte au patrimoine français
à un ouvrage pourtant parfait

Le juge :
— Madame, le procès-verbal est particulièrement clair
vous vous êtes approchée du pissenlit ce symbole si fier
en soufflant dessus vous aviez l'intention de lui porter atteinte
ce n'est pas le remord qui vous a arrêté, mais une quinte
de toux

Le procureur :
— la cause est entendue, la prévenue doit être condamnée
le Petit Larousse mérite son pissenlit entier
souffler pour que tout s'envole
c’est pire que du vol
une atteinte à la langue, une sorte de viol.

La prévenue :
— Monsieur le juge, j'ai juste convoqué de mon souffle  Éole
pour respecter Émile Auguste Reiner
qui n’avait pas la tête à l’envers
Il choisit la devise « je sème à tous vents »
j’ai donc soufflé sur ce pissenlit en salivant

Le juge :
— Madame, compte-tenu de votre bonne foi,
vous n'aurez qu'un rappel à la loi
et comme travail d’intérêt général
du Larousse vous lirez l'intégral.

Une belle plume, comme toujours.

Voilà donc ta Julie " A bout de souffle"...
Quelle imagination, soufflez, soufflez et vous voilà condamnée " Vous lirez l'intégral du petit Larousse" !!!
Pour le même prix, elle aurait pu toucher, sentir, humer...
Appel aux sens !

Une approche très originale de la consigne. Bravo pour cela

Je n'ai pas compris l'allusion à Emile Auguste Reiner. Tu peux éclairer ma lanterne

Sherkane a écrit:Une approche très originale de la consigne. Bravo pour cela

Je n'ai pas compris l'allusion à Emile Auguste Reiner. Tu peux éclairer ma lanterne

Il s'agit du dessinateur qui a fait le logo de Larousse : la fleur de pissellit et le "je sème à tous vents"

Ah le comique des tribunaux ! voilà qui nous ramène à la drôlerie des scènes de prétoire de Racine ou de Courteline. Un délit extravagant et poétique et une prévenue qui a du répondant. Plutôt bonasse le juge finalement. Pas si désagréable de lire le Larousse en entier, du moins si c’est dans le désordre, ce qu’Anatole France appelait joliment « faire l’école buissonnière dans le dictionnaire », ce à quoi je me suis souvent livré enfant et ado.
Elle va finir érudite, la Julie.

Je n'ai pas encore lu tous les textes, mais je parie déjà pour la prime de l'originalité à celui-ci !

Je n'avais jamais remarqué qu'il y avait un pissenlit sur la couverture du Larousse (à moins que ce ne soit que les vieilles éditions?) j'apprends donc quelque chose.
Ton texte est en effet très original.

Je me rallie à la cause de la prévenue, il ne fallait pas qu'Emile Auguste montre l'exemple avec son illustration. Il nous tente.
Je me souviens, petite fille, avoir reconnu la fleur dans les champs grace au Larousse de mes parents dans lequel j'adorais me plonger et mon premier réflexe fut de souffler dessus pour vérifier.
Comme tous, je trouve ton texte très original et je le vois bien en petite scène de théâtre.

Admin a écrit:Je n'avais jamais remarqué qu'il y avait un pissenlit sur la couverture du Larousse (à moins que ce ne soit que les vieilles éditions?) j'apprends donc quelque chose.
Ton texte est en effet très original.

Il existe toujours… mais il est devenu hyper stylisé !

@ TOBERMORY

Merci pour ton commentaire. C'est vrai que j'ai cherché à faire original…
à propos de Julie, et puisque tu l'évoques,  et pour répondre à la question que personne ne m'a posée sur le choix de ce prénom :
c'est à cause de la chanson de René Louis Laforgue :  " Julie La Rousse" ,  mais il n'est pas dit si elle lisait le Larousse…

ah! ça!
voilà un texte qui sort de l'ordinaire!
on demande ici un texte poétique... et te voilà en train de nous plonger dans les arcanes d'un procès!
Faut le faire quand même!
et on suit ce "procès" comme un véritable suspense!
avec en prime un enrichissement de la culture générale du lecteur...
Bravo Alainx!

Merci Alain pour avoir éclairé le prénom de Julie.
J'ai pas osé demander. Me suis dit que je serais la seule à ne voir aucun lien.

Quel texte ! Etais tu dans la magistrature dans ta vie antérieure? Tu aurais fait un bon avocat , un bon .procureur et un bon juge à la fois. La prévenue se défend bien aussi.. Quant au Larousse je le consulte presque chaque jour et je constate que je ne sais pas grand chose. Tu es aussi un grand érudit..
BRAVO c'est génial ce que tu as pondu!

Il se fait que je connais quelque peu le milieu judiciaire pour y avoir travaillé…
je n'ai cependant jamais assisté à un procès où l'on s'exprimait en vers ! ...

merci pour ton appréciation
cela dit, le moindre magistrat débutant me renverrait dans mes cordes, car par définition la prévenue a largement le droit de mentir… ce juge est roué de l'obliger à dire la vérité… ( Seul le témoin prête serment de la dire…)
mais bon, on a dit forme poétique, on n'a pas dit cours de droit et de procédure pénale !

Ça me fait penser aux Euménides, dans la trilogie d'Eschyle ; il y a également un procès.

Original et bien pensé.

Superbe dialogue en vers, et devant la cour.
Quelle originalité ce texte, c'est génial, et en plus jouer avec les mots symboliques du Larousse.

BRAVO BRAVO BRAVO

Un crime de lèse pissenlit ! Il fallait l'imaginer. Un procès en absurdie qui conserve au fond tout son caractère poétique.

Affaire rondement menée
Jugement  équitable ...

Quoique l'intégrale du Larousse est plus contraignante que trois Ave et quatre Pater !

Je regrette le temps de la première illustration qui était plus évocatrice ...