A. Muanza

Quand l'ascenseur s'est arrêté pour Muanza au premier étage, il y avait déjà trois autres personnes dans la cabine, un vieux monsieur et une dame tenant un petit garçon par la main.
- Regarde, maman! Il est tout noir, le monsieur!
- Chut, a dit la mère en lançant un regard gêné vers Muanza, qui s'est placé dans un coin après avoir appuyé sur le bouton du 8e.
Son téléphone a sonné. C'était Rosemund, évidemment.
- Il parle une drôle de langue, le monsieur tout noir, a dit le petit garçon. C'est de l'anglais, ça, maman?
- Chut, a répété sa mère. Ne dis pas ça, non ce n'est pas de l'anglais.
Dans l'autre coin, le vieux monsieur rigolait doucement en regardant Muanza, quand tout à coup, après quelques hoquets, l'ascenseur s'est arrêté entre deux étages.
- Ça y est! s'est exclamé le vieux monsieur. C'est la panne!
- C'est la faute du monsieur tout noir? a demandé le petit.
- Chut, non, ne dis pas ça, a soufflé la mère en regardant Muanza avec inquiétude pour la troisième fois.
Celui-ci tapotait sereinement son clavier pour appeler Atuahene, qu'il les tire de là, quand la lampe s'est éteinte dans la cabine.
- Je ne veux pas rester dans le noir avec ce monsieur tout noir! a gémi l'enfant. J'ai peur!
- Ce n'est rien, a dit la mère, tu verras, ça ne va pas durer longtemps.
- C'est l'affaire de quelques minutes, a renchéri le vieux monsieur.
L'enfant s'est mis à hurler:
- C'est la faute au monsieur tout noir!
L'ascenseur s'est ébranlé, la lampe s'est rallumée.
- Ouf! a dit Muanza. La dernière fois, on est restés bloqués plus d'un quart d'heure!
C'est alors que la mère a donné une taloche à son gamin.
Il n'a jamais compris pourquoi.
(300 mots)

Une petite Fable pour exprimer magnifiquement le racisme Light…

" mais non je ne suis pas raciste : j'ai un ami africain qui est avocat"

c'est très bien vu !

merci pour l'appréciation, Alain X!
bonne soirée

Mon premier comm' a disparu, je recommence donc pour te féliciter d'abord pour l'originalité de ton texte dans le choix des noms, des personnages, de la langue et enfin, mine de rien, tu le fais porteur d'un message

merci pour ce gentil commentaire, Amanda, et merci d'être revenue commenter!

Un texte léger qui s'appuie sur un thème banal ( une panne d'ascenseur) pour traiter d'un sujet très sérieux. Excellente idée, tu es étonnante Adrienne

Merci pour ce petit compliment qui fait plaisir :-)

J'aime ces personnages mis dans une situation tout à fait plausible. J'espère seulement que la taloche finale, que nous mettrons sur le compte de l'énervement et de la gène, sera suivie d'une mise au point un peu plus "pédagogique" pour ce pauvre enfant.

Merci Nerwenn!
Je comprends que tu l'espères, mais... les mères existent aussi ;-)

Nos enfants ont le chic pour poser les questions délicates au plus mauvais moment !

surtout celui-ci, qui n'avait sans doute jamais vu d'homme noir (sauf notre Zwarte Piet https://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A8re_Fouettard_(Zwarte_Piet) ;-))
merci pour le commentaire, Martine 27!

Ah les enfants et leur authenticité!! Je crois que si j'avais été la femme de couleur dans l'ascenseur, voyant la gêne de la mère, j'aurais rigolé un bon coup avec l'enfant ....

"Maman, t'as vu ! Il est si grand et il est encore dans une poussette!" (anecdote vécue). Pas facile de "maîtriser" l'étonnement d'un gamin, surtout dans un espace confiné où tout s'entend. Très bien rendu dans ton texte, et une façon délicate de traiter d'un sujet grave.

merci pour l'appréciation, Virgul!
(hé oui, l'éducation, c'est tout le temps :-))

Les questions candides de l’enfant et la gêne de la mères sont bien vues
Les remarques de l’enfant (  C'est la faute au monsieur tout noir!
et
Je ne veux pas rester dans le noir avec ce monsieur tout noir) sont à la fois drôles et dérangeantes parce qu’on sait que ce qui n’est que curiosité innocente peut évoluer en sentiments bien plus troubles.

Merci pour l'appréciation, Tobermory!

une partie de ma phrase était passée à la trappe. j'ai corrigé.

merci! j'avais deviné ce qui manquait :-)