A. La dernière séance
+2
Escandélia
tobermory
6 participants
Page 1 sur 1
A. La dernière séance
La séance est à 22 heures
Le message s’était incrusté sur le velours noir du ciel nocturne au dessus de la place. Lettres incandescentes, arc-en-ciel de pleine nuit. Les têtes levées vers cette féérie rivalisaient de suppositions :
- C’est un coup de pub pour un film !
- Un cadeau de not’ maire, manque jamais une occasion de se faire mousser à nos fraicelui-là…
- Mais non, c’est une nouvelle performance spatiale, vous allez voir, l’ISS va descendre juste au dessus de nos têtes
- Oui, c’est ça ! Thomas et ses potes vont nous faire un spectacle de trapèze volant. Ils sont rôdés avec leurs cabrioles là-haut !
A 22 heures, on vit un objet descendre du ciel, ce qui semblait valider l’hypothèse de la Station spatiale. Sauf que ça ne lui ressemblait pas du tout. La chose présentait l’arrondi aérodynamique des soucoupes volantes et autres ovnis. Elle vint se poser en douceur au centre de la place tandis qu’une vive lumière intérieure en dévoilait tous les détails. C’était à la fois prodigieux et décevant : géante, oui, mais rien d’autre ampoule électrique toute simple et toute bête, avec sa douille métallique, son enveloppe de verre et ses filaments chauffés à blanc.
Les murmures d’émerveillement ou de déception eurent à peine le temps de s’élever de la foule que la géante avait à nouveau pris de la hauteur, comme une bulle de savon capricieuse. En même temps, un autre phénomène encore plus stupéfiant monopolisait l’attention : les lumières de la ville, toutes ces lueurs minuscules qui ponctuent les façades, s’échappaient par les fenêtres, laissant maisons et immeubles dans l’obscurité. Dans les rues, sur les routes, les serpents lumineux des voitures s’éteignirent. Par milliers les ampoules fugitives se rassemblèrent en une voie lactée étincelante qui rejoignit la géante et la suivit jusqu’à disparaitre dans l’espace.
La place, la ville, les alentours, tout n’était que ténèbres. Un frisson gémissant parcourut la foule. Les terreurs des premiers hommes ressurgissaient. Dans le ciel, les étoiles faisaient figure d’ersatz dérisoire. Des mains plongèrent dans les sacs pour en tirer des lampes de poches, mais celles-ci offraient l’aspect sinistre de visages énucléés. Les plus courageux partirent à tâtons pour tenter de rejoindre leur demeure, les autres se contentant d’attendre le jour sur place.
Enfin le soleil pointa, mais ce fut à peine si un murmure de soulagement le salua. Après cette première réaction, c’est avec mépris, avec haine qu’on le regarda. Le soleil peuh ! Le soleil, pauvre lampadaire obsolète, même pas moyenâgeux, antique, préhistorique, misérable résidu bling bling du Big-bang. Il était là depuis trop longtemps, un vestige, un has been. Certains le traitèrent de rétrograde et même d’obscurantiste. Parce que ma bonne dame, le soleil, il peut faire le beau là-haut, une chose est sûre, c’est qu’ il n’est jamais là quand on en aurait le plus besoin : la nuit.
A leur place, je me méfierais parce que le soleil, il pourrait bien se faire la malle lui aussi.
Le message s’était incrusté sur le velours noir du ciel nocturne au dessus de la place. Lettres incandescentes, arc-en-ciel de pleine nuit. Les têtes levées vers cette féérie rivalisaient de suppositions :
- C’est un coup de pub pour un film !
- Un cadeau de not’ maire, manque jamais une occasion de se faire mousser à nos fraicelui-là…
- Mais non, c’est une nouvelle performance spatiale, vous allez voir, l’ISS va descendre juste au dessus de nos têtes
- Oui, c’est ça ! Thomas et ses potes vont nous faire un spectacle de trapèze volant. Ils sont rôdés avec leurs cabrioles là-haut !
A 22 heures, on vit un objet descendre du ciel, ce qui semblait valider l’hypothèse de la Station spatiale. Sauf que ça ne lui ressemblait pas du tout. La chose présentait l’arrondi aérodynamique des soucoupes volantes et autres ovnis. Elle vint se poser en douceur au centre de la place tandis qu’une vive lumière intérieure en dévoilait tous les détails. C’était à la fois prodigieux et décevant : géante, oui, mais rien d’autre ampoule électrique toute simple et toute bête, avec sa douille métallique, son enveloppe de verre et ses filaments chauffés à blanc.
Les murmures d’émerveillement ou de déception eurent à peine le temps de s’élever de la foule que la géante avait à nouveau pris de la hauteur, comme une bulle de savon capricieuse. En même temps, un autre phénomène encore plus stupéfiant monopolisait l’attention : les lumières de la ville, toutes ces lueurs minuscules qui ponctuent les façades, s’échappaient par les fenêtres, laissant maisons et immeubles dans l’obscurité. Dans les rues, sur les routes, les serpents lumineux des voitures s’éteignirent. Par milliers les ampoules fugitives se rassemblèrent en une voie lactée étincelante qui rejoignit la géante et la suivit jusqu’à disparaitre dans l’espace.
La place, la ville, les alentours, tout n’était que ténèbres. Un frisson gémissant parcourut la foule. Les terreurs des premiers hommes ressurgissaient. Dans le ciel, les étoiles faisaient figure d’ersatz dérisoire. Des mains plongèrent dans les sacs pour en tirer des lampes de poches, mais celles-ci offraient l’aspect sinistre de visages énucléés. Les plus courageux partirent à tâtons pour tenter de rejoindre leur demeure, les autres se contentant d’attendre le jour sur place.
Enfin le soleil pointa, mais ce fut à peine si un murmure de soulagement le salua. Après cette première réaction, c’est avec mépris, avec haine qu’on le regarda. Le soleil peuh ! Le soleil, pauvre lampadaire obsolète, même pas moyenâgeux, antique, préhistorique, misérable résidu bling bling du Big-bang. Il était là depuis trop longtemps, un vestige, un has been. Certains le traitèrent de rétrograde et même d’obscurantiste. Parce que ma bonne dame, le soleil, il peut faire le beau là-haut, une chose est sûre, c’est qu’ il n’est jamais là quand on en aurait le plus besoin : la nuit.
A leur place, je me méfierais parce que le soleil, il pourrait bien se faire la malle lui aussi.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A. La dernière séance
Heu ! Je ne sais par où commencer mon commentaire tant ton texte est dense.Tout y est (ou presque) de la peur des hommes face à l'inconnu, de la béatitude des badauds jusqu'au rejet de ce qui était jusqu'à présent et depuis la nuit des temps. Je trouve que le comportement des humains est décrit avec une précision extraordinaire. C'est encore un très bon texte que tu nous offres où le fantastique flirte avec le magique.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. La dernière séance
Belle idée que cette ampoule géante absorbeuse de toutes les lumières
Décidemment cette ampoule nous emmène dans beaucoup de textes de science fiction
Décidemment cette ampoule nous emmène dans beaucoup de textes de science fiction
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A. La dernière séance
Une façon originale de rendre au soleil la place à laquelle il a droit.Vivement les batteries domestiques qui permettront d'accumuler l'énergie diurne du soleil pour en profiter la nuit.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. La dernière séance
Attention ...
Oui, attention : le soleil pourrait se vexer, et alors là, on ne serait vraiment pas clairs !
Très, très bon sujet qui m'éclaire sur bien des peurs liées à la lumière ou à son absence !
Oui, attention : le soleil pourrait se vexer, et alors là, on ne serait vraiment pas clairs !
Très, très bon sujet qui m'éclaire sur bien des peurs liées à la lumière ou à son absence !
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A. La dernière séance
J'aime beaucoup ces lumières qui s'évadent, la fée électricité qui en a assez de l'esclavage. Ton texte m'a rappelé un excellent roman de Rober Silverberg "le retour des ténèbres" https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Retour_des_t%C3%A9n%C3%A8bres
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum