A. Brève rencontre

Brève rencontre

Un écureuil m’a demandé mon nom ce matin.
— Vous êtes de la police ? que j'ai répliqué.
— Non, non, je suis banquier, à la Caisse d'épargne, qu'il m'a répondu. Vous savez, banquier, c'est une tradition dans la famille. Mon père déjà, mon grand-père, et même encore avant.
— Ah ! OK ! Alors entre collègues, je peux vous dire mon nom… : Phil de Ferachval. Je suis aussi banquier. Au crédit agricole.
— Ah oui, le crédit à bricole, je trouve pas sabot comme nom. Enfin, je dis ça, je ne dis rien, on va pas s'enguirlander entre banquiers, on n’est pas des tchèques sans provisions, puisqu'on est plutôt riches !

Cet écureuil est vraiment casse-noisettes avec ses jeux de mots à 3,50 €. Il s'enferre (à cheval)  Celle-là je n'allais quand même pas la laisser passer.
— Et vous travaillez dans quelle branche ? que je lui ai demandé.
— Je suis sur une branche haute dans l'arbre de l'organigramme. Le contrôle. J'examine toutes les feuilles attentivement. Je vérifie les nervures des colonnes. Les feuilles vertes, c'est quand tout va bien, les feuilles jaunes, c'est quand il y a des erreurs. Je les signale alors au tronc central. Vous savez, il y a toujours des petits rigolos qui essaient de nous faire marron, en croyant qu'on va confondre avec les noisettes. L'autre jour j'en ai coincé un, et mon directeur m'a félicité avec panache.
Et à part ça, vous, ça va ?

Je lui ai raconté que ma femme venait d'entrer en clinique, parce qu'elle manquait cruellement de fer. C'est son talon d'Achille. Le chirurgien m'a dit qu'on n’échapperait peut-être pas à l'amputation du sabot. autrement dit, c'est vraiment pas le rêve.

— Je crois que je connais votre femme, reprit l'écureuil, elle a une très belle crinière et j'ose à peine vous dire ce que je pense de sa croupe. Même si c'est déjà un vieux cheval de retour.
— Dites donc, vous vous en permettez des familiarités avec ma jument ! C'est quoi ces manières… et arrêter de frétiller de la queue comme ça… c'est franchement indécent !

— Pardon ! Ça m'a échappé… que voulez-vous, je suis en manque. Ma moitié m'a quitté pour un raton laveur. Croyez-moi, elle trempe dans une sombre histoire. Elle s'est laissée entraîner dans une magouille de lavage d'argent sale issu d'un trafic de noisettes planquées dans les arbres de la forêt d'à-côté, en Suisse. Si elle se fait piquer elle aura une forte amande amère.

J'en avais assez entendu. Cet écureuil me hérissait le crin. Je l'ai quitté rapidement. Allez ! Au trot ! Ça sent l’écurie, que je me suis dit. Rentrons au bureau, il y a encore de l'avoine à se faire.