Cher Docteur

Kalé 291
Cher Docteur,
Je ne vous ai pas tout dit…
Mais  je voudrais d’abord  vous poser quelques questions en tout bien, tout à mon honneur perdu.
Qu’est ce que je fous ici ?
Pourquoi m’avez vous internée dans votre hôtel  à chambres psychiatriques ? Je porte plainte.
C’est pire qu’en prison , je ne peux même pas sortir pour assouvir mes besoins les plus  élémentaires et je suis obligée de pisser sur la moquette comme mon chat quand on oublie de lui ouvrir la porte de sa litière qu’est le jardin .
Voilà où j’en suis, voilà où vous m’avez mis. J’ai honte de vous.
Je prie pour vous , d’ailleurs je n’ai rien d’autre à faire…  à part aussi vous écrire cette lettre.
Vous m’avez coupée de tout, et de tous , de mon père qui est au ciel. Où est  mon portable, mon ordi, ma souris , mon chat ?Ciel, où sont mes bijoux ?
Et tout çà pourquoi ?
Parce que j’étais nue dans la rue ? Quand le thermomètre affiche un 40 degrés  un peu à l’ouest de l’ombre, il y a de quoi se débarrasser de tout superflu.
Parce que j’en appelais à genoux devant mon dieu pour le remercier  de ce beau soleil ? Qui pense encore sur cette terre  à dire merci pour cette création paradisiaque  et que beaucoup  estime comme un  dû ? Moi.
Parce que  je vous ai confié que j’avais le pouvoir de chasser les démons hors de ces corps tourmentés que je rencontre dans la merde, chaque jour ? J’aurais mieux fait de ne pas me vanter des dons que j’ai reçu en héritage . Oui, mon père  était un grand sorcier connu dans le monde entier. On venait des 4 coins de la terre pour le consulter.
Je crois que vous m’avez enfermée à double tour parce que vous avez peur que je parle, que je dise la vérité, toute la vérité… et que vous êtes jaloux .
Je crois  que la vérité vous fait peur… et votre jalousie  est à la hauteur de votre folie  c'est-à-dire gigantesque .
Est-ce que je suis folle moi ? Est-ce que j’ai l’air d’une folle ?
Moi  je n’ai pas peur  et je ne suis pas folle ou possédée pour un sou, je suis en vie et en bonne santé,  j’ai la vie en moi ,oui, oui, vous avez bien lu ,j’ai la vie en moi , je suis enceinte quoi … et de qui ?
Si je vous le dis, vous ne me croirez pas …  
Vous êtes tellement sûr de votre bon  coup,  vous êtes tellement sûr de vous, de votre charme, de votre pouvoir  sur moi …Non, non ce n’est pas de vous que je suis pleine . Oui je comprends votre rage ,votre désespoir, votre jalousie, je vous ai aimé, vous m’aimez comme un fou, n’en parlons plus,  c’est fini pour toujours, j’ai trouvé mieux, cent fois  mieux, mille fois  mieux, infiniment mieux…
Et qui c’est ?
Son nom commence par un grand  D ….    
Voilà : la messe est dite.
Votre fidèle patiente

Beau texte, bien construit, et bien amené. Une fin assez inattendue. Une histoire plus que plausible (je parle de l'internement, pas de la rencontre avec , bien sûr. ) Il y a tant de gens qui devraient être à la place de ceux que l'on dit fous et pourtant pas dangereux, mais ils dérangent : qui au juste ? Les bien pensants ? Les moralistes ? Les intolérants à coup sûr !

Ca parle d'un sujet lourd, douloureux et c'est la réalité pour des gens qui souffrent de pathologie psychiatrique.
Et pourtant ton texte est léger, joyeux, récréatif. et super agréable à lire.   

On est un peu surpris par la fin de ton texte parce qu'on ne s'y attend pas du tout. Je suis d'accord avec Admin : tu as fait avec un sujet lourd un texte plutôt léger. Bravo Charlotte !

J'aime ton texte, parce qu'il dénonce avec une cruelle subtilité le "bien-pensant", de notre société, si formatée de tous les côtés...
En même temps, la situation que tu décris est loin d'être simple, et a le mérite de nous interroger...   

Quoique d'accord avec les comm's précédents sur la gravité de la situation que tu mets en scène, j'ai hurlé de rire presque jusqu'à la fin, tellement tu jongles avec les mots !