A - Posé? Pas sûr!

J’ai posé sur le papier ma signature. Puis je l’ai montré aux caméras. J’ai dit que je le ferais, alors je signe. Comme à chaque fois un frisson me parcourt l’échine, une jubilation rare, une volupté intense de puissance, de pouvoir absolu. Foncer, ne jamais douter, exhiber mes certitudes, les imposer, c’est ce qu’ils veulent. Rien à foutre des autres qui manifestent, j’avais prévenu, et d’ailleurs le Nasdaq crève les plafonds. Faudra que je remplisse mon stylo, un licenciement, une nomination et trois autres décrets à signer, tant mieux…tant mieux, j’adore !


J’ai posé sur son épaule ma main. Ma main chaude et compatissante pour l’encourager à me raconter. Prise de sang de routine, un simple chiffre, trop élevé, qui s’érige en soupçon. Analyses, radios, scanners, diagnostiques incertains, doutes, attentes, peurs. D’autres spécialistes, nouveaux examens, nouvelles pistes, vers le pire, ou pas, cas rare, il faut encore creuser, mieux outillés à l’étranger, l’attente encore, et puis la sentence.  Enfin on peut commencer à traiter, il n’est pas trop tard mais il était temps. Trois mois d’enfer, juste au moment où elle avait décidé de travailler à mi-temps. C’était hier, nous avons déjeuné ensemble, je n’ai pu que l’écouter, elle est forte, et en nous quittant, pour la saluer ma main est devenue un poing serré.


J’ai posé sur mes lèvres un mot. Sans le prononcer, tant il m’est précieux. Il fait partie de ces mots qu’on dit rarement, il se murmure dans le regard des gens. Lorsqu’ il traverse l’esprit, l’œil s’adoucit, les pupilles se dilatent comme un sourire qui s’élargit, et dans l’iris miroite un peu d’âme. Ce reflet, d’une beauté minérale, est de plus en plus rare à capter, il est passé de mode, il s’éteint progressivement. Un mot en voie de disparition, trop peu de messagers pour le colporter, et trop d’intransigeants pour le condamner. Alors sur mes lèvres, j’ai posé mon mot, je l’ai transformé, lui ai donné des ailes, il s’envole comme un cri : tollérance !

Trois textes très différents, le premier bien ironique, le second, émouvant et le dernier, celui que je préfère, poétique.
Une réussite !

Trois textes très évocateurs. Très riches aussi. J'aime le regard qui est le tien sur toutes ces choses qui font la vie.
de l'Ironie, de l’empathie, de la tolérance et à chaque texte de l'humain, voilà qui est une panoplie assez complète.

Trois parties qui vont dans trois directions différents, et toutes très intéressantes. Dans chaque partie tu manies l'émotion avec dextérité: la colère pour la première, la tristesse pour la seconde et enfin l'espoir pour la dernière.
Un de mes textes préférés

En quelques lignes tu nous fais vivre beaucoup d'émotions !
Je rejoins Délia concernant le regard que tu poses sur les choses, dans lequel souvent je me retrouve par ailleurs.

Tollerance : voilà une proposition à formuler auprès de l'Académie française.
Avec deux ailles, le mot tolérance signifierait qu'on peut supporter des avis divergents sans forcément les partager ...

C'était une consigne qui incitait à partir dans toutes les directions, tu as choisi trois points cardinaux bien intéressants, mais où est le quatrième ?

Un plaisir de te relire ici.

Trois textes, trois regards chargés d'émotion que tu sais si bien faire partager !

Quel beau et bon texte. J'aime tout, j'aime ton écriture, j'aime ce que tu exprimes.J'aime le mot Tolérance mais pas de tolérance pour les terroristes...