A. Brusque séparation.

«Tout à l’heure, je fouillerai dans les armoires.»
- Ce fut mes derniers mots, avant que ne lève l’ancre du navire réquisitionné par l’armée.
Tu m’avais demandé de faire le tri de tes affaires, laissées dans ton logement, en me demandant de tout jeter.
Avec désappointement, je suis retourné chez toi.
J’ai commencé à examiner les lieux, ce fut trop dur pour moi, j’ai arrêté sans ouvrir une seule armoire.

«Tout à l’heure, je fouillerai dans les armoires.»
J’ai préféré ne rien bouger, malgré ta demande. Les seules choses que j’ai vraiment touchées sont tes draps, ton coussin que j’ai serré très fort contre ma poitrine dans ce lit où nous avons été dérangé, pendant que nous faisions l’amour: des coursiers militaires venaient te chercher pour la guerre. Depuis ton départ, je ne suis allée qu’une fois chez moi pour récupérer mes effets personnels.

Tu as toujours été un pacifiste, tu ne voulais pas entendre parler de violence.
Ils t’en embarqué brusquement, ils t’ont appris à manier des armes pour tuer, jusqu’à que ton tour vienne où l’ennemi (leur ennemi) t’abattrait.

«Tout à l’heure, je fouillerai dans les armoires.»
Je n'en avais pas le courage, mais j’ai découvert que tu avais gardé toutes mes lettres soigneusement alignées sur ta table de nuit, comme j'avais gardé les tiennes avec tes mots si attentionnés.

«Tout à l’heure, je fouillerai dans les armoires.»
Je n’avais rien fouillé. J'avais décidé que même si tu tombais sous les balles, ton nid ne bougerait pas. Trois ans que je pleurais jour et nuit, sans nouvelles de ta part, sachant que la censure menait sa triste besogne. Je me doutais que tu ne reviendrais jamais.

Comme beaucoup d’autres femmes sur ce quai maudit, je vivais continuellement dans l’angoisse… jusqu’à ce soir.

- Je t’aime Marie, plus que toujours, la chance a été avec moi, ne parlons plus de ces moments sombres.

- Je t’aime très fort Pierre, la vie redevient belle, je suis tellement heureuse que tu sois revenu vivant de ce sale guêpier… continuons à faire l’amour commencé avant ton brusque départ…