A- Les marques sur le mur
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Amanda.
Myrte
Cassy
7 participants
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A- Les marques sur le mur
J’ai poussé la porte sans intention de rentrer. Je voulais juste apercevoir le long couloir et l’escalier de bois montant aux étages. Est-ce que c’était comme dans mon souvenir ?
Tant d’années sont passées depuis que ma mère a fermé la porte pour la dernière fois. Je ne pensais pas revenir un jour ici, c’est une clef qui a tout changé.
Je l’ai trouvée dans le tiroir de la vieille armoire. Mon père parti en maison de retraite, il fallait vider l’appartement, trier, garder, donner ou jeter. J’ai beaucoup donné. J’ai aussi beaucoup jeté. Je n’ai presque rien gardé, quelques photos, de menus objets, deux alliances, une bague, trois montres et des médailles. Et puis cette clef. En la découvrant au fond de ce tiroir, j’ai immédiatement compris d’où elle venait et ce qu’elle ouvrait.
Je ne pensais pas revenir ici puisque plus rien ne m’y retient. Et pourtant me voilà à l’entrée de ce couloir,
lorgnant vers l’escalier en colimaçon, le même qu’il y a trente-cinq ans.
À l’extérieur je n’ai rien reconnu, la façade a été refaite, l’abri à vélos s’est transformé en large allée et la cour en parking. Les volets en bois gris ont été remplacés par des volets roulants.
La maison ressemble aujourd’hui à toutes les maisons d’une ville de province qui voit chaque année sa population décliner. Au-dessus d’une boutique fermée depuis longtemps, les appartements ont sans doute été refaits plusieurs fois depuis notre départ. Qui voudrait vivre aujourd’hui dans un appartement au confort spartiate ? Sans salle de bain pour les appartements du second étage, sans toilettes ni salle de bains pour les appartements du premier étage. Pas de chauffage central non plus et la bouteille de gaz qu’il faut monter sur deux étages, jusqu’à la vieille gazinière.
Je longe le long couloir et prends les escaliers jusqu’au dernier étage, laissant ma main gauche glisser sur la rampe et la droite caresser le mur pour reconnaitre les marques du passé. Elles ne sont plus visibles, mais je sais qu’elles sont là. Virage serré à gauche et une pause pour soulager le dos du père sous le poids du sac de charbon qui alimentera le poêle de la chambre. Le mur se souvient et en garde les traces indélébiles.
Au premier pallier la marque de mes mains appuyées près de la porte de l’amie. Essoufflée par la montée des marches quatre à quatre, je reprenais ma respiration, impatiente que la porte s’ouvre sur le visage rayonnant de celle qui accompagnait mes jeux d’enfant.
Si j’observe attentivement, peut-être vais-je reconnaitre la marque du ballon mille fois envoyé contre le haut du mur, toujours au même endroit, à gauche de la porte de l’amie, histoire de faire du bruit pour lui montrer mon impatience.
Au second pallier je fais un bond dans le passé. Derrière cette porte il y a une partie de mon histoire. Elle est à la fois si loin de moi, et si proche. J’ai tant espéré partir d’ici, de cet appartement, de cette ville et aujourd’hui je cherche désespérément à remonter le temps, je voudrais ouvrir cette porte et embrasser ma mère, m’installer à table et manger son clafoutis aux prunes.
Mais la clé restée dans ma poche ne rentre plus dans aucune serrure, restent les traces sur le mur.
Tant d’années sont passées depuis que ma mère a fermé la porte pour la dernière fois. Je ne pensais pas revenir un jour ici, c’est une clef qui a tout changé.
Je l’ai trouvée dans le tiroir de la vieille armoire. Mon père parti en maison de retraite, il fallait vider l’appartement, trier, garder, donner ou jeter. J’ai beaucoup donné. J’ai aussi beaucoup jeté. Je n’ai presque rien gardé, quelques photos, de menus objets, deux alliances, une bague, trois montres et des médailles. Et puis cette clef. En la découvrant au fond de ce tiroir, j’ai immédiatement compris d’où elle venait et ce qu’elle ouvrait.
Je ne pensais pas revenir ici puisque plus rien ne m’y retient. Et pourtant me voilà à l’entrée de ce couloir,
lorgnant vers l’escalier en colimaçon, le même qu’il y a trente-cinq ans.
À l’extérieur je n’ai rien reconnu, la façade a été refaite, l’abri à vélos s’est transformé en large allée et la cour en parking. Les volets en bois gris ont été remplacés par des volets roulants.
La maison ressemble aujourd’hui à toutes les maisons d’une ville de province qui voit chaque année sa population décliner. Au-dessus d’une boutique fermée depuis longtemps, les appartements ont sans doute été refaits plusieurs fois depuis notre départ. Qui voudrait vivre aujourd’hui dans un appartement au confort spartiate ? Sans salle de bain pour les appartements du second étage, sans toilettes ni salle de bains pour les appartements du premier étage. Pas de chauffage central non plus et la bouteille de gaz qu’il faut monter sur deux étages, jusqu’à la vieille gazinière.
Je longe le long couloir et prends les escaliers jusqu’au dernier étage, laissant ma main gauche glisser sur la rampe et la droite caresser le mur pour reconnaitre les marques du passé. Elles ne sont plus visibles, mais je sais qu’elles sont là. Virage serré à gauche et une pause pour soulager le dos du père sous le poids du sac de charbon qui alimentera le poêle de la chambre. Le mur se souvient et en garde les traces indélébiles.
Au premier pallier la marque de mes mains appuyées près de la porte de l’amie. Essoufflée par la montée des marches quatre à quatre, je reprenais ma respiration, impatiente que la porte s’ouvre sur le visage rayonnant de celle qui accompagnait mes jeux d’enfant.
Si j’observe attentivement, peut-être vais-je reconnaitre la marque du ballon mille fois envoyé contre le haut du mur, toujours au même endroit, à gauche de la porte de l’amie, histoire de faire du bruit pour lui montrer mon impatience.
Au second pallier je fais un bond dans le passé. Derrière cette porte il y a une partie de mon histoire. Elle est à la fois si loin de moi, et si proche. J’ai tant espéré partir d’ici, de cet appartement, de cette ville et aujourd’hui je cherche désespérément à remonter le temps, je voudrais ouvrir cette porte et embrasser ma mère, m’installer à table et manger son clafoutis aux prunes.
Mais la clé restée dans ma poche ne rentre plus dans aucune serrure, restent les traces sur le mur.
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A- Les marques sur le mur
Grande émotion à lire ce texte tout autant que tu as du en avoir à l'écrire, Cassy, même si tu l'as beaucoup contenue, avec pudeur...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A- Les marques sur le mur
Un retour vers le passé, qui revient te hanter...
Que de regrets, que d'émotions...
Les traces resteront à jamais, sur le mur et dans ton coeur !
Que de regrets, que d'émotions...
Les traces resteront à jamais, sur le mur et dans ton coeur !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A- Les marques sur le mur
J'ai été très émue par ton texte.C'est important de garder les clés. A défaut de pouvoir ouvrir une certaine porte, elles ouvrent d'autres portes, celles des souvenirs, celle du coeur.
Tu écris très bien.
Tu écris très bien.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A- Les marques sur le mur
Si elles n'ont pas pu ouvrir une porte, ces clefs ont ouvert la porte aux souvenirs et ce n'est pas si mal
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A- Les marques sur le mur
Un texte très beau, plein d'émotion, sur la force des souvenirs, amers et doux à la fois.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A- Les marques sur le mur
Tu montres très bien, et en faisant remonter des émotions chez le lecteur, comment on tente faire revivre le passé à travers des objets et des traces. Mais peut-être vaut-il mieux que la porte reste fermée, les vestiges du passé sont souvent décevant. La vraie porte du passé, c’est celle de tes souvenirs.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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