A. Entropie

Entropie

Longtemps je me suis couché de bonne heure. Par obligation. La traite du matin n’attend pas. Si on veut avoir les yeux en face des pis, mieux vaut éviter de faire la fiesta la veille.

Les vaches, un fil à la patte ! 7 jours sur 7, pas de week-ends, pas de vacances. . Mes parents n’ont connu que cela. Ils ne s’en plaignaient pas, c’était ainsi.

Les temps changent et je ne souhaite pas cette même vie. Comme tout un chacun, j’ai envie de sorties le soir avec des amis, de petites escapades amoureuses avec ma femme, de vraies vacances avec les enfants….

Quand mon père a fini par me laisser les rênes de l’exploitation, j’ai rapidement mis fin à l’élevage. J’ai retourné les prairies pour y faire pousser céréales et maïs. Moins de contraintes.

20 ans après je me pose de nouvelles questions. Cela vaut il le coup de continuer dans mon métier d’agriculteur ? Dois-je plutôt tout arrêter avant de finir dans le rouge ? Voilà 2 ans que les récoltes sont catastrophiques. Sécheresse qui a échaudé les blés, grêle qui a ratatiné les maïs… La faute au dérèglement climatique entend on.

En attendant mes économies fondent. Cette année les récoltes sont bonnes mais les prix n’ont jamais été aussi bas ! Cela couvre mes frais mais ne me laisse que peu d’argent. Heureusement que ma femme travaille à l’extérieur.  

J’ai aussi la malchance d’être situé dans une commune où la pression foncière est importante. Si encore j’avais quelques hectares en zone constructible cela serait du pain béni pour moi. Mais non ! J’ai simplement le plaisir d’être exproprié pour des infrastructures routières.

Une aberration ! Il devient difficile de vivre de son métier d’agriculteur et en même temps on n’arrête pas de nous dire que nous sommes indispensables pour nourrir la planète !  

Près de 10 milliards d’êtres humains à l’horizon 2050 ! Un chiffre qui me donne le tournis. Où va donc s’arrêter l’entropie humaine. Les glaciers fondent, la déforestation bat son plein, de nombreuses espèces animales et végétales disparaissent prématurément et dans tout cela seuls se répandent inexorablement les hommes.

Seront nous un jour contraints de vivre en humainières à l’image des fourmilières et des termitières ?
Subirons-nous un jour une extinction massive comme celle des dinosaures ? Certains l’espèrent. La Terre n’est pas extensible et il faudra bien qu’il se passe un jour quelque chose.
Irma et José ne sont que des avertissements.

Quand je regarde mes enfants, je me dis qu’ils auront d’énormes défis de tout genre à affronter et à résoudre : lutter contre toute hégémonie religieuse et ses dérives, gérer au mieux les ressources naturelles, limiter le réchauffement climatique ….

Et bien je leur souhaite bon courage !!

Tout en enrichissant d'un nouveau mot mon vocabulaire avec entropie,
j'aime beaucoup ton texte sur un thème rarement abordé ici.

Il est, hélas, le reflet d'une réalité que vit le monde paysan.

Quant à la conclusion :

Quand je regarde mes enfants, je me dis qu’ils auront d’énormes défis de tout genre à affronter et à résoudre : lutter contre toute hégémonie religieuse et ses dérives, gérer au mieux les ressources naturelles, limiter le réchauffement climatique ….

Elle nous interroge tous ...

Moi aussi j'aime bien ton texte qui aborde des questions fondamentales et qui sans ambages nous fait affronter la réalité d'un avenir bien morose.
Pour la forme j'ai bien aimé l'humour au début, mis continuer dans ce registre, Sherkane, aurait été ardu.
Merci pour ce rappel à la réalité et

Un texte « engagé » auquel je ne m'attendais pas ici.
Il soulève bien des problématiques actuelles, pour lesquelles on ne voit poindre aucune réponse satisfaisante. Tout du moins à court et moyen terme…
quant au long terme… comme je n'aurais plus l'âge de le voir je ne saurais même pas si mon cadavre a fait un humus valable pour les rares survivants de la dernière guerre atomique à quatre bras, trois jambes et deux sexes…


et au passage :
Si on veut avoir les yeux en face des pis
cela m'a fait bien sourire !

J'ai bien aimé la progression qui part du vécu d'un petit agriculteur vers la problématique qui se posera à l'humanité entière. A son échelle il vit déjà les prémisses de ce qui nous attend tous, en plus tragique encore. Du coup ce futur nous semble très proche, trop proche.

Belle réflexion qui va de l'individu à la planète et oh combien je suis d'accord avec toi, qu'allons-nous laisser à nos descendants ?

Un texte sérieux et grave qui invite chacun à réfléchir sur des  perspectives qui ne sont guère brillantes...