A - Une perle de délicatesse.
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Zéphyrine
Mesange
Admin
virgul
Xavier Eblo
Pati
10 participants
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A - Une perle de délicatesse.
Moi je voudrais un crayon, un crayon à papier, le même que dans notre enfance, un simple crayon à papier. Avec une mine grasse, même si j’ai dans l’idée que vous préfériez les fines et légères, celles qui griffent à peine le papier et laissent les mots caresser la page d’un trait délicat et délié.
Délicat. Voilà un adjectif qui vous va bien. Vos livres sont des perles de délicatesse et de raffinement.
Tout un monde nous sépare. Je ne sais pas pourquoi j’ai aimé vous lire… d’ordinaire, je m’attache aux mots qui bousculent, qui frappent fort et profond. Avec vous, j’ai appris qu’on peut marteler profondément les esprits avec la légèreté d’une langue raffinée et subtile. Toute en caresses et nuances.
Tout mon contraire.
Oui, les contraires s’attirent, parait-il. Je sais.
Je vous dois la plus grosse claque littéraire de toute ma vie.
De celles qui marquent une âme à jamais, de celles qui bousculent nos évidences, de celles qui changent tout.
Pour un bouquin qui n’est même pas de vous.
Si vous saviez l’immense cadeau que vous m’avez fait, en ce mois de février 1980 ! Je regardais l’émission « Apostrophes » et je n’avais pas la moindre idée de la révolution que vous alliez faire naître sous mon crâne, au fond de mes tripes, enfin partout !
Je ne vous connaissais pas, alors. De nom, oui, mais ce n’est pas connaître quelqu’un, que de connaître son nom. Et votre particule ne jouait pas en votre faveur, je vous l’avoue ! Du haut de mes vingt ans, et forte de certitudes qui allaient bientôt voler en éclat, j’avais un gros à priori envers vous.
Vous étiez là, donc. À défendre le livre d’un auteur inconnu, qui n’avait pas eu le temps de se voir publié, emporté par un cancer qui lui valut à la fois son unique roman et une psychanalyse salvatrice bien que tardive.
Ce soir-là, vous avez eu des mots simples pour parler d’un livre qui est loin de l’être. Un livre dérangeant, choquant, pas du tout léger, raffiné ou délicat. Si loin de l’image qu’on a de vous. Que j’avais de vous.
Je me suis toujours demandée ce qui vous avait attiré chez Zorn. Était-ce l’homme ou ce qu’il avait écrit ? Était-ce son destin si étonnant, ou la sincérité bouleversante qui parcourt chaque page de son livre ?
Vous aviez tant de passion, de conviction dans votre ton, que vous m’avez embarquée toute entière. Il y avait un tel écart entre ce que vous disiez et votre personne. Vous sembliez fluet, propret dans votre costume bien coupé, et vous décriviez un monde brutal, atroce et hallucinant. Un univers torturé qui me semblait si loin de vous mais vous en parliez si bien. Et ce scintillement au fond de vos yeux, cette étincelle de malice qui, je le constaterai plus tard, ne vous quittait jamais vraiment. Malgré le sujet plus que tragique, elle était présente, illuminait votre visage et elle m’a conquise tout autant que vos propos.
Sous le charme, voilà, je suis tombée sous votre charme.
J’ai bien sûr acheté ce roman, et il a tout changé. Et puis, j’ai continué avec vos livres, et eux aussi m’ont chamboulée. Je découvrais une écriture aux antipodes de mes habitudes de communication. Vous m’avez appris la dérision, l’ironie subtile, l’humour, la légèreté, la gaîté un peu désabusée et oui, la délicatesse.
Vous allez me manquer, Jean. Autant l’homme que l’écrivain. L’homme parce que j’aurais adoré converser à vos cotés, tous deux assis face à la mer sous un soleil léger. L’écrivain me manquera moins, il me suffira de piocher dans vos livres pour le retrouver.
Peut-être même que le miracle se reproduira, que l’encre de vos mots viendra irriguer ma plume bien sèche. Oh je n’ai pas la prétention de jouer au même niveau, mais votre foi en la beauté du monde me tente, m’apaise et qui sait, m’inspirera enfin ?
Il y a tant de mots encore à coucher sur le papier, avec ce crayon à mine grasse qui m’attend sagement.
Tant de choses à dire encore, même si je sais bien qu’un jour je m’en irai sans avoir tout dit.
Délicat. Voilà un adjectif qui vous va bien. Vos livres sont des perles de délicatesse et de raffinement.
Tout un monde nous sépare. Je ne sais pas pourquoi j’ai aimé vous lire… d’ordinaire, je m’attache aux mots qui bousculent, qui frappent fort et profond. Avec vous, j’ai appris qu’on peut marteler profondément les esprits avec la légèreté d’une langue raffinée et subtile. Toute en caresses et nuances.
Tout mon contraire.
Oui, les contraires s’attirent, parait-il. Je sais.
Je vous dois la plus grosse claque littéraire de toute ma vie.
De celles qui marquent une âme à jamais, de celles qui bousculent nos évidences, de celles qui changent tout.
Pour un bouquin qui n’est même pas de vous.
Si vous saviez l’immense cadeau que vous m’avez fait, en ce mois de février 1980 ! Je regardais l’émission « Apostrophes » et je n’avais pas la moindre idée de la révolution que vous alliez faire naître sous mon crâne, au fond de mes tripes, enfin partout !
Je ne vous connaissais pas, alors. De nom, oui, mais ce n’est pas connaître quelqu’un, que de connaître son nom. Et votre particule ne jouait pas en votre faveur, je vous l’avoue ! Du haut de mes vingt ans, et forte de certitudes qui allaient bientôt voler en éclat, j’avais un gros à priori envers vous.
Vous étiez là, donc. À défendre le livre d’un auteur inconnu, qui n’avait pas eu le temps de se voir publié, emporté par un cancer qui lui valut à la fois son unique roman et une psychanalyse salvatrice bien que tardive.
Ce soir-là, vous avez eu des mots simples pour parler d’un livre qui est loin de l’être. Un livre dérangeant, choquant, pas du tout léger, raffiné ou délicat. Si loin de l’image qu’on a de vous. Que j’avais de vous.
Je me suis toujours demandée ce qui vous avait attiré chez Zorn. Était-ce l’homme ou ce qu’il avait écrit ? Était-ce son destin si étonnant, ou la sincérité bouleversante qui parcourt chaque page de son livre ?
Vous aviez tant de passion, de conviction dans votre ton, que vous m’avez embarquée toute entière. Il y avait un tel écart entre ce que vous disiez et votre personne. Vous sembliez fluet, propret dans votre costume bien coupé, et vous décriviez un monde brutal, atroce et hallucinant. Un univers torturé qui me semblait si loin de vous mais vous en parliez si bien. Et ce scintillement au fond de vos yeux, cette étincelle de malice qui, je le constaterai plus tard, ne vous quittait jamais vraiment. Malgré le sujet plus que tragique, elle était présente, illuminait votre visage et elle m’a conquise tout autant que vos propos.
Sous le charme, voilà, je suis tombée sous votre charme.
J’ai bien sûr acheté ce roman, et il a tout changé. Et puis, j’ai continué avec vos livres, et eux aussi m’ont chamboulée. Je découvrais une écriture aux antipodes de mes habitudes de communication. Vous m’avez appris la dérision, l’ironie subtile, l’humour, la légèreté, la gaîté un peu désabusée et oui, la délicatesse.
Vous allez me manquer, Jean. Autant l’homme que l’écrivain. L’homme parce que j’aurais adoré converser à vos cotés, tous deux assis face à la mer sous un soleil léger. L’écrivain me manquera moins, il me suffira de piocher dans vos livres pour le retrouver.
Peut-être même que le miracle se reproduira, que l’encre de vos mots viendra irriguer ma plume bien sèche. Oh je n’ai pas la prétention de jouer au même niveau, mais votre foi en la beauté du monde me tente, m’apaise et qui sait, m’inspirera enfin ?
Il y a tant de mots encore à coucher sur le papier, avec ce crayon à mine grasse qui m’attend sagement.
Tant de choses à dire encore, même si je sais bien qu’un jour je m’en irai sans avoir tout dit.
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: A - Une perle de délicatesse.
Beau texte et très bel hommage !!!!
Xavier Eblo- Kaléïd'habitué
- Humeur : Zen
Re: A - Une perle de délicatesse.
Magnifique texte Pati, qui traduit superbement l'émoi que pouvait provoquer d'Ormesson lorsqu'on l'écoutait. Un personnage tout à fait marquant.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Une perle de délicatesse.
Ta plume "Bien sèche " vient pourtant d'accomplir une bien belle chose. Elle a traduit ce que ton cœur contient d'amour et d'admiration pour d'Ormesson et à travers lui pour les mots sincères .
Tres beau texte Pati pour un souvenir intense
Tres beau texte Pati pour un souvenir intense
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A - Une perle de délicatesse.
Je ne connais pas d'Ormesson , mais ton hommage est tout simplement magnifique. Merci de l'avoir écrit et partagé
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
Re: A - Une perle de délicatesse.
Bravo! Je suis heureuse de savoir que comme moi tu eprouves admiration,affection et tendresse pour J d'O.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A - Une perle de délicatesse.
Bonjour Pati
c'est un texte magnifique que tu écris là!
Je dirais moins pour d'Ormesson que pour Fritz Zorn dont il a parlé et convaincu de le lire
Ce récit "Mars" m'a également bouleversée quand je l'ai lu. Je l'ai relu par après et j'ai été encore bouleversée...
En te lisant je me suis rappelée de cette claque littéraire que j'ai reçue comme toi
Et j'ai envie de te dire merci pour cela
J'ai envie de reprendre Mars et de le relire encore une fois...
c'est un texte magnifique que tu écris là!
Je dirais moins pour d'Ormesson que pour Fritz Zorn dont il a parlé et convaincu de le lire
Ce récit "Mars" m'a également bouleversée quand je l'ai lu. Je l'ai relu par après et j'ai été encore bouleversée...
En te lisant je me suis rappelée de cette claque littéraire que j'ai reçue comme toi
Et j'ai envie de te dire merci pour cela
J'ai envie de reprendre Mars et de le relire encore une fois...
Coumarine- Kaléïd'habitué
- Humeur : concentrée
Re: A - Une perle de délicatesse.
J'aurais aimé savoir écrire comme tu l'as fait. Oui, tu aurais pu avoir de ces tête à tête avec d'Ormesson. Tu aurais été à ta place.
Ataraxie- Kaléïd'habitué
- Humeur : changeante
Re: A - Une perle de délicatesse.
merci à tous
@ coumarine : je le relirais bien aussi... mais vu que j'ai offert mon exemplaire à une plume de kalé, va falloir que je trouve où il va encore être disponible ...
@ coumarine : je le relirais bien aussi... mais vu que j'ai offert mon exemplaire à une plume de kalé, va falloir que je trouve où il va encore être disponible ...
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: A - Une perle de délicatesse.
Oui, tu t'en iras sans avoir tout dit comme nous tous....
Mais Pati ce que tu viens de dire ici est tout simplement sincère, authentique, touchant....je manque de mots....
Merci Pati !
Ah que j'aime te lire !
Mais Pati ce que tu viens de dire ici est tout simplement sincère, authentique, touchant....je manque de mots....
Merci Pati !
Ah que j'aime te lire !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Une perle de délicatesse.
merci à vous deux.
manda, arrête tu vas me faire rougir
manda, arrête tu vas me faire rougir
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
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