A. Evidemment
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A. Evidemment
Pourquoi je me rappelle de la date de ce spectacle.
Trois mamans et trois filles, nous nous apprécions toutes mais nos vies différentes ne facilitaient pas l’organisation de cette soirée festive et pourtant nous avions réussi !! 6 places pour la comédie musicale « Résiste ! » de France Gall pour un vendredi soir.
Je me rappelle avoir eu une pensée mi- amusée mi- inquiète en m’apercevant qu’il s’agissait d’un vendredi 13, je me suis dit « pour une fois que l’on sort, il faut que ça soit un vendredi 13 ! » ; mais j’ai très vite laissé de côté cette stupide superstition qui de surcroît signifie tantôt un présage heureux tantôt un présage malheureux, imprécision qui renforce sa futilité.
Mais ça n’est pas pour cette raison que je m’en souviens.
Le soir venu nous étions tout excitées, le spectacle était une réussite. La musique entrait dans nos cœurs comme autant de piqures de mémoires. Les textes de Michel Berger sonnaient pour nous comme un message personnel nous intimant de profiter de chaque moment et de nos proches. Nous dansions au rythme des danseurs et nos filles voyaient sur le visage leurs mères la nostalgie d’avoir laissé passer les rêves de devenir une star.
Mais ça n’est pas pour cette raison que je m’en souviens.
C’est à la fin du spectacle, après que France Gall soit venue saluer le public, son public, que l’ambiance a basculé, lorsque chacun s’est levé et a repris le fil de la vie qu’il avait débranché en coupant son smartphone. Des mots se sont murmurés, des regards apeurés, dubitatifs, s’échangeaient et les informations arrivaient petit à petit, construisant inexorablement le décor de la suite de notre soirée. Un message du mari sur le téléphone de l’une de nous disait : « faites attention il y a des fusillades dans Paris ».
C’est pour cette raison que je me souviens de la date de ce spectacle, c’était le vendredi 13 novembre 2015.
Pour nos filles âgées de 10 ans, la peur distillée dans ces informations confuses n’a pas entamé leur enthousiasme. Pourtant même si chacune de nous gardait son calme, nous les adultes nous ne savions que trop ce que cela pouvait impliquer et notre devoir de maman, comme pour la majorité des espèces vivantes, était de protéger nos enfants, ce qui alourdissait d’autant notre humeur.
Je regardais ma fille vaincre sa peur au milieu de la foule compacte qui sortait de la salle en s’échangeant les dernières informations sur les « évènements ». C’était pour elle comme un nouveau challenge parmi d’autres. Comment lui dire ? Comment lui faire comprendre que cette guerre est quelque chose de sérieux, de grave, qu’il y aurait des morts, que ça ne finira probablement jamais car les guerres sont partout, qu’elles allaient toutes probablement vivre des choses horribles dans leurs vies, ce soir ou à un autre moment ? Pour autant est-ce vraiment nécessaire ?
Les spectateurs du Bataclan étaient encore au milieu de l’horreur lorsque nous étions sur le chemin du retour, les uns contre les autres dans le tramway, cherchant le faux du vrai parmi toutes les conversations, priant pour que tout ceci ne soit qu’une fake news.
Lorsque nous sommes arrivées chez nous, une fois ma fille couchée, j’ai regardé les informations télévisées et me suis rendue compte que le niveau d’horreur était encore plus haut.
Evidemment nous étions saines et sauves et ne courrions aucun risque, mais nous n’oublierons jamais cette peur, ni cette révolte en nous, ni l’immense compassion pour les victimes et leurs familles.
Mon mari dormait paisiblement devant la télé lorsque je regardais effarée l’étendue de ce gâchis. Je lui ai dit : « je suis contente d’être rentrée ». « Tu m’étonnes ! » fût sa seule déclaration en somnolant. Il ne savait rien encore, il pensait que j’étais juste contente d’être rentrée car fatiguée de cette journée bien remplie.
Pas nécessaire non plus de lui dire tout de suite...
Trois mamans et trois filles, nous nous apprécions toutes mais nos vies différentes ne facilitaient pas l’organisation de cette soirée festive et pourtant nous avions réussi !! 6 places pour la comédie musicale « Résiste ! » de France Gall pour un vendredi soir.
Je me rappelle avoir eu une pensée mi- amusée mi- inquiète en m’apercevant qu’il s’agissait d’un vendredi 13, je me suis dit « pour une fois que l’on sort, il faut que ça soit un vendredi 13 ! » ; mais j’ai très vite laissé de côté cette stupide superstition qui de surcroît signifie tantôt un présage heureux tantôt un présage malheureux, imprécision qui renforce sa futilité.
Mais ça n’est pas pour cette raison que je m’en souviens.
Le soir venu nous étions tout excitées, le spectacle était une réussite. La musique entrait dans nos cœurs comme autant de piqures de mémoires. Les textes de Michel Berger sonnaient pour nous comme un message personnel nous intimant de profiter de chaque moment et de nos proches. Nous dansions au rythme des danseurs et nos filles voyaient sur le visage leurs mères la nostalgie d’avoir laissé passer les rêves de devenir une star.
Mais ça n’est pas pour cette raison que je m’en souviens.
C’est à la fin du spectacle, après que France Gall soit venue saluer le public, son public, que l’ambiance a basculé, lorsque chacun s’est levé et a repris le fil de la vie qu’il avait débranché en coupant son smartphone. Des mots se sont murmurés, des regards apeurés, dubitatifs, s’échangeaient et les informations arrivaient petit à petit, construisant inexorablement le décor de la suite de notre soirée. Un message du mari sur le téléphone de l’une de nous disait : « faites attention il y a des fusillades dans Paris ».
C’est pour cette raison que je me souviens de la date de ce spectacle, c’était le vendredi 13 novembre 2015.
Pour nos filles âgées de 10 ans, la peur distillée dans ces informations confuses n’a pas entamé leur enthousiasme. Pourtant même si chacune de nous gardait son calme, nous les adultes nous ne savions que trop ce que cela pouvait impliquer et notre devoir de maman, comme pour la majorité des espèces vivantes, était de protéger nos enfants, ce qui alourdissait d’autant notre humeur.
Je regardais ma fille vaincre sa peur au milieu de la foule compacte qui sortait de la salle en s’échangeant les dernières informations sur les « évènements ». C’était pour elle comme un nouveau challenge parmi d’autres. Comment lui dire ? Comment lui faire comprendre que cette guerre est quelque chose de sérieux, de grave, qu’il y aurait des morts, que ça ne finira probablement jamais car les guerres sont partout, qu’elles allaient toutes probablement vivre des choses horribles dans leurs vies, ce soir ou à un autre moment ? Pour autant est-ce vraiment nécessaire ?
Les spectateurs du Bataclan étaient encore au milieu de l’horreur lorsque nous étions sur le chemin du retour, les uns contre les autres dans le tramway, cherchant le faux du vrai parmi toutes les conversations, priant pour que tout ceci ne soit qu’une fake news.
Lorsque nous sommes arrivées chez nous, une fois ma fille couchée, j’ai regardé les informations télévisées et me suis rendue compte que le niveau d’horreur était encore plus haut.
Evidemment nous étions saines et sauves et ne courrions aucun risque, mais nous n’oublierons jamais cette peur, ni cette révolte en nous, ni l’immense compassion pour les victimes et leurs familles.
Mon mari dormait paisiblement devant la télé lorsque je regardais effarée l’étendue de ce gâchis. Je lui ai dit : « je suis contente d’être rentrée ». « Tu m’étonnes ! » fût sa seule déclaration en somnolant. Il ne savait rien encore, il pensait que j’étais juste contente d’être rentrée car fatiguée de cette journée bien remplie.
Pas nécessaire non plus de lui dire tout de suite...
Invité- Invité
Re: A. Evidemment
Je ne sais pas si c'est du vécu, mais tu nous racontes une histoire bien émouvante.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A. Evidemment
Terrible récit! Le bonheur de voir un spectacle d'un côté pendant que de l'autre, un autre spectacle allait être la dernière vision de jeunes tombés sous les balles de terroristes
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A. Evidemment
Tu racontes très bien ton vécu, cela a du être terrible !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
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