A. Le retour de Baudouin
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AlainX
Cassy
Amanda.
Charlotte
Zéphyrine
9 participants
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A. Le retour de Baudouin
Je ne peux voir un chapeau de paille sans penser à mon Grand-père, colombophile dans les années cinquante.
J'avais alors 10 ans et LE chapeau de paille sur les genoux.
Certains dimanches d'été, à condition d'être sage, ne pas parler trop fort, ne pas courir partout, j'étais autorisée à assister au retour du pigeon fétiche, baptisé Baudouin en l'honneur de notre nouveau Roi et qui participait (le pigeon, pas le Roi, bien sûr) aux concours entre colombophiles du village et de la région.
Deux jours plus tôt on avait porté Baudouin (le pigeon, vous l'avez deviné) et ses concurrents soigneusement bagués et encagés au "Café du centre" d'où ils avaient été transportés jusqu'à Bordeaux pour y être relâchés.Ils devaient alors revenir dans leur pigeonnier le plus rapidement possible et retrouver ainsi leur pigeonne préférée.
Celui qui rentrait le premier était déclaré vainqueur, à condition que la bague lui ai été retirée et rapportée à ce même café par l'éleveur.
Cette fois là, mon Grand-père avait estimé le retour des pigeons à partir de la fin de la matinée.
Nous nous étions donc installés lui et moi, sur des chaises de jardin, confiants et heureux.
J'avais sur les genoux LE chapeau de paille que j'étais chargée par ma Grand-mère de poser sur la tête de son mari dès que le soleil pointrait entre les nuages.
Nous scrutions l'horizon depuis un bon moment quand commença une sorte de ballet : les pigeons arrivaient, tournaient dans le ciel, parmi eux le nôtre, Baudouin, le roi des pigeons (bien sûr).
Mon Grand-père de plus en plus nerveux ôtait sans arrêt LE chapeau de paille et bien vite je LE lui remettais sur la tête, comme ma grand-mère me l'avait recommandé.
Cette fois, notre pigeon n'était, semble t-il, pas pressé de retrouver sa dulcinée.Il s'était posé sur le toit de l'école voisine et roucoulait profitant encore un peu de sa liberté.
Après un quart d'heure d'attente, tâchant de garder son calme,mais ayant plusieurs fois encore enlevé LE chapeau, mon aïeul entama un monologue avec son champion :
- Petit, petit, petit...
Le pigeon fît mine de s'envoler, mais se posa à quelques mètres sur le faîte du toit. Alors, de moins en moins patient, mon Grand-père haussa le ton :
-Rentre, petit! Rentre, je te dis.Allez, allez, rentre!
Il essaya même de roucouler, mais voyant ma gêne, il reprit son air sérieux.
Perdant complètement patience, rouge de fureur, il empoigna LE chapeau à deux mains et LE posa sur mes genoux.
Et puis, levant les bras, il se redressa menaçant :
-Tu rentres ou bien...
Pour moi, rien n'allait plus : Baudouin n'était pas dans le pigeonnier, LE chapeau n'était pas sur la tête de mon Grand-père.
Je lui remis LE chapeau sur la tête.
J'étais de plus en plus effrayée surtout quand après une demi-heure il déclara :
-Si tu n'obéis pas... à la casserole! Tu finiras à la casserole.
Je plaidais la cause de Baudouin, en vain. Quand Grand-père estima que les autres participants avaient tous regagnés leur nid, il jeta LE beau chapeau sur le sol et LE piétina de rage.
Notre pigeon, lui, se pavanait toujours sur le toit...
Peu avant le couché du soleil, notre champion décida que le moment était venu de rejoindre le pigeonnier, ce qu'il fit sans gloire, car nous avions quitté le jardin et la colère de son éleveur était retombée...
Je suis allée récupérer LE chapeau aplati et Grand-mère a promis d'en acheter un autre.
Dans les mois qui suivirent, Baudouin (le pigeon) a gagné beaucoup de concours (la peur de la casserole, peut-être?).Au "Café du centre", coiffé de son nouveau chapeau de paille, mon Grand-Père répétait à qui voulait l'entendre : "Mon pigeon? Le meilleur du village et irréprochable en plus!"
Baudouin n'est plus là, mon Grand-père non plus, mais j'ai conservé LE chapeau.
J'avais alors 10 ans et LE chapeau de paille sur les genoux.
Certains dimanches d'été, à condition d'être sage, ne pas parler trop fort, ne pas courir partout, j'étais autorisée à assister au retour du pigeon fétiche, baptisé Baudouin en l'honneur de notre nouveau Roi et qui participait (le pigeon, pas le Roi, bien sûr) aux concours entre colombophiles du village et de la région.
Deux jours plus tôt on avait porté Baudouin (le pigeon, vous l'avez deviné) et ses concurrents soigneusement bagués et encagés au "Café du centre" d'où ils avaient été transportés jusqu'à Bordeaux pour y être relâchés.Ils devaient alors revenir dans leur pigeonnier le plus rapidement possible et retrouver ainsi leur pigeonne préférée.
Celui qui rentrait le premier était déclaré vainqueur, à condition que la bague lui ai été retirée et rapportée à ce même café par l'éleveur.
Cette fois là, mon Grand-père avait estimé le retour des pigeons à partir de la fin de la matinée.
Nous nous étions donc installés lui et moi, sur des chaises de jardin, confiants et heureux.
J'avais sur les genoux LE chapeau de paille que j'étais chargée par ma Grand-mère de poser sur la tête de son mari dès que le soleil pointrait entre les nuages.
Nous scrutions l'horizon depuis un bon moment quand commença une sorte de ballet : les pigeons arrivaient, tournaient dans le ciel, parmi eux le nôtre, Baudouin, le roi des pigeons (bien sûr).
Mon Grand-père de plus en plus nerveux ôtait sans arrêt LE chapeau de paille et bien vite je LE lui remettais sur la tête, comme ma grand-mère me l'avait recommandé.
Cette fois, notre pigeon n'était, semble t-il, pas pressé de retrouver sa dulcinée.Il s'était posé sur le toit de l'école voisine et roucoulait profitant encore un peu de sa liberté.
Après un quart d'heure d'attente, tâchant de garder son calme,mais ayant plusieurs fois encore enlevé LE chapeau, mon aïeul entama un monologue avec son champion :
- Petit, petit, petit...
Le pigeon fît mine de s'envoler, mais se posa à quelques mètres sur le faîte du toit. Alors, de moins en moins patient, mon Grand-père haussa le ton :
-Rentre, petit! Rentre, je te dis.Allez, allez, rentre!
Il essaya même de roucouler, mais voyant ma gêne, il reprit son air sérieux.
Perdant complètement patience, rouge de fureur, il empoigna LE chapeau à deux mains et LE posa sur mes genoux.
Et puis, levant les bras, il se redressa menaçant :
-Tu rentres ou bien...
Pour moi, rien n'allait plus : Baudouin n'était pas dans le pigeonnier, LE chapeau n'était pas sur la tête de mon Grand-père.
Je lui remis LE chapeau sur la tête.
J'étais de plus en plus effrayée surtout quand après une demi-heure il déclara :
-Si tu n'obéis pas... à la casserole! Tu finiras à la casserole.
Je plaidais la cause de Baudouin, en vain. Quand Grand-père estima que les autres participants avaient tous regagnés leur nid, il jeta LE beau chapeau sur le sol et LE piétina de rage.
Notre pigeon, lui, se pavanait toujours sur le toit...
Peu avant le couché du soleil, notre champion décida que le moment était venu de rejoindre le pigeonnier, ce qu'il fit sans gloire, car nous avions quitté le jardin et la colère de son éleveur était retombée...
Je suis allée récupérer LE chapeau aplati et Grand-mère a promis d'en acheter un autre.
Dans les mois qui suivirent, Baudouin (le pigeon) a gagné beaucoup de concours (la peur de la casserole, peut-être?).Au "Café du centre", coiffé de son nouveau chapeau de paille, mon Grand-Père répétait à qui voulait l'entendre : "Mon pigeon? Le meilleur du village et irréprochable en plus!"
Baudouin n'est plus là, mon Grand-père non plus, mais j'ai conservé LE chapeau.
Dernière édition par Zéphyrine le Jeu 1 Mar - 17:08, édité 1 fois
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A. Le retour de Baudouin
Quel beau souvenir et quel beau texte. J'ai adoré te lire
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Le retour de Baudouin
A te lire, je me dis que je pourrais rester des heures, fascinée à t'écouter raconter des histoires de famille.
En plus le pigeon qui s'appelle Baudouin, comme feu notre Roi...je m'attendais à ce que tu nous sortes une Fabiola du fameux chapeau !
Excellent texte plein de verve et d'humour, tu es en forme on dirait !
En plus le pigeon qui s'appelle Baudouin, comme feu notre Roi...je m'attendais à ce que tu nous sortes une Fabiola du fameux chapeau !
Excellent texte plein de verve et d'humour, tu es en forme on dirait !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. Le retour de Baudouin
Merci Amanda.
J'ai vraiment raté le coche avec le chapeau de Fabiola!
J'ai vraiment raté le coche avec le chapeau de Fabiola!
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A. Le retour de Baudouin
J'aime comment tu racontes Est-ce que c'est un vrai souvenir?
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A. Le retour de Baudouin
Le souvenir a le goût de l'authenticité.
En tout cas j'ai vécu des choses tout à fait comparable chez mon grand-père qui était lui aussi « coulonneux » comme on dit dans le nord de la France. Sauf qu'il n'avait pas in chapeau de paille, mais une casquette !
et la bague été introduite dans le « composteur » dans le café du coin, qui authentifiait à la fois le pigeon et l'heure d'arrivée.
En tout cas j'ai vécu des choses tout à fait comparable chez mon grand-père qui était lui aussi « coulonneux » comme on dit dans le nord de la France. Sauf qu'il n'avait pas in chapeau de paille, mais une casquette !
et la bague été introduite dans le « composteur » dans le café du coin, qui authentifiait à la fois le pigeon et l'heure d'arrivée.
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Le retour de Baudouin
Oui Cassy, c'est un vrai souvenir que j'ai un peu mis à ma sauce...
Si je dois dire toute la vérité : je n'ai plus le chapeau.
Je n'ai pas détaillé le règlement des concours colombophiles, pour ne pas lasser mes lecteurs...
Si je dois dire toute la vérité : je n'ai plus le chapeau.
Je n'ai pas détaillé le règlement des concours colombophiles, pour ne pas lasser mes lecteurs...
Dernière édition par Zéphyrine le Jeu 1 Mar - 17:06, édité 1 fois
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A. Le retour de Baudouin
il est génial ce récit, j'ai souri et en même temps tremblé (un peu!) devant la désobéissance de Baudouin!
(ça alors, un pigeon qui répond au nom du Roi (je suis belge aussi!, c'est d'autant plus drôle)
(ça alors, un pigeon qui répond au nom du Roi (je suis belge aussi!, c'est d'autant plus drôle)
Coumarine- Kaléïd'habitué
- Humeur : concentrée
Re: A. Le retour de Baudouin
Récit très vivant et combien agréable à lire.
Quand j'étais enfant, j'ai souvent "convoyé" les pigeons d'un voisins colombophile. Dans la 4 CV de mon père nous étions chargés de les entraîner en les relâchant de plus en plus loin de Bordeaux...
Quand j'étais enfant, j'ai souvent "convoyé" les pigeons d'un voisins colombophile. Dans la 4 CV de mon père nous étions chargés de les entraîner en les relâchant de plus en plus loin de Bordeaux...
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. Le retour de Baudouin
Quel récit adorable et vivant ! Sacré Baudouin et sacré Pépé
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A. Le retour de Baudouin
Très amusant de nous faire revivre ces anecdotes du passé. C'est à la fois pittoresque et joyeusement nostalgique. Très bien écrit aussi.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
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