A. L'école est finie
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Myrte
Zéphyrine
Ataraxie
Nerwen
Amanda.
9 participants
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A. L'école est finie
Métro, boulot, dodo, désormais c'est terminé.
Je largue les amarres et vogue la galère.
Car « galère » ce fut.
Enfin, pas au début.
Pas au temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
Le temps des enfants « bien élevés », « bien polis », « bien propres sur eux ».
Le temps aussi hélas où ils devaient se mettre sur un seul rang sans qu'une tête ne dépasse et tous en uniforme.
Le temps béni où le professeur était encore considéré comme un être humain, respecté voire sacré.
Le temps où on buvait ses paroles et où il communiquait la soif d'apprendre et de grandir.
Le temps des larmes avec Hughes Aufray qui chantait « Adieu Monsieur le Professeur » qu'ils reprenaient tous en choeur.
Le temps où les livres servaient encore de support et les cahiers lignés et quadrillés étaient soigneusement bien remplis d'exercices calligraphiés.
Le temps où je prenais avec insouciance deux tramways pour arriver à l'école dans une circulation fluide.
Le temps où les petits élèves venaient encore en classe à pied, sans aucune appréhension.
Et puis vint le temps de la Réforme, Mai68 laissa des traces...
Le Grand Chambardement.
De réforme en réforme les programmes des cours changèrent chaque année, les enseignants en perdaient leur latin et s'arrachaient les cheveux.
On nivela.
Par le bas.
A chacun sa chance (ou pas?)
Au feu, livres, cahiers et uniformes, place aux écrans !
Place aussi aux jeans troués ( pour les profs itou!), aux feuilles péniblement polycopiées durant leurs soirées par les enseignants ( enfin ceux qui n'étaient pas encore sous Prozac), feuilles aussitôt égarées par les « apprenants »
Le métro supplanta les trams et devint vite l'objet d'une excursion culturelle pour en étudier les tags. L'histoire/Géo étant supprimée, l'étude du « milieu » les remplaça avantageusement en obligeant les « apprenants » à connaître par cœur les stations de métro.
Ceux qui ne prenaient pas le métro étaient déposés en 4x4 par des parents pressés dans l'espace « Kiss and Ride » aménagé devant l'entrée de l'établissement.
Les bulletins scolaires furent supprimés et remplacés par une flopée de feuilles d'évaluation formulées avec tact ( ne pas traumatiser!) et soin ( les parents pourraient intenter un procès!), le tout prenant un temps fou.
Ne pas écrire : « Kevin ne fait rien et dérange le cours » mais bien :
« Kevin est un doux rêveur qui révèle une empathie réelle avec ses camarades »
Certains de nous firent grève.
La honte !
Le slogan « J' en saigne » fit long feu.
Comment ? Oser prendre ces pauvres chéris en otages !
C'est au moment où le bic rouge fut interdit que je décidai de passer au vert.
Et quand l'ordre arriva de purement et simplement ignorer les fautes d'orthographe, que je pris ma décision.
Vogue la galère,malgré mon maigre salaire je pars en croisière pour une durée indéterminée.
Je largue les amarres et vogue la galère.
Car « galère » ce fut.
Enfin, pas au début.
Pas au temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
Le temps des enfants « bien élevés », « bien polis », « bien propres sur eux ».
Le temps aussi hélas où ils devaient se mettre sur un seul rang sans qu'une tête ne dépasse et tous en uniforme.
Le temps béni où le professeur était encore considéré comme un être humain, respecté voire sacré.
Le temps où on buvait ses paroles et où il communiquait la soif d'apprendre et de grandir.
Le temps des larmes avec Hughes Aufray qui chantait « Adieu Monsieur le Professeur » qu'ils reprenaient tous en choeur.
Le temps où les livres servaient encore de support et les cahiers lignés et quadrillés étaient soigneusement bien remplis d'exercices calligraphiés.
Le temps où je prenais avec insouciance deux tramways pour arriver à l'école dans une circulation fluide.
Le temps où les petits élèves venaient encore en classe à pied, sans aucune appréhension.
Et puis vint le temps de la Réforme, Mai68 laissa des traces...
Le Grand Chambardement.
De réforme en réforme les programmes des cours changèrent chaque année, les enseignants en perdaient leur latin et s'arrachaient les cheveux.
On nivela.
Par le bas.
A chacun sa chance (ou pas?)
Au feu, livres, cahiers et uniformes, place aux écrans !
Place aussi aux jeans troués ( pour les profs itou!), aux feuilles péniblement polycopiées durant leurs soirées par les enseignants ( enfin ceux qui n'étaient pas encore sous Prozac), feuilles aussitôt égarées par les « apprenants »
Le métro supplanta les trams et devint vite l'objet d'une excursion culturelle pour en étudier les tags. L'histoire/Géo étant supprimée, l'étude du « milieu » les remplaça avantageusement en obligeant les « apprenants » à connaître par cœur les stations de métro.
Ceux qui ne prenaient pas le métro étaient déposés en 4x4 par des parents pressés dans l'espace « Kiss and Ride » aménagé devant l'entrée de l'établissement.
Les bulletins scolaires furent supprimés et remplacés par une flopée de feuilles d'évaluation formulées avec tact ( ne pas traumatiser!) et soin ( les parents pourraient intenter un procès!), le tout prenant un temps fou.
Ne pas écrire : « Kevin ne fait rien et dérange le cours » mais bien :
« Kevin est un doux rêveur qui révèle une empathie réelle avec ses camarades »
Certains de nous firent grève.
La honte !
Le slogan « J' en saigne » fit long feu.
Comment ? Oser prendre ces pauvres chéris en otages !
C'est au moment où le bic rouge fut interdit que je décidai de passer au vert.
Et quand l'ordre arriva de purement et simplement ignorer les fautes d'orthographe, que je pris ma décision.
Vogue la galère,malgré mon maigre salaire je pars en croisière pour une durée indéterminée.
Dernière édition par Amanda. le Mar 20 Mar - 17:36, édité 1 fois
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. L'école est finie
A lire ton texte, dans lequel je me reconnais, j'ai l'impression de faire partie d'une espèce en voie de disparition et d'arriver à un point où la seule échappatoire est la fuite. Alors larguons les amarres et droit devant !
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. L'école est finie
Le temps où l'on avait vingt ans ?
Et le temps présent ?
Si nous allions chantant,
ça ferait de bons moments ?
Alors droit devant
de temps en temps !
Et le temps présent ?
Si nous allions chantant,
ça ferait de bons moments ?
Alors droit devant
de temps en temps !
Ataraxie- Kaléïd'habitué
- Humeur : changeante
Re: A. L'école est finie
Eh bien Amanda, je suis d'accord avec toi de A à Z! Je n'enseignais pas les mêmes matières que toi, mais c'était tout comme...
Belle croisière à vous deux!
Belle croisière à vous deux!
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A. L'école est finie
Ca sent le vécu, le constat amer... L'incipit est respecté... Le farfelu sur son escabeau peut tout aussi bien symboliser le pètage de plomb de l'auteure ex-enseignante.
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A. L'école est finie
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas nostalgique, je suis passée à autre chose...
J'ai adoré le plus beau métier du monde, j'ai été je crois un prof apprécié et proche de mes élèves mais la machine administrative a eu raison de mes efforts. Ainsi bien sûr que la non -implication des familles dans l'éducation de leurs enfants.
Trop c'est trop i Et donc...
J'ai adoré le plus beau métier du monde, j'ai été je crois un prof apprécié et proche de mes élèves mais la machine administrative a eu raison de mes efforts. Ainsi bien sûr que la non -implication des familles dans l'éducation de leurs enfants.
Trop c'est trop i Et donc...
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. L'école est finie
Je te comprends parfaitement Amanda, tous ces professeurs motivés à bloc, graduellement usés à coups de mesures et de démission des parents. 30% des nouveaux enseignants capitulent après la première année "sur le terrain". Ce n'est plus un signe, c'est carrément un fléau, et c'est diantrement préoccupant.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. L'école est finie
Je suis à cheval sur les deux périodes l'avant et l'après 68. Dieu merci pour moi j'ai appris à lire et à écrire avant l'invention diabolique de la méthode globale, malheureusement je n'ai pas échappé aux maths modernes ! Je comprends le ras le bol des en-saignants pour te reprendre. Très beau plaidoyer
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A. L'école est finie
Les temps changent et la roue tourne, c'est moins bien pour les uns mieux pour d'autres, c'est la vie !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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