A. Ligne B - Laurentina
5 participants
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A. Ligne B - Laurentina
Une mitraillette ! J’étais devenue la cible d’une machine à écrire qui pétaradait comme une mitraillette ! Une vieille Olivetti aux lourdes touches mécaniques comme il y en avait dans les commissariats italiens au début des années 70. A ce bruit bien désagréable se mêlait le grincement d’un vieux magnétoscope qui enregistrait tout ce que je déclarais. Impossible d’oublier cette scène que je revis encore aujourd’hui bien souvent !
Mon histoire avait pourtant démarré sur des chapeaux de roue, avec cet enviable job de vacances. L’agence Bernard m’avait sélectionnée comme guide accompagnatrice à Rome pour un premier voyage de cinq jours.
Mon groupe de voyageurs était homogène, jeune, avec une moyenne d’âge de 30 ans, des participants dynamiques, sympathiques et enthousiastes, curieux surtout de découvrir la ville. Je ne pouvais rêver mieux.
Notre hôtel, l’Australian Palace, qui n’avait du palace que le nom, était admirablement situé dans la proximité immédiate de la station Laurentina, terminus de la ligne B du métro romain, ce qui facilitait grandement nos déplacements sur place.
Le programme commençait par la visite de la Rome antique, et plus particulièrement par celle du Colisée, qui expliquée en détail me prit toute la matinée. Après la traditionnelle photo d’ensemble, je proposai au groupe une pause lunch de deux heures avant de poursuivre par le tour classique du forum. Nous devions nous retrouver au grand complet à 14 heures précises face à l’entrée principale du Colosseo. J’avais bien entendu insisté tout particulièrement sur la ponctualité de chacun dans l’intérêt général du groupe.
De retour à l’heure du rendez-vous, il ne me restait qu’à compter comme de routine le nombre des participants. Un premier comptage rapide et mécanique s’arrêtait à vingt et un. Or nous étions vingt-deux et non pas vingt et un. J’avais beau compter et recompter, j’arrivais toujours au même chiffre. Il n’y avait bel et bien que vingt et une personnes présentes et l’un d’entre nous manquait à l’appel. Quelques minutes me furent nécessaires avant de trouver qui. Vérifiant la liste en ma possession, je constatai qu’Alex E. était absent. Au terme du quart d’heure académique que je lui concédai, il n’avait toujours pas réapparu.
Sur instruction de l’agence, que j’avais pu joindre dans la cabine téléphonique la plus proche, postposant à plus tard la visite du forum je proposai aux participants une après-midi libre leur demandant de venir me rejoindre à 18 heures au Colisée, où je resterais en stand-by, espérant qu’Alex E. s’y manifesterait.
Avait-il oublié l’heure du rendez-vous ? Etait-il parti se balader dans les ruelles de Garbatella, du Trastevere ? Avait-il été pris d’une soudaine envie de liberté, celle de se distinguer du groupe dans un voyage organisé ? Toutes les hypothèses étaient possibles. Sans doute rentrerait-il alors directement à l’hôtel. A première vue, rien d’inquiétant.
Comme convenu, le groupe me rejoignit donc au Colisée à l’heure convenue, mais sans Alex, pour reprendre le chemin de l’hôtel.
A l’Australian Palace, il n’y avait aucune trace d’Alex. Le réceptionniste assura même ne pas l’avoir vu de toute la journée. Alex s’était tout simplement volatilisé. Je devais maintenant agir au plus vite et prendre les mesures qui s’imposaient. Avertir l’agence pour confirmer la disparition et prévenir la police.
La perquisition menée à l’initiative des carabinieri ne donna aucun résultat. La chambre n° 32 qu’Alex occupait à l’Australian Palace était entièrement vide. Aucun effet personnel. Seul, chiffonné, au fond de la corbeille à papier, le petit billet laconique, gribouillé de ma propre main pour aider les participants à se réorienter vers l’hôtel. Trois maigres mots : « Ligne B – Laurentina » …
Je fus emmenée immédiatement au commissariat local pour une audition approfondie. On m’y assaillit de multiples questions auxquelles j’étais incapable de répondre malgré l’aide d’un traducteur. Je ne connaissais guère Alex E. qui voyageait seul et il en était de même pour les autres voyageurs interrogés après moi. Je n’avais bien sûr rien à me reprocher mais je me trouvais malgré moi impliquée dans une situation des plus embarrassantes.
L’inspecteur me réclama ma pellicule photo et s’empara de mon Kodak Instamatic pour en retirer le film et le développer au plus tôt, la photo de groupe prise au Colisée permettant d’individualiser Alex. Quant à l’avis de recherche international, les carabinieri en promirent la diffusion dans les meilleurs délais (le minitel n’étant malheureusement pas utilisé dans les commissariats de la péninsule italienne pour l’échange d’informations policières).
Au départ de l’enquête, les éléments concrets étaient bien maigres. Alex E. n’avait pas de casier judiciaire et ne présentait pas de profil suicidaire.
Que s’était-il passé ? Un règlement de compte ? Une double vie ? L’espionnage et le passage à l’Est ?
Alex E. aurait pu rejoindre l’étranger via la gare de Roma Termini, située elle aussi sur cette fameuse ligne B. Si tous les chemins mènent à Rome, le contraire est vrai aussi …
L’enquête bruxelloise menée ultérieurement auprès des proches d’Alex E. s’enlisa également et se solda par un échec. Elle ne révéla que des banalités. Alex E. était introverti et réservé. Il n’avait pas d’ami et ne se confiait pas facilement. On ne lui connaissait pas d’ennemi. Enfin, à l’âge de 25 ans, il vivait toujours chez sa mère, décrite comme acariâtre et exclusive.
Alex E. ne donna plus aucun signe de vie. Pas d’appel téléphonique, pas le moindre courrier. Rien. Qu’était-il devenu ? Vivait-il encore ? On ne retrouva jamais son corps.
Alex E. ne refit jamais surface. Dix ans après son étrange disparition dans la Ville éternelle, il fut déclaré officiellement absent.
Mon histoire avait pourtant démarré sur des chapeaux de roue, avec cet enviable job de vacances. L’agence Bernard m’avait sélectionnée comme guide accompagnatrice à Rome pour un premier voyage de cinq jours.
Mon groupe de voyageurs était homogène, jeune, avec une moyenne d’âge de 30 ans, des participants dynamiques, sympathiques et enthousiastes, curieux surtout de découvrir la ville. Je ne pouvais rêver mieux.
Notre hôtel, l’Australian Palace, qui n’avait du palace que le nom, était admirablement situé dans la proximité immédiate de la station Laurentina, terminus de la ligne B du métro romain, ce qui facilitait grandement nos déplacements sur place.
Le programme commençait par la visite de la Rome antique, et plus particulièrement par celle du Colisée, qui expliquée en détail me prit toute la matinée. Après la traditionnelle photo d’ensemble, je proposai au groupe une pause lunch de deux heures avant de poursuivre par le tour classique du forum. Nous devions nous retrouver au grand complet à 14 heures précises face à l’entrée principale du Colosseo. J’avais bien entendu insisté tout particulièrement sur la ponctualité de chacun dans l’intérêt général du groupe.
De retour à l’heure du rendez-vous, il ne me restait qu’à compter comme de routine le nombre des participants. Un premier comptage rapide et mécanique s’arrêtait à vingt et un. Or nous étions vingt-deux et non pas vingt et un. J’avais beau compter et recompter, j’arrivais toujours au même chiffre. Il n’y avait bel et bien que vingt et une personnes présentes et l’un d’entre nous manquait à l’appel. Quelques minutes me furent nécessaires avant de trouver qui. Vérifiant la liste en ma possession, je constatai qu’Alex E. était absent. Au terme du quart d’heure académique que je lui concédai, il n’avait toujours pas réapparu.
Sur instruction de l’agence, que j’avais pu joindre dans la cabine téléphonique la plus proche, postposant à plus tard la visite du forum je proposai aux participants une après-midi libre leur demandant de venir me rejoindre à 18 heures au Colisée, où je resterais en stand-by, espérant qu’Alex E. s’y manifesterait.
Avait-il oublié l’heure du rendez-vous ? Etait-il parti se balader dans les ruelles de Garbatella, du Trastevere ? Avait-il été pris d’une soudaine envie de liberté, celle de se distinguer du groupe dans un voyage organisé ? Toutes les hypothèses étaient possibles. Sans doute rentrerait-il alors directement à l’hôtel. A première vue, rien d’inquiétant.
Comme convenu, le groupe me rejoignit donc au Colisée à l’heure convenue, mais sans Alex, pour reprendre le chemin de l’hôtel.
A l’Australian Palace, il n’y avait aucune trace d’Alex. Le réceptionniste assura même ne pas l’avoir vu de toute la journée. Alex s’était tout simplement volatilisé. Je devais maintenant agir au plus vite et prendre les mesures qui s’imposaient. Avertir l’agence pour confirmer la disparition et prévenir la police.
La perquisition menée à l’initiative des carabinieri ne donna aucun résultat. La chambre n° 32 qu’Alex occupait à l’Australian Palace était entièrement vide. Aucun effet personnel. Seul, chiffonné, au fond de la corbeille à papier, le petit billet laconique, gribouillé de ma propre main pour aider les participants à se réorienter vers l’hôtel. Trois maigres mots : « Ligne B – Laurentina » …
Je fus emmenée immédiatement au commissariat local pour une audition approfondie. On m’y assaillit de multiples questions auxquelles j’étais incapable de répondre malgré l’aide d’un traducteur. Je ne connaissais guère Alex E. qui voyageait seul et il en était de même pour les autres voyageurs interrogés après moi. Je n’avais bien sûr rien à me reprocher mais je me trouvais malgré moi impliquée dans une situation des plus embarrassantes.
L’inspecteur me réclama ma pellicule photo et s’empara de mon Kodak Instamatic pour en retirer le film et le développer au plus tôt, la photo de groupe prise au Colisée permettant d’individualiser Alex. Quant à l’avis de recherche international, les carabinieri en promirent la diffusion dans les meilleurs délais (le minitel n’étant malheureusement pas utilisé dans les commissariats de la péninsule italienne pour l’échange d’informations policières).
Au départ de l’enquête, les éléments concrets étaient bien maigres. Alex E. n’avait pas de casier judiciaire et ne présentait pas de profil suicidaire.
Que s’était-il passé ? Un règlement de compte ? Une double vie ? L’espionnage et le passage à l’Est ?
Alex E. aurait pu rejoindre l’étranger via la gare de Roma Termini, située elle aussi sur cette fameuse ligne B. Si tous les chemins mènent à Rome, le contraire est vrai aussi …
L’enquête bruxelloise menée ultérieurement auprès des proches d’Alex E. s’enlisa également et se solda par un échec. Elle ne révéla que des banalités. Alex E. était introverti et réservé. Il n’avait pas d’ami et ne se confiait pas facilement. On ne lui connaissait pas d’ennemi. Enfin, à l’âge de 25 ans, il vivait toujours chez sa mère, décrite comme acariâtre et exclusive.
Alex E. ne donna plus aucun signe de vie. Pas d’appel téléphonique, pas le moindre courrier. Rien. Qu’était-il devenu ? Vivait-il encore ? On ne retrouva jamais son corps.
Alex E. ne refit jamais surface. Dix ans après son étrange disparition dans la Ville éternelle, il fut déclaré officiellement absent.
Chloé- Occupe le terrain
- Humeur : rêveuse
Re: A. Ligne B - Laurentina
Très chouette ton histoire; Admirablement bien menée
Ataraxie- Kaléïd'habitué
- Humeur : changeante
Re: A. Ligne B - Laurentina
Très bien écrit et très agréable à lire.
C'est le début d'un roman ?
Il ne te reste qu'à écrire la suite…
on attend avec impatience !
C'est le début d'un roman ?
Il ne te reste qu'à écrire la suite…
on attend avec impatience !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Ligne B - Laurentina
Excellent suspense ! Tu décris très bien les lieux et l'atmosphère....
Mais moi je veux savoir.....la suite, vite !
Mais moi je veux savoir.....la suite, vite !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. Ligne B - Laurentina
Suspens...Il a été empoisonné par les Russes?
On voudrait savoir.
On voudrait savoir.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
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