A Van Gogh sans les pavés
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Kz
Myrte
Charlotte
Ataraxie
8 participants
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A Van Gogh sans les pavés
J'y étais
J'y fus en mai quand les muguets portaient des clochettes en forme de pavés.
Toute jeune prof auxiliaire, j'avais été projetée des bords de la Garonne à ceux de la Seine.
Le cœur en fleurs d'espérance, je devais passer les épreuves pratiques devant une classe de 5èmes.
Lorsque je me présentai à la grille du collège, en banlieue nord, les profs formaient un piquet de grève.
- On veut bien te laisser passer mais il n'y a pas d'élèves. Nos jeunes collègues sont tous partis aux manifs à Paris.
Et c'est ainsi que je retrouvai le groupe place de la Bastille. Schrunffer-Rose dont nous étions toutes un peu amoureuses, menait les opérations. Certes, un air de révolution soufflait mais je n'en connaissais pas bien le mécanisme. Je faisais partie des fauchés, des petits, des sans grades. Je voulais que ça change mais le ça était flou, une sorte de Paradis dont les marches ne seraient pas loin.
Nos années d'étudiants étaient proches. Certains, comme moi, n'arrivaient pas à s'en détacher jusqu'à s'inscrire à la Sorbonne pour une autre licence.
Dans les rangs, on criait " étudiants, ouvriers, même combat ! " Alors quand on a su qu'un ouvrier était mort à Renault-Billancourt, on n'hésita plus, il fallait y aller. Mais où ? Vers le Quartier Latin, bien sûr !
La marche a commencé à s'accélérer. Peu après, nous courrions. Certains marquaient le rythme avec des tchou ! tchou ! tchou ! Il ne nous manquait plus que le Petit Livre Rouge ! Déjà, depuis un bon moment, les gendarmes qui nous encadraient, avaient disparu. Nous étions parvenus devant le Pont Saint Michel.
Bien entendu, je ne m'étais aperçu de rien.
C'est alors que Schrunffer-Rose nous dit :
- Arrêtons nous et sortons de là ! Il se passe quelque chose de bizarre.
Les manifestants franchirent le pont. Quand tous furent passés du côté Quartier Latin, les policiers réapparurent et bloquèrent le pont.
Une pluie de matraques s'abattit.
Et moi ? Et nous ? La gloire ne fut pas notre compagne : Nous allâmes manger une soupe à l'oignon aux Halles.
Quand je rentrai chez moi, je fus bien embêtée car la " révolutionnaire " n'avait plus rien à manger. A cette époque, par mesure d'économie, je n'allais pas chez les petits commerçants mais au Casino du coin. Les employés faisant grève, le magasin ferma tout de suite. Les petits commerçants ne servaient que leurs clients. Pas moi.
Une collègue charitable m'invita dans sa famille. Ils possédaient une maison à Auvers-sur-Oise.
J'y découvris Van Gogh avec la maison du docteur Gachet, l'auberge où le peintre est mort, l'église, les champs de blé et la tombe de Vincent et de Théo recouverte de lierre.
De la hache de guerre, j'étais passée au pinceau !
J'y fus en mai quand les muguets portaient des clochettes en forme de pavés.
Toute jeune prof auxiliaire, j'avais été projetée des bords de la Garonne à ceux de la Seine.
Le cœur en fleurs d'espérance, je devais passer les épreuves pratiques devant une classe de 5èmes.
Lorsque je me présentai à la grille du collège, en banlieue nord, les profs formaient un piquet de grève.
- On veut bien te laisser passer mais il n'y a pas d'élèves. Nos jeunes collègues sont tous partis aux manifs à Paris.
Et c'est ainsi que je retrouvai le groupe place de la Bastille. Schrunffer-Rose dont nous étions toutes un peu amoureuses, menait les opérations. Certes, un air de révolution soufflait mais je n'en connaissais pas bien le mécanisme. Je faisais partie des fauchés, des petits, des sans grades. Je voulais que ça change mais le ça était flou, une sorte de Paradis dont les marches ne seraient pas loin.
Nos années d'étudiants étaient proches. Certains, comme moi, n'arrivaient pas à s'en détacher jusqu'à s'inscrire à la Sorbonne pour une autre licence.
Dans les rangs, on criait " étudiants, ouvriers, même combat ! " Alors quand on a su qu'un ouvrier était mort à Renault-Billancourt, on n'hésita plus, il fallait y aller. Mais où ? Vers le Quartier Latin, bien sûr !
La marche a commencé à s'accélérer. Peu après, nous courrions. Certains marquaient le rythme avec des tchou ! tchou ! tchou ! Il ne nous manquait plus que le Petit Livre Rouge ! Déjà, depuis un bon moment, les gendarmes qui nous encadraient, avaient disparu. Nous étions parvenus devant le Pont Saint Michel.
Bien entendu, je ne m'étais aperçu de rien.
C'est alors que Schrunffer-Rose nous dit :
- Arrêtons nous et sortons de là ! Il se passe quelque chose de bizarre.
Les manifestants franchirent le pont. Quand tous furent passés du côté Quartier Latin, les policiers réapparurent et bloquèrent le pont.
Une pluie de matraques s'abattit.
Et moi ? Et nous ? La gloire ne fut pas notre compagne : Nous allâmes manger une soupe à l'oignon aux Halles.
Quand je rentrai chez moi, je fus bien embêtée car la " révolutionnaire " n'avait plus rien à manger. A cette époque, par mesure d'économie, je n'allais pas chez les petits commerçants mais au Casino du coin. Les employés faisant grève, le magasin ferma tout de suite. Les petits commerçants ne servaient que leurs clients. Pas moi.
Une collègue charitable m'invita dans sa famille. Ils possédaient une maison à Auvers-sur-Oise.
J'y découvris Van Gogh avec la maison du docteur Gachet, l'auberge où le peintre est mort, l'église, les champs de blé et la tombe de Vincent et de Théo recouverte de lierre.
De la hache de guerre, j'étais passée au pinceau !
Ataraxie- Kaléïd'habitué
- Humeur : changeante
Re: A Van Gogh sans les pavés
Très bon texte. Quel cheminement pour arriver à Van Gogh et au pinceau! Es tu devenue peintre?
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A Van Gogh sans les pavés
Tu as été vraiment au coeur des manifestations ! Ce Schrunffer-Rose est-il une personne importante du mouvement ? J'aime bien la fin de ton texte très personnelle
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A Van Gogh sans les pavés
Beaucoup aimé le texte en général mais surtout l(incipit très poétique !
"J'y fus en mai quand les muguets portaient des clochettes en forme de pavés."
"Le coeur en fleurs d'espérance," c'est poétique aussi.
Cela dit, une expérience aussi, celles de ses limites, du rapport au réel, etc. merci !
"J'y fus en mai quand les muguets portaient des clochettes en forme de pavés."
"Le coeur en fleurs d'espérance," c'est poétique aussi.
Cela dit, une expérience aussi, celles de ses limites, du rapport au réel, etc. merci !
Kz- Kaléïd'habitué
- Humeur : bonne
Re: A Van Gogh sans les pavés
Non, je ne suis pas devenue peintre mais j'ai eu ma période dessin avec un goût particulier pour les mains ( flute, on revient à la consigne B !). Maintenant j'ai passé la main à un de mes petits-fils et je lui ai donné tout mon matériel.
Schrunffer-Rose ? C'était un pacifiste, alors les pavés !? Par contre, les réunions où l'on refait le monde, il a beaucoup aimé.
A la rentrée scolaire, nous l'avons accompagné pour voir du théâtre " total " ( ex : pendant le spectacle, on déroulait sur les spectateurs un filet genre filet de chalut. C'était de la participation ). Moi, je préférais la soupe à l'oignon.
On s'est perdu de vue. Il me plaisait bien pourtant. Mais Josiane préférait le théâtre total à la soupe à l'oignon. Alors, ils ont filé sans moi.
Les hommes n'ont aucun goût, j'était bien plus chouette que Josiane !
Schrunffer-Rose ? C'était un pacifiste, alors les pavés !? Par contre, les réunions où l'on refait le monde, il a beaucoup aimé.
A la rentrée scolaire, nous l'avons accompagné pour voir du théâtre " total " ( ex : pendant le spectacle, on déroulait sur les spectateurs un filet genre filet de chalut. C'était de la participation ). Moi, je préférais la soupe à l'oignon.
On s'est perdu de vue. Il me plaisait bien pourtant. Mais Josiane préférait le théâtre total à la soupe à l'oignon. Alors, ils ont filé sans moi.
Les hommes n'ont aucun goût, j'était bien plus chouette que Josiane !
Ataraxie- Kaléïd'habitué
- Humeur : changeante
Re: A Van Gogh sans les pavés
S'il en était besoin, ce texte au démarrage poétique démontre que , à défaut de suite concrète, celles et ceux qui sortaient tout juste de l'adolescence en mai 68, ont vraiment vécu une épopée qui aujourd'hui fait rêver ...
Concret ? Mais oui, il y a eu du concret pour les droits des femmes, l'exercice du droit syndical et bien d'autres choses encore !
Puis - je ?
Vive la Révolution !!! il en est encore beaucoup qui mériteraient des pavés dans la g ...
Concret ? Mais oui, il y a eu du concret pour les droits des femmes, l'exercice du droit syndical et bien d'autres choses encore !
Puis - je ?
Vive la Révolution !!! il en est encore beaucoup qui mériteraient des pavés dans la g ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A Van Gogh sans les pavés
Ataraxie a écrit:Non, je ne suis pas devenue peintre mais j'ai eu ma période dessin avec un goût particulier pour les mains ( flute, on revient à la consigne B !). Maintenant j'ai passé la main à un de mes petits-fils et je lui ai donné tout mon matériel.
Schrunffer-Rose ? C'était un pacifiste, alors les pavés !? Par contre, les réunions où l'on refait le monde, il a beaucoup aimé.
A la rentrée scolaire, nous l'avons accompagné pour voir du théâtre " total " ( ex : pendant le spectacle, on déroulait sur les spectateurs un filet genre filet de chalut. C'était de la participation ). Moi, je préférais la soupe à l'oignon.
On s'est perdu de vue. Il me plaisait bien pourtant. Mais Josiane préférait le théâtre total à la soupe à l'oignon. Alors, ils ont filé sans moi.
Les hommes n'ont aucun goût, j'étais bien plus chouette que Josiane !
Ataraxie- Kaléïd'habitué
- Humeur : changeante
Re: A Van Gogh sans les pavés
Je suis ravie de découvrir Mai 68, son muguet et ses pavés, avec les yeux des "grands" n'étant qu'une enfant à l'époque ces évènements me sont passés bien au-dessus de la tête.
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A Van Gogh sans les pavés
Je t'imagine marchant puis courrant sur le pont, tu parviens à nous faire sourire et même rire en racontant ton aventure.
Bravo pour la finale!
Bravo pour la finale!
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A Van Gogh sans les pavés
Je viens un peu tard pour répondre.
Mais, ayant pris quelques jours de vacances et n'étant qu'une adepte modérée du pc à la maison, j'ai pris un peu de retard et dans l'écriture et dans la lecture.
J'aime la reconnaissance que l'on peut s'emballer pour une révolution, une idée et, finalement, laisser la réalisation à d'autres...
Mais, ayant pris quelques jours de vacances et n'étant qu'une adepte modérée du pc à la maison, j'ai pris un peu de retard et dans l'écriture et dans la lecture.
J'aime la reconnaissance que l'on peut s'emballer pour une révolution, une idée et, finalement, laisser la réalisation à d'autres...
Chimilouve- Prend ses marques
- Humeur : curieuse
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