A. Petites filles modèles
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A. Petites filles modèles
Quelque part en Brabant flamand.
Je n'ai pas encore 4 ans. Mes souvenirs sont, sinon inexistants, à tout le moins très diffus.
Les photos de l'époque montrent quatre petites filles très sages. Je suis la plus jeune. Le plus souvent, les photos sont prises lors de fêtes de famille, un anniversaire, une communion.
Sur ces images, nous ne sommes pas seulement sages, nous sommes modèles. Avec Papa en costume cravate et Maman en robe chic. Nous posons devant l'appareil photo. Avant de retourner à nos jeux sûrement. Mais de ces jeux les jours de fête, point de souvenirs sur papier.
La télévision a-t-elle déjà fait son apparition à la maison ? Je n'en suis pas certaine.
Les images ont-elles été vues, commentées à la maison ? Je n'en ai pas de souvenir.
Je peux toutefois imaginer nos parents se raidir devant les manifestations étudiantes. Ne nous a-t-on pas ultérieurement poussées à être des étudiantes consciencieuses, soucieuses de leur avenir, conscientes de leur chance et de leur devoir ?
Les revendications de liberté n'ont jamais trouvé que porte fermée à la maison. Pas de sortie exagérée (dix ans plus tard, le cap de minuit devait encore être passé à la maison), de boisson alcoolisée, de cigarette, de liberté sexuelle (vingt ans plus tard, le regret de ne pas nous avoir amenées vierges au mariage taraudait encore notre père), de rock (notre radio était branchée sur notre chaine nationale, où sévissaient quelques années plus tard, à côté de Cloclo, Frédéric François, Christian Vidal, Robert Cogoi...)
Pas de grève envisageable pour notre père. Le travail était une valeur phare. A bien y réfléchir, ce rejet de la grève m'est resté, renforcé vraisemblablement par les réactions paternelles face à un recours un peu trop généralisé à cette arme dans nos bassins industriels au cours des années qui ont suivi. Les jours de grève n'étaient-ils pas au fond des jours de vacances ?
La destruction de biens, publics ou privés, lors de manifestations n'a jamais eu sa place dans notre famille. La colère, fut-elle justifiée, n'excusait en rien une destruction.
J'en suis restée là, ici aussi.
Non, mai 1968 n'a pas pu forcer la porte de notre maison. Nous avons dû refaire le trajet de mai 68 à la maison, mais sous une forme plus subtile, du non-dit au fait accompli.
Et nous sommes toutes restées très sages.
Avec peut-être quelques regrets pour certaine...
Je n'ai pas encore 4 ans. Mes souvenirs sont, sinon inexistants, à tout le moins très diffus.
Les photos de l'époque montrent quatre petites filles très sages. Je suis la plus jeune. Le plus souvent, les photos sont prises lors de fêtes de famille, un anniversaire, une communion.
Sur ces images, nous ne sommes pas seulement sages, nous sommes modèles. Avec Papa en costume cravate et Maman en robe chic. Nous posons devant l'appareil photo. Avant de retourner à nos jeux sûrement. Mais de ces jeux les jours de fête, point de souvenirs sur papier.
La télévision a-t-elle déjà fait son apparition à la maison ? Je n'en suis pas certaine.
Les images ont-elles été vues, commentées à la maison ? Je n'en ai pas de souvenir.
Je peux toutefois imaginer nos parents se raidir devant les manifestations étudiantes. Ne nous a-t-on pas ultérieurement poussées à être des étudiantes consciencieuses, soucieuses de leur avenir, conscientes de leur chance et de leur devoir ?
Les revendications de liberté n'ont jamais trouvé que porte fermée à la maison. Pas de sortie exagérée (dix ans plus tard, le cap de minuit devait encore être passé à la maison), de boisson alcoolisée, de cigarette, de liberté sexuelle (vingt ans plus tard, le regret de ne pas nous avoir amenées vierges au mariage taraudait encore notre père), de rock (notre radio était branchée sur notre chaine nationale, où sévissaient quelques années plus tard, à côté de Cloclo, Frédéric François, Christian Vidal, Robert Cogoi...)
Pas de grève envisageable pour notre père. Le travail était une valeur phare. A bien y réfléchir, ce rejet de la grève m'est resté, renforcé vraisemblablement par les réactions paternelles face à un recours un peu trop généralisé à cette arme dans nos bassins industriels au cours des années qui ont suivi. Les jours de grève n'étaient-ils pas au fond des jours de vacances ?
La destruction de biens, publics ou privés, lors de manifestations n'a jamais eu sa place dans notre famille. La colère, fut-elle justifiée, n'excusait en rien une destruction.
J'en suis restée là, ici aussi.
Non, mai 1968 n'a pas pu forcer la porte de notre maison. Nous avons dû refaire le trajet de mai 68 à la maison, mais sous une forme plus subtile, du non-dit au fait accompli.
Et nous sommes toutes restées très sages.
Avec peut-être quelques regrets pour certaine...
Chimilouve- Prend ses marques
- Humeur : curieuse
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