A Saut vers l'Inconnu

Ma mère disait : Que c'est long ! Que c'est long !
C'était sa 97ème année, sa dernière. Pourtant, avec courage, tous les jours, elle arpentait les allées du jardin pour se maintenir en forme.
Il m'a fallu atteindre les portes de la vieillesse pour enfin comprendre le vrai sens de ces paroles. Comme beaucoup d'autres choses d'ailleurs. C'est fou, on passe à côté de tant de vérités tout au long de sa vie !   On n'a rien vu, on n'a rien compris. On n'a été que des aveugles du cœur.
Pourvu que j'aie su donner de l'amour ! Et là encore, je n'en suis même plus sûre !
Tout compte fait, je ne suis plus sûre que de mes incertitudes.
Que c'est long mais aussi que c'est court !
L'été brûle la garrigue que déjà la fin de l'automne me tire vers l'intérieur.
Je regarde les photos de mon fils dans son landau  et c'est un homme qui m'appelle me donnant des nouvelles de son propre fils.
Des remords ? Non; Des regrets ? Peut-être . Avoir fait ce qu'on a pu avec ce qu'on avait, avec ce qu'on savait. Certes. Mais ai-je vraiment appris quelque chose ?
L'autre jour, je tournais en rond dans la maison déserte et je me suis surprise  arrêtée devant la glace. La vieille femme que j'y ai vue, détaillée, inspectée, espionnée, c'était moi ! Je ne me suis pas reconnue dans cette silhouette lourde, dans ces rides profondes. C'est donc moi, ça ? Alors, je ne vais plus plaire ? Alors plus un homme ne posera son regard sur moi ? Et je me suis souvenue de ce que m'avait dit un jour, mon amie Lydie : après 60 ans, on devient transparente.
Voilà pourquoi je suis là, au pied de la falaise. J'entends derrière moi ronronner le torrent. Je sens le vent frais des cimes balayer mes souvenirs, alléger mes attentes. Si je pouvais encore une fois apercevoir la marmotte timide sortant de son refuge pour goûter le printemps !

- Emmenez-moi au bout de la terre !

Pour t'aider dans tes idées qui partent un peu dans tous les sens, fais ton tri sélectif Ataraxie .

- Ce qui est mieux
- Ce que je vais enfin faire
- Ce que je referais ( ou pas )
- Ce qu'il faut apprendre ( entre autres pas de regrets, jamais )

Pour la forme, je me permets de te conseiller d'aérer ton texte, particulièrement le dernier paragraphe à partir de " L'autre jour..."

Et enfin l'excipit après " au pied de la falaise" me met un peu mal à l'aise. Tu parles à quelqu'un ?

Mais ton texte est tout à fait touchant, tu te poses beaucoup ( trop) de questions, nous sommes toutes dans le même bain, nos bébés sont devenus des hommes et des pères à leur tout, nous avons des rides etc... Et alors ?
Et ton amie a tort, on ne devient pas transparente à 6O ans, on peut déjà l'être à 20, tout dépend des gens !
Positive, Ataraxie ! Tout n'est pas négatif !

Hélas, ma pauvre amie, je n'ai jamais été en position de tri sélectif. Pendant des années, j'ai demandé à mes élèves de classer leurs idées avant de commencer leur rédaction jusqu'au jour où je me suis mise à rédiger le sujet que je leur avais donné et j'ai découvert que je ne fonctionnais pas ainsi : je partais d'un mot ou d'une phrase qui m'amenait d'un trait à la conclusion.
Alors maintenant ? Je reconnais que ça fuse de partout. Ma tête n'est pas assez grande pour contenir toutes mes impressions. Je suis à la fois dedans et dehors.
Tri sélectif ? Sélection ? Va falloir que l'on jette à la poubelle. Moi, je sais quoi, je sais qui.
Je ne pose pas trop de questions. C'est ma façon d'avancer vers.
Aller au bord de la falaise, c'est s'envoler vers. Rien de triste.
Souviens toi qu'à La Garrigue, je ne suis pas la dernière à plaisanter.
Je vis seule, Khephren, ne répond pas toujours, alors je suis amenée à me poser plus de questions que ceux qui vivent à 2.
La mort dAznavour, peut être appelait un tel sujet. Mais rassure toi, je ne vois rien de négatif. La vie est la vie et je crois en l'ouvrier de la dernière heure.

Pour ma part je trouve qu'il n'y a rien à retoucher à ce texte. Il coule naturellement si on se laisse faire par lui. Comme un monologue sorti de soi-même, non pas en vrac mais avec un ordonnancement qui a sa logique propre. Bien entendu celle-ci n'est pas intellectuelle ni ordonnée par grand A grand B grand C.

Et la finale est saisissante. Comme si c'était là un dernier cri avant de se jeter du haut de la falaise
Un dernier cri adressé au Destin, à Dieu ou à Diable…
je trouve ce texte excellent.



Comme quoi les perceptions sont diverses. C'est en général ce qui fait la valeur de l'écriture que l'on a laissé sortir de soi.

AlainX, elle est au pied de la falaise, pas en haut !!!! Ca change pas mal de choses !

Ce texte te ressemble. Comme tu le dis toi même "ça fuse de partout"
Comme j'ai la chance de te connaitre , je ne suis pas étonnée de cette forme d'écriture.
Ataraxie qui voit tout en noir? Non!
Ataraxie qui décrit souvent des idées noires? Oui!
Je pense que c'est un choix et que tu sais aussi positiver...

Ah, oui Amanda, j'ai écrit au pied de la falaise mais dans ma tête j'étais en haut ! Comme c'est bizarre ! Ma tête était déjà partie.

Moi aussi j'aime beaucoup ce texte sorti du fond de toi-même.... Et je n'ai même pas remarqué que tu étais au pied de la falaise! Dans le fond, être au pied de la falaise est également un sentiment très particulier. Ce ne sera pas un saut dans le vide, mais un saut au loin? ...... Dans l'espace qui s'ouvre devant toi?

Zéphyrine a écrit:Ce texte te ressemble. Comme tu le dis toi même  "ça  fuse de partout"
Comme  j'ai la chance de te connaitre , je ne suis pas étonnée de cette  forme d'écriture.
Ataraxie qui voit tout en noir? Non!
Ataraxie qui décrit  souvent des idées  noires? Oui!
Je pense que c'est un choix et que  tu sais aussi positiver...

Ce commentaire me fait réagir d'une manière générale, pas forcément par rapport à toi, mais plus largement.

J'ai plusieurs fois déjà observées que sur Kaléïdoplumes, quand on fait un texte à connotation « jugée négative » on obtient des critiques qui vont dans le sens : mais pourquoi vous n'écrivez pas positivement !
Ah bon ? C'est une obligation ? C'est marqué dans la règle ?

Tous les sentiments peuvent être exprimés des plus joyeux au plus noirs. Avec talent. Avec réflexion.Avec du sens.
Ça me fait penser aux bouquins : « la tyrannie du bonheur »
faut-il vraiment tout le temps écrire dans le style : « tout va très bien madame la marquise » ?
C'est juste une question…
c'est aussi un agacement !…

et bien... moi aussi j'aime énormément ton texte
genre de dialogue intérieur qui évoque bien des questions en rapport avec le vieillissement.
un dialogue intérieur est toujours un peu "fouillis", les idées fusent au gré de leur apparition
mais on est touché par la justesse de tout ce que tu évoques: c'est de l'ordre de:
moi aussi je vis ça...

Très bon texte. Les falaises c'est pas mon truc. Reste bien au pied moi si j'étais en haut comme j'ai le vertige j'aurais vraiment peur de tomber . Donc les falaises j' y vais pas

Moi aussi, je l'aime beaucoup ce texte ! car nous nous posons régulièrement ce genre de questions, et cela ne veut pas dire que nous allons nous jeter du haut de la falaise !

Ataraxie

Très beau texte, j'ai tout particulièrement relevé cette phrase

Tout compte fait, je ne suis plus sûre que de mes incertitudes.

Maintenant, je trouve que la soixantaine est un très bel âge, comment ça transparente et puis quoi encore

Transparente, c'est ce que disait mon amie, elle qui fut vraiment une très belle blonde aux yeux d'un bleu profond. Elle était danseuse étoile au Capitole de Toulouse. Elle était toujours entourée d'une cours de chevaliers servants ( comme disait sa mère ). Il est vrai que sa beauté était partie dans la fumée de ses cigarettes