A.Dans le silence le regard parle.

Dans le silence le regard parle.

Après la seconde guerre mondiale, j'ai débarqué sur cette planète.
J'aurais pu écrire « après la deuxième guerre mondiale », mais cela suppose qu'il y en aura une troisième et comme je suis optimiste je préfère écrire seconde guerre mondiale.
Après la première, et les 111 millions 600 000 litres de sang déversés dans la terre, tout le monde avait dit qu'il n'y en aurait pas d'autres. Comme quoi la « vox populi » n'est pas toujours « vox dei ».

Ma famille fut égale à tant d'autres. Quelques ancêtres dorment dans les charniers. D'autres sont revenus et se sont terrés dans le silence.
Que pourrais-je donc raconter de ce temps-là si je ne l'ai connu que par les récits scolaires et de rares livres que j'ai commencé à lire et que je n'ai jamais terminé.

« Quelle connerie la guerre ! » répétait Jacques Prévert à Barbara.
Il pleut toujours sur Brest et la marche du temps ne changera jamais la bêtise humaine et l'arrogance des peuples inconscients.

« Mourir pour des idées, l'idée est excellente » dans la tête des généraux dégénérés des pays belligérants.
C'est peut-être de leur goût passionné pour envoyer les hommes à la boucherie, leur arrogance démesurée, et leur sens dévoyé de ce qu'est une patrie, qu'il faut précieusement garder mémoire. Se souvenir que ce sont quelques-uns-béciles  qui ont envoyé se faire massacrer des millions d'hommes de dizaines de pays. Plutôt que choisir la voie diplomatique !
Car sinon il y en aura toujours pour recommencer encore.
Mais, les soi-disant stratèges : leurs corps sont demeurés intacts, sans la moindre cicatrice,  dans les bureaux bien chauffés des états-majors.

Les survivants de mon entourage sont demeurés silencieux à jamais. À quoi bon évoquer l'horrible auprès de ceux qui vivent dans la quiétude de l'après.
Témoigner ? Sans doute. Merci à ceux qui en ont eu le courage.

Moi je n'ai vu d'un grand-père, plus maigre qu'un squelette, que les yeux  : des yeux desquels la vie s'était retirée au fond d'une mémoire en ruine. Un regard absent qui avait probablement déserté l'aujourd'hui.
Alors toute parole était inutile à celui qui savait comprendre par un regard du cœur.
Il suffisait de suivre ce regard qui allait se poser sur deux énormes douilles d'obus qu'il a gravées comme bien  d'autres l'ont fait, et qui trônaient sur la cheminée de faux marbre.
À côté se tenait une baïonnette allongée comme un cadavre. Il m'arrivait, jeune enfant, de vouloir la toucher, peut-être même la prendre pour en faire une épée de Zorro. Mais le grognement énervé du grand-père éloignait ma main automatiquement de la baïonnette qui avait peut-être transpercé le ventre d'un ou plusieurs Allemands.

« Quelle connerie la guerre ! » À présent que mon petit-fils s'est lié d'amitié avec son correspondant allemand et qu'ils partiront l'été prochain en vacances ensemble visiter l'Europe.