A - Témoignage de Marie-Louise
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AlainX
Amanda.
Zéphyrine
Admin
Myrte
Cassy
Martine27
11 participants
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A - Témoignage de Marie-Louise
Pour ce texte "anniversaire" je vais m'effacer et laisser la parole à ma grand-mère maternelle. Ce qui suit est le début d'un texte qu'elle m'avait laissé sur sa vie. Je vous le livre tel quel. Il sera suivi de la copie d'une des cartes envoyées par mon arrière-grand-père à sa famille après sa libération des camps de prisonniers. Je ne réponds peut-être pas strictement à la consigne, mais je pense que les paroles de ma grand-mère sont le reflet du ressenti d'une enfant pendant la der des der.
"Née le 21 juillet 1906 à Braux (Ardennes), père : Edmond Petit, mère : Céline Baudoin, sœur : Evelyne. Travaillent dans la même usine Laurent Colas. Mon père comme ajusteur, ma mère comme manutentionnaire (boulonnerie).
Enfance heureuse.
1914, une des sœurs de mon père venue en vacances a eu la douleur de perdre son mari enterré dans le caveau de famille. Résidant à Toulouse a voulu y retourner mais comme elle avait peur de s'ennuyer seule dans une grande ville elle avait demandé et obtenu la compagnie de ma sœur âgée de 9 ans afin de réaliser la vente pour revenir au pays.
Hélas, ce fut la guerre.
Mon père mobilisé à Givet fut fait prisonnier presque immédiatement, les allemands ayant franchi la frontière belge.
Quelques temps après les uhlans firent irruption dans notre village tirant dans toutes les directions. Nous avons échappé en nous blottissant sous le lit.
Puis ce fut les restrictions. Ma mère allait souvent en Belgique pour nous ravitailler, il était facile d'y aller en passant par la forêt, mais ce n'était pas sans danger et elle fut arrêtée et incarcérée à la prison de Charleville.
Pendant ce temps nous avions, ma grand-mère et moi touché sa ration de pain, ce qui nous a valu d'en être privées pendant un certain temps après sa libération.
Nous allions glaner dans les champs pour recueillir quelques épis, moulus dans le moulin à café, cela permettait de faire des crêpes qui servaient de pain.
Ma mère sans nouvelles de mon père et de ma sœur était très déprimée et la directrice de mon école s'étant noyée avec son fils de mon âge, ma mère décidait d'en faire autant et à la nuit tombante nous nous sommes dirigées vers la Meuse. Mais l'ayant implorée de ne pas le faire tout de suite, d'attendre mon sommeil et m'emporter, cela lui a permis de réfléchir et de ne pas faire ce geste.
Enfin, nous recevons une carte de la Croix-Rouge. Ces cartes ne permettant pas beaucoup de nouvelles, seulement "en bonne santé" et l'adresse du stalag qui était en Prusse orientale. Nous avons su à son retour après la fin de la guerre qu'il avait refusé de travailler pour eux et que c'est par représailles qu'il avait été envoyé si loin.
De temps en temps, ces mêmes cartes permettaient de le savoir toujours en vie et maman répondait de la même façon par la Croix-Rouge et même a pu lui envoyer une photo qu'il a d'ailleurs ramené à sa libération."
Ici je passe le passage concernant la "récupération" de ma tante Evelyne laissée pour compte à Toulouse par sa tante paternelle et que mon arrière-grand-mère n'a retrouvée que 30 mois après son départ. Les voici donc arrivées à Paris.
"Par la Croix-Rouge, Maman a trouvé du travail chez Ducellier, montage de goupilles sur grenade ce qui nous a permis de trouver une chambre d'hôtel, ce n'était pas luxueux mais nous étions à nouveau réunies.
Ayant appris que la boulonnerie des Ardennes était installée à Ivry sur Seine, tous deux y ayant travaillé, ma mère a été trouver le patron qui l'a embauchée comme taraudeuse de boulons et lui a procuré un logement de 2 pièces cuisine, c'était presque le bonheur. Par la Croix-Rouge nous avions, à nouveau, des nouvelles de mon père surtout très heureux de nous savoir réunies.
J'ai pu enfin reprendre l'école (pas d'école dans les pays envahis) à Ivry. J'étais en retard par rapport aux autres élèves et ce n'est qu'à 14 ans que j'ai eu le certificat.
Puis ce fut l'Armistice et le retour de mon père, par une carte d'Helsingor le 11 janvier 1919 qui nous annonçait son retour par le bateau qui devait le rapatrier des camps de concentration par le Danemark. C'est avec une grande joie que nous l'avons retrouvé."
Voilà la guerre vécue de l'intérieur par les femmes et les enfants qui ont dû apprendre à survivre à l'arrière.
Je précise deux choses, d'une part que mes arrières grands parents ont continué à vivre à Ivry sur Seine (mon arrière-grand-père est mort en 1930) et que ce texte m'a été transmis par ma mère peu avant son décès, inutile de vous dire qu'en en lisant le début (et le reste d'ailleurs) j'ai pris une sacrée claque, personne ne m'avait jamais parlé de l'abandon de ma grand-tante ni de la tentative de suicide de mon arrière-grand-mère que j'avais toujours vue (en dépit de sa petite taille un mètre quarante-cinq tout au plus) comme un roc, roc qu'elle était devenue je pense au fil de ces épreuves.
Dans la suite de ce texte ma grand-mère parle de sa vie personnelle et de la guerre qui fait à nouveau irruption dans sa vie en 39, mais comme on dit, ceci est une autre histoire.
Très probablement la photo dont parle ma grand-mère, elle date de 1914 et la représente avec mon arrière-grand-mère
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Tu réponds parfaitement à la consigne Martine, avec ce récit bouleversant puisqu'il te vient directement de ta grand-mère.
Quel trésor tu as là!!!!!!!!Et tu dis que ce n'est qu'une partie du récit qu'elle avait fait de sa vie?
Tu ne dis pas de quand date ce "journal" , tu peux donner des précisions?
Quel trésor tu as là!!!!!!!!Et tu dis que ce n'est qu'une partie du récit qu'elle avait fait de sa vie?
Tu ne dis pas de quand date ce "journal" , tu peux donner des précisions?
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
C'est un témoignage familiale très personnel et précis. Pourquoi ne pas l'écrire ?
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
@ Myrte et Cassy : Ce n'est pas vraiment un journal il s'agit d'une douzaine de pages manuscrites où elle raconte les évènements de sa vie qui l'ont le plus marquée. Pour ce qui est de la date, malheureusement elle ne l'a pas indiqué, mais je pense qu'elle a dû les écrire avant de partir en maison de retraite, je dirai donc qu'elle devait avoir environ 85 ans lorsqu'elle les a rédigées, mais peut-être est-ce avant. Pour ce qui est d'écrire autour de ce noyau de récit pourquoi pas, dans la mesure où ma grand-mère m'a raconté d'autres choses plus gaies dirons-nous et que j'ai des photos qui pourraient me permettre d'aller dans ses pas. J'ai aussi récupéré des livrets de famille sur lesquels je me pencherai lorsque je serai à la retraite (ça approche, ça approche, chic, chic) pour faire au moins une branche de mon arbre généalogique, côté paternel c'est beaucoup moins évident.
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Alors fonce Martine. Le jour venu, écris ce livre
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Voila de quoi occuper ta retraite qui approche !
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Merci à toutes les deux, je pense en effet que ma retraite va être bien occupée
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Beau témoignage, bien illustré.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
J'ai beaucoup de chance d'avoir encore toutes ces vieilles photos. Et ma famille maternelle n'était pas très loin de ton pays.
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Garde ces écrits précieusement ! Moi, je n'en ai pas et j'ai cherché en vain une photo de mon parrain ( Arthur) en soldat.
Rien, la famille a du jeter tout cela !
Beau témoignage vu du point de vue des femmes, ce fut aussi dur pour elles.
Merci !
Rien, la famille a du jeter tout cela !
Beau témoignage vu du point de vue des femmes, ce fut aussi dur pour elles.
Merci !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Ah ça c'est en effet mon petit trésor familial personnel que je garde précieusement. Il serait bien que dans les commémorations on parle aussi de ce qui se passait à l'arrière et de la solidité des femmes de l'époque
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Tu disposes de souvenirs historiques et de documents d'époque irremplaçables.
Comme les documents s'abîment avec le temps, je te conseille de les scanner dès que possible. Ce qui permet par ailleurs de les transmettre aux jeunes générations qui ne jurent que par la dématérialisation !
Merci pour ce témoignage qui mérite, comme d'autres le disent, d'être mis en forme dans un petit ouvrage publié.
Comme les documents s'abîment avec le temps, je te conseille de les scanner dès que possible. Ce qui permet par ailleurs de les transmettre aux jeunes générations qui ne jurent que par la dématérialisation !
Merci pour ce témoignage qui mérite, comme d'autres le disent, d'être mis en forme dans un petit ouvrage publié.
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Merci Alain, les photos sont déjà numérisées en double exemplaire et soit dit en passant elles sont en bien meilleur état que les argentiques des années 70/80 ! Pour le texte, voilà qui occupera mes futures journées de retraitée, l'idée est bonne, maintenant il va falloir que je me lance !
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Ce que vivaient nos grands-mères et arrières grands-mères est très intéressant également, on les oublie un peu parfois, et pourtant ce n'était guère facile pour elles non plus, la preuve dans ces écrits.
C'est une chance, oui, d'avoir de tels documents, garde les bien précieusement, et vivement la retraite que tu puisses te mettre au travail !
Merci !
C'est une chance, oui, d'avoir de tels documents, garde les bien précieusement, et vivement la retraite que tu puisses te mettre au travail !
Merci !
FrançoiseB- Kaléïd'habitué
- Humeur : Sereine
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
On fait la part belle aux combattants c'est normal, mais un petit mot sur leurs mères, épouses et filles ce serait bien aussi. Ah là là oui vivement cet été !!!
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Merci pour ton témoignage et je suis déjà impatient de lire ce que tu nous écriras sur les femmes de ta famille lorsque enfin ta retraite te laissera le temps de t'y consacrer.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Merci Virgul, notre génération fait le grand écart du XIX au XXIème siècle c'est un peu terrifiant quelque part, mon arrière-grand-mère est née en 1881. J'ai hâte effectivement de commencer à remonter le long de mon arbre généalogique !
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Martine, j'ai ici THE spécialiste en généalogie, c'est mon mari. Si tu as besoin de renseignements n'hésite pas!
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Merci Zéphyrine, je pense que je vais commencer à prospecter l'année prochaine, j'ai déjà récupéré plusieurs livrets de famille et je note qu'il y a THE spécialiste chez toi
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
quel document magnifique! et quelle émotion en le lisant!
c'est très très fort et très nécessaire, donc...
c'est très très fort et très nécessaire, donc...
Adrienne- Kaléïd'habitué
- Humeur : brouillonne
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Merci pour ma grand-mère, Adrienne. Si elle m'a laissé ce témoignage c'est aussi pour que je le fasse connaître même si ce n'est qu'à un petit cercle.
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
Comme il était écrit dans la consigne 492, la plupart d'entre nous est la dernière génération à avoir cotoyé, et pouvant se souvenir, de paroles d'acteurs des années 14-18. Et à mon sens, on peut, on doit ! en rendre compte ...
D'où, comme d'autres ici, mon encouragement à ce que tu écrives ce livre ...
Tu en es tout à fait capable !
Il sera plus parlant, plus proche du vécu des poilus et de leurs familles que ces monuments aux morts, cocardiers pour l'essentiel ...
D'où, comme d'autres ici, mon encouragement à ce que tu écrives ce livre ...
Tu en es tout à fait capable !
Il sera plus parlant, plus proche du vécu des poilus et de leurs familles que ces monuments aux morts, cocardiers pour l'essentiel ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Témoignage de Marie-Louise
En effet Cat, nous sommes la dernière génération à avoir côtoyé de loin cette guerre par nos grands-parents et arrières-grands-parents, quelque part ça donne un peu le tournis !
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
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