Compétition
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Amanda.
Charlotte
tobermory
7 participants
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Compétition
Le stress, sale bête avec son « SSSSSSS ! » de cobra, qui tétanise, qui hypnotise, qui paralyse. Face à lui, tu n’es qu’une proie incapable de bouger, incapable de penser. Une grande glaciation s’étend sur toi. Et pourtant il faut avancer, avancer ou mourir.
Le stress, un SS, son fouet cingle l’air, tu es sa chose, son esclave.
Tu es là, devant ta copie, le stylo en suspens, en suspense. Le stress s’est infiltré dans tes cellules, une toxine qui empoisonne ton sang.
Des examens, toujours des examens, toujours être le meilleur toujours le regard des autres pour te jauger, t’ausculter, t’évaluer, mesurer ta progression. Chaque fois on croit qu’on va pouvoir s’arrêter et non, ça continue. Ça a commencé de bonne heure, souviens-toi, de très bonne heure, à la première heure.
Grandir, souviens-toi c’est un engagement que tu as pris quand tu étais spermatozoïde. Ah tu as appris une belle leçon cette fois là. Tu étais le vainqueur, tu avais donné toute ton énergie. On était des milliers dans la course, un seul survivrait. Le premier stress. A côté, les combats de gladiateurs, c’était des jeux de bac à sable. Tu as répondu présent, tu as tout donné, tu avais un mental d’enfer. Tu as gagné, tu as gagné le repos du guerrier. Tu as cru que maintenant c’était fini le stress. Pas du tout. Pas question de te reposer sur tes lauriers, tu dois grandir, voilà ce qu’on t’a dit, tu dois grandir chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Ajouter, ajouter toujours de nouvelles cellules. Et tu as obéi, tu as grandi. Des milliers, des millions de fois ta taille initiale, un grain de sable devenu galaxie. Enfin tu as vu le bout du tunnel. Tu es sorti à l’air libre, complet, complexe, un monde à toi tout seul, avec ton cerveau à toi, ton cœur et tes poumons perso. C’est toi qui avais fait tout ça, tu n’étais pas peu fier. Tu pensais que cette fois, c’était fini, tu allais pouvoir te poser, te reposer. Eh bien non, on t’a dit « tu te figures quoi, que tu vas te prélasser au soleil sans rien faire ? Ça n’est qu’un début, tu n’es rien, une larve, tu dois grandir, à chaque seconde, à chaque micro seconde. Mange ta soupe, c’est l’honneur de la famille qui est en jeu, on ne veut pas d’un nabot. Grandir ou mourir, grandir pour se dépasser, battre ses propres records. Alors chaque année, ta mère te soumettait au rituel de la toise. Quelle angoisse, là, aligné contre le mur, face à son regard scrutateur. Comme si ses yeux étaient les canons d’un peloton d’exécution. Derrière, tes petits frères et petites sœurs te talonnaient. Tu ne vas quand même pas te laisser dépasser, disait ta mère, ce serait la honte. Et chaque année, tu gagnais un centimètre, deux centimètres. Un gagne -petit, tu faisais le minimum, péniblement tu arrivais à battre ton propre record de l’année précédente. Tu étais arrivé à 1m 95. A l’examen médical, le toubib a dit « Il a fini sa croissance, il peut s’arrêter » Ouf, enfin, pas trop tôt ! Stop, pouce, j’arrête tout, je jette l’ancre et l’éponge en même temps.
Eh là, a dit ton père, pas encore, passe ton bac d’abord !
Et voilà pourquoi tu es là, stylo en l’air, peur au ventre, à attendre le départ de la nouvelle compétition, une de plus et sûrement pas la dernière.
Le stress, un SS, son fouet cingle l’air, tu es sa chose, son esclave.
Tu es là, devant ta copie, le stylo en suspens, en suspense. Le stress s’est infiltré dans tes cellules, une toxine qui empoisonne ton sang.
Des examens, toujours des examens, toujours être le meilleur toujours le regard des autres pour te jauger, t’ausculter, t’évaluer, mesurer ta progression. Chaque fois on croit qu’on va pouvoir s’arrêter et non, ça continue. Ça a commencé de bonne heure, souviens-toi, de très bonne heure, à la première heure.
Grandir, souviens-toi c’est un engagement que tu as pris quand tu étais spermatozoïde. Ah tu as appris une belle leçon cette fois là. Tu étais le vainqueur, tu avais donné toute ton énergie. On était des milliers dans la course, un seul survivrait. Le premier stress. A côté, les combats de gladiateurs, c’était des jeux de bac à sable. Tu as répondu présent, tu as tout donné, tu avais un mental d’enfer. Tu as gagné, tu as gagné le repos du guerrier. Tu as cru que maintenant c’était fini le stress. Pas du tout. Pas question de te reposer sur tes lauriers, tu dois grandir, voilà ce qu’on t’a dit, tu dois grandir chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Ajouter, ajouter toujours de nouvelles cellules. Et tu as obéi, tu as grandi. Des milliers, des millions de fois ta taille initiale, un grain de sable devenu galaxie. Enfin tu as vu le bout du tunnel. Tu es sorti à l’air libre, complet, complexe, un monde à toi tout seul, avec ton cerveau à toi, ton cœur et tes poumons perso. C’est toi qui avais fait tout ça, tu n’étais pas peu fier. Tu pensais que cette fois, c’était fini, tu allais pouvoir te poser, te reposer. Eh bien non, on t’a dit « tu te figures quoi, que tu vas te prélasser au soleil sans rien faire ? Ça n’est qu’un début, tu n’es rien, une larve, tu dois grandir, à chaque seconde, à chaque micro seconde. Mange ta soupe, c’est l’honneur de la famille qui est en jeu, on ne veut pas d’un nabot. Grandir ou mourir, grandir pour se dépasser, battre ses propres records. Alors chaque année, ta mère te soumettait au rituel de la toise. Quelle angoisse, là, aligné contre le mur, face à son regard scrutateur. Comme si ses yeux étaient les canons d’un peloton d’exécution. Derrière, tes petits frères et petites sœurs te talonnaient. Tu ne vas quand même pas te laisser dépasser, disait ta mère, ce serait la honte. Et chaque année, tu gagnais un centimètre, deux centimètres. Un gagne -petit, tu faisais le minimum, péniblement tu arrivais à battre ton propre record de l’année précédente. Tu étais arrivé à 1m 95. A l’examen médical, le toubib a dit « Il a fini sa croissance, il peut s’arrêter » Ouf, enfin, pas trop tôt ! Stop, pouce, j’arrête tout, je jette l’ancre et l’éponge en même temps.
Eh là, a dit ton père, pas encore, passe ton bac d’abord !
Et voilà pourquoi tu es là, stylo en l’air, peur au ventre, à attendre le départ de la nouvelle compétition, une de plus et sûrement pas la dernière.
Dernière édition par tobermory le Ven 20 Juin - 17:52, édité 1 fois
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Compétition
Les bras m'en tombent: ce texte est brillantissime. Mais comment tu fais?
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Compétition
Charlotte a raison
Quel récit depuis le combat du spermatozoïde jusqu'au bac, en passant par la toise.....d'aventures, en aventures, quelle plume !
Quel récit depuis le combat du spermatozoïde jusqu'au bac, en passant par la toise.....d'aventures, en aventures, quelle plume !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Compétition
Encore un excellent texte, quelle plume Tober Et j'adore la dernière phrase
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Compétition
La vie comme un combat. Sûr que si on savait tout ça avant de naître, on y réfléchirait à deux fois avant de choisir d'exister (si la chose était possible....)
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: Compétition
Superbe texte, qui montre bien le stress qui occupe nos vies.
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Compétition
Qu'ajouter aux commentaires précédents? Si ce n'est que j'adore ce texte
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Compétition
Merci pour vos commentaires !
Charlotte a écrit: Les bras m'en tombent: ce texte est brillantissime. Mais comment tu fais?
C’est juste de l’autobiographie…
Quand même, j’ai été plus malin que ce narrateur : j’ai réussi à m’arrêter très largement avant 1m 95^^
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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