La semaine de Cupidon

Ce jour-là Cupidon
Se sentait plein d’ambition
Il voulait voir dans la semaine
Trois couples célébrer leur hymen :
Le coq O’Rico avec poulette Œufs-doxie
Le renard Panach’ avec Renarde Foxie.
Enfin Jehan, gars d’une extraction vile
Avec damoiselle Edith, une bobo de la ville.

Les poitrails musculeux du coq, du goupil, du garçon
Etaient cibles faciles, Cupidon les atteignit sans façon.
Il en fut autrement pour les trois prétendues promises
Si fluettes que notre Eros les ratait et en piquait sa crise.
Avec pour conséquence trois mâles en male peine
Qui point ne parvenaient à conquérir leur reine,
Chacune exigeant de chacun
Un exploit qui sorte du commun.

Œufs-Doxie voulait que Coq O’Rico pose sous son plumard
Une descente de lit en pure peau de renard
La rouquine Foxie n’épouserait Panach’
Que s’il lui apportait, débité à la hache
La dépouille d’O Rico, volaille redoutable
Tapi dans une basse-cour quasi inexpugnable.
Quand à Edith elle soumettait le don de son amour
A l’achat par Jehan des plus somptueux atours.

Désespéré, Panach’ le premier se lança;
Vers le repaire du terrible coq il se glissa.
Chacun voulant estourbir l’autre
Ils jouèrent les bons apôtres.
Attendant que leur muse
Leur inspire quelque ruse,
Ils se jurèrent immortelle et virile amitié
Avec force caresses, museau contre bréchet.

De là haut Cupidon veillant à son poste de guet
S’écria en fureur « Ah non, pas de mariage gay ! »
Et de sa main tremblante une flèche s’échappa
Mortelle celle-là, qui les deux lascars étripa

Jehan passant par là  trouva leurs dépouilles occises
Et put ainsi offrir à sa belle indécise
Une cape flamboyante de somptueuse  de fourrure
Assortie de plumes colorées achevant la parure.

Bientôt d’Edith et de Jehan on célébra la noce,
Où la chair d’O’Rico fut rongée jusqu’à l’os ;

Cupidon en personne tira la morale de l’histoire :

L’amour est chose aléatoire
Trois rencontres et juste un seul mariage
Pas si mal pour un si difficile ouvrage.