Spectacle permanent

Si mes yeux brillent c’est devant le spectacle de la Nature.

Oh, pas le grand spectacle qui pousse à s’extasier, par exemple, devant les paysages grandioses du Cañon du Colorado, ni devant les draperies somptueuses d’une aurore boréale, ni même face à la fureur d’un océan déchaîné. Non, ce qui fait briller mes yeux, c’est le spectacle ordinaire, accessible chaque jour, tout au long de l’année, à celui qui sait regarder.

En fin d’après-midi d’été, signe avant-coureur d’orage, la lente croissance des dangereux cumulonimbus dans le bleu pur du ciel, D’une blancheur éblouissante, tels une crème fouettée géante, ils gagnent des hauteurs incroyables, s’enflent, se boursouflent, dérivent lentement…

Entre les îles de l’estuaire, le cours paresseux de la Garonne, piqueté de mouettes et d’oiseaux pêcheurs. Courant alternatif au rythme des marées…

Comme porté par une musique silencieuse, le vol fluide de milliers d’étourneaux dont le nuage s’étire, se resserre, se dilate à nouveau en d’harmonieuses figures synchronisées …

La danse gracieuse du chat et du papillon aventureux qui volte et virevolte pour échapper à la patte de velours capable de se transformer, en un éclair, en arme redoutable…
 
Par un matin d’automne tout ouatiné de brume, la toile de l’épeire diadème emperlée de rosée …

L’insignifiance de la graine de coquelicot qui donnera, avec la multitude de ses semblables, de si beaux champs de fleurs…

De l’infiniment grand à l’infiniment petit, je traque ces merveilles innombrables ! C’est pour ça que mes yeux brillent.