A mes compagnes d'antan
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Gaia
Escandélia
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A mes compagnes d'antan
"Si mes yeux brillent, c'est pour ça" : pourtant je n’ose vous en parler.
Il me revient de mon enfance l’histoire de cette Roussette, une grande rousse au poil frisé qui me disait-on avait sauvé du loup le pauvre Plampougnis *. Elle était dans notre étable, à la dernière place tout près du mur du fond. Détachée la dernière pour aller au champ, elle était la plus patiente, la plus docile aussi.
Un jour, mon père tomba malade. S’étant récemment mécanisé, de son tracteur, ses champs il ne pouvait plus labourer. Ma mère se mit en tête de dresser* notre Roussette. Nous partîmes sur les chemins, ma sœur et moi, elle, une corde, moi, un bâton de merisier, notre vache solidement attachée, histoire de l’habituer à marcher suivant le pas.
Arrivée au champ, la Roussette se mit à brouter tranquillement la folle avoine qui repoussait. Nous eûmes toutes les peines du monde à la faire avancer. Elle ne fut point habituée au joug, par manque de temps, maman y renonça. Mais la complicité que nous créâmes avec cette vache, longtemps demeura. Elle ne donnait son lait à personne d’autre que nous. Si nous n’étions pas là, elle restait sans traire plutôt que de satisfaire un inconnu.
Sur les chemins de campagne, elle fermait la marche, c’est elle qui ramenait tout le monde au bercail, nous n'avions pas besoin de berger, elle retrouvait son étable sans que personne n’ai besoin de lui demander.
Une autre de nos compagnes d’enfance s’appelait Jacade. Grosse ferrandaise, pigée de blanc, sa robe rouge acajou luisait sous le soleil lorsque nous la mettions au pré. Passive au joug, docile au champ, elle l’était beaucoup moins au pâturage, surtout si celui-ci était truffé de joncs. Que de courses folle avons-nous du mener pour la rattraper, éviter qu’elle ne se sauve entrainant, affolé le reste du troupeau !
Cette vache merveilleuse, ma sœur, toute petite, la prenait par une oreille et la conduisait comme un enfant. Elle la suivait tranquillement. Elle marchait à sa suite sans se poser de question. On dit que les vaches n’ont pas d’âme, mais on le disait aussi des femmes à une époque où les hommes partaient en croisade, laissant aux sans âme le soin de cultiver leurs champs.
Elles ont des sentiments qu’elles nous expriment, elles sont dévouées et fidèles. Bien mieux que nous, elles savent deviner le temps, s’orienter sur la lande, chercher leur nourriture. Elles peuvent vire sans nous. Sans elles, le pourrions-nous ?
Je pourrais être intarissable si je devais à toutes rendre un hommage.
Mon grand père m'a transmis l'amour qu'il leur portait. Il avait pour elles le plus profond respect. J'aimais profondément cet homme, qui de ses histoires me berçait.
Sa Jacade et sa Charmante sont restées encrées dans ma mémoire, jamais je ne les oublierai.
Elles nous ont nourris depuis les temps les plus reculés. Elles ont permis à tant d’enfants pauvres de ne pas mourir de faim. Elles ont tracé dans nos campagnes les profonds sillons de notre bonheur. Le laboureur tenant le manche de son brabant a creusé droit suivant leurs pas.
Elles nous aimaient. La confiance qu’elles nous offraient les plaçait au même rang que n’importe lequel d’entre nous. Elles faisaient partie de la famille, et c’est pour ça que mes yeux brillent.
Il me revient de mon enfance l’histoire de cette Roussette, une grande rousse au poil frisé qui me disait-on avait sauvé du loup le pauvre Plampougnis *. Elle était dans notre étable, à la dernière place tout près du mur du fond. Détachée la dernière pour aller au champ, elle était la plus patiente, la plus docile aussi.
Un jour, mon père tomba malade. S’étant récemment mécanisé, de son tracteur, ses champs il ne pouvait plus labourer. Ma mère se mit en tête de dresser* notre Roussette. Nous partîmes sur les chemins, ma sœur et moi, elle, une corde, moi, un bâton de merisier, notre vache solidement attachée, histoire de l’habituer à marcher suivant le pas.
Arrivée au champ, la Roussette se mit à brouter tranquillement la folle avoine qui repoussait. Nous eûmes toutes les peines du monde à la faire avancer. Elle ne fut point habituée au joug, par manque de temps, maman y renonça. Mais la complicité que nous créâmes avec cette vache, longtemps demeura. Elle ne donnait son lait à personne d’autre que nous. Si nous n’étions pas là, elle restait sans traire plutôt que de satisfaire un inconnu.
Sur les chemins de campagne, elle fermait la marche, c’est elle qui ramenait tout le monde au bercail, nous n'avions pas besoin de berger, elle retrouvait son étable sans que personne n’ai besoin de lui demander.
Une autre de nos compagnes d’enfance s’appelait Jacade. Grosse ferrandaise, pigée de blanc, sa robe rouge acajou luisait sous le soleil lorsque nous la mettions au pré. Passive au joug, docile au champ, elle l’était beaucoup moins au pâturage, surtout si celui-ci était truffé de joncs. Que de courses folle avons-nous du mener pour la rattraper, éviter qu’elle ne se sauve entrainant, affolé le reste du troupeau !
Cette vache merveilleuse, ma sœur, toute petite, la prenait par une oreille et la conduisait comme un enfant. Elle la suivait tranquillement. Elle marchait à sa suite sans se poser de question. On dit que les vaches n’ont pas d’âme, mais on le disait aussi des femmes à une époque où les hommes partaient en croisade, laissant aux sans âme le soin de cultiver leurs champs.
Elles ont des sentiments qu’elles nous expriment, elles sont dévouées et fidèles. Bien mieux que nous, elles savent deviner le temps, s’orienter sur la lande, chercher leur nourriture. Elles peuvent vire sans nous. Sans elles, le pourrions-nous ?
Je pourrais être intarissable si je devais à toutes rendre un hommage.
Mon grand père m'a transmis l'amour qu'il leur portait. Il avait pour elles le plus profond respect. J'aimais profondément cet homme, qui de ses histoires me berçait.
Sa Jacade et sa Charmante sont restées encrées dans ma mémoire, jamais je ne les oublierai.
Elles nous ont nourris depuis les temps les plus reculés. Elles ont permis à tant d’enfants pauvres de ne pas mourir de faim. Elles ont tracé dans nos campagnes les profonds sillons de notre bonheur. Le laboureur tenant le manche de son brabant a creusé droit suivant leurs pas.
Elles nous aimaient. La confiance qu’elles nous offraient les plaçait au même rang que n’importe lequel d’entre nous. Elles faisaient partie de la famille, et c’est pour ça que mes yeux brillent.
*le plampougnis était une version auvergnate du conte "Tom Pouce". Cela signifie tout petit, pas plus grand que le pouce.
*dresser une vache : lui apprendre à travailler au joug.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A mes compagnes d'antan
Moi qui voyais les vaches comme des des animaux lourdeaux et pas bien intéressants...
J'ai été surpris, au début, de penser que tes yeux pouvaient briller pour des vaches, mais au fil de la lecture, j'ai pu me raviser.
A quand le droit de vote pour les vaches ?
J'ai été surpris, au début, de penser que tes yeux pouvaient briller pour des vaches, mais au fil de la lecture, j'ai pu me raviser.
A quand le droit de vote pour les vaches ?
Gaia- Kaléïd'habitué
- Humeur : La patate !
Re: A mes compagnes d'antan
Gaïa, le jour où les vaches voteront, le monde cessera de tourner à l'envers et de nous rendre fou !
Il n'y aura plus de fermes industrielles comme celle des mille vaches, plus de farines animales pour nous empoisonner, plus de lait en poudre contaminé. Les fromages retrouveront leur véritable gout. Nous pourrons
savourer à loisir des produits naturels en posant nos fesses sur des canapés sans cuir allergène. Mais pour tout ça, il faudrait que l'homme ait une âme et... un cerveau à la place d'un porte feuille côté en bourse !
Il n'y aura plus de fermes industrielles comme celle des mille vaches, plus de farines animales pour nous empoisonner, plus de lait en poudre contaminé. Les fromages retrouveront leur véritable gout. Nous pourrons
savourer à loisir des produits naturels en posant nos fesses sur des canapés sans cuir allergène. Mais pour tout ça, il faudrait que l'homme ait une âme et... un cerveau à la place d'un porte feuille côté en bourse !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A mes compagnes d'antan
Plus de babybel ?
Il faudrait aussi que l'homme sache partager, tant avec les autres hommes qu'avec les animaux qu'il exploite.
Un sacré défi.
Il faudrait aussi que l'homme sache partager, tant avec les autres hommes qu'avec les animaux qu'il exploite.
Un sacré défi.
Gaia- Kaléïd'habitué
- Humeur : La patate !
Re: A mes compagnes d'antan
Gaïa a écrit:Plus de babybel ? Sad
et plus de mi mollette !fini le fromage de Hollande !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A mes compagnes d'antan
Escandélia a écrit:
et plus de mi mollette !fini le fromage de Hollande !
Hum... une allusion a ceux qui feraient leur fromage de la politique ?
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A mes compagnes d'antan
Tu as bien fait d'oser en parler même si le titre induit en erreur.
Déjà, il y a quelques mois tu nous avais parlé de ton amour pour elles ! La vache ! C'est l'amour vache au sens éthymologique du terme !
Je suis une fille de la ville, je ne comprends pas bien, mais je me délecte d'un texte pareil, fallait le faire, Escandelia !
Déjà, il y a quelques mois tu nous avais parlé de ton amour pour elles ! La vache ! C'est l'amour vache au sens éthymologique du terme !
Je suis une fille de la ville, je ne comprends pas bien, mais je me délecte d'un texte pareil, fallait le faire, Escandelia !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A mes compagnes d'antan
Ton texte m'a renvoyée dans un pré où, avec ma soeur, nous allions voir les vaches, nous leur donnions un prénom et montions même dessus et le soir nous aidions à la traite, à la main bien entendu
Tu devrais écrire un livre Delia, tu devrais raconter ton enfance dans un livre, il y a tellement de passion dans tes mots, de passion pour cette vie d'antan que ton livre ne pourrait qu'être beau, et ce texte y figurerai sûrement
Tu devrais écrire un livre Delia, tu devrais raconter ton enfance dans un livre, il y a tellement de passion dans tes mots, de passion pour cette vie d'antan que ton livre ne pourrait qu'être beau, et ce texte y figurerai sûrement
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A mes compagnes d'antan
Admin elle a mal conjugué un verbe-euh ! :p
Gaia- Kaléïd'habitué
- Humeur : La patate !
Re: A mes compagnes d'antan
Oui, c'est vrai, autant pour moi.
Mais dans les coms on a le droit de faire tout qu'est-ce qu'on veut daborre
Mais dans les coms on a le droit de faire tout qu'est-ce qu'on veut daborre
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A mes compagnes d'antan
Oh merci. Concernant mes vaches, rien ne peut plus me toucher que vos mots chaleureux.
Admin, sérieux quand tu dis que je pourrais écrire un livre ? Je me souviens aussi de cet épisode que tu racontes dans le tien et auquel tu fais allusion. Vous aviez appelé une vache Poubelle, car elle mangeait tout ce qu'elle trouvait. Moi je trouvais que ce n'était pas un nom digne d'une vache, mais elles ont tellement enduré pires châtiments depuis, et vous n'y êtes pour rien, qu'après tout elle vous pardonnerait sans doute cette pauvre vache !
Tober : tu sais même lire entre les lignes, je te redonne 20 sur 10 !
Gaïa : pourquoi tu caftes ,
Amanda : tu as surement aussi de très beaux souvenirs, d'ailleurs quand tu en partages ici avec nous, c'est aussi très beau de te lire.
j'espère que je m'exprime correctement, sinon gare, Gaïa va me gronder.
Admin, sérieux quand tu dis que je pourrais écrire un livre ? Je me souviens aussi de cet épisode que tu racontes dans le tien et auquel tu fais allusion. Vous aviez appelé une vache Poubelle, car elle mangeait tout ce qu'elle trouvait. Moi je trouvais que ce n'était pas un nom digne d'une vache, mais elles ont tellement enduré pires châtiments depuis, et vous n'y êtes pour rien, qu'après tout elle vous pardonnerait sans doute cette pauvre vache !
Tober : tu sais même lire entre les lignes, je te redonne 20 sur 10 !
Gaïa : pourquoi tu caftes ,
Amanda : tu as surement aussi de très beaux souvenirs, d'ailleurs quand tu en partages ici avec nous, c'est aussi très beau de te lire.
j'espère que je m'exprime correctement, sinon gare, Gaïa va me gronder.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A mes compagnes d'antan
Lundi matin je suis restée plus d'une heure en tête à tête avec une vache: je crois qu'elle méditait. Immobile, elle avait le regard agrippé aux lointains, elle ne broutait pas, ne bougeait presque pas - hormis la queue pour chasser les mouches - . Immobile je l'étais aussi et je sentais une grande paix me gagner assise dans mon jardin et elle dans le pré juste derrière qui le surplombe. Elle ne s'est pas détournée de sa contemplation même lorsqu'un oiseau s'est faufilé entre ses pattes. Ce fut une belle leçon de méditation!
Alors bien sûr ton texte me ravit
Alors bien sûr ton texte me ravit
Bruyère- Kaléïd'habitué
- Humeur : apaisée
Re: A mes compagnes d'antan
Merci Bruyère pour ce témoignage. Il renforce bien l'idée que les vaches ont une âme, et quelle patience ! Comme toi, je me sens plus sereine en leur compagnie, il émane d'elle une grande sensibilité. Elles me rassurent. Près d'elle j'oublie tout, ne pensant qu'à savourer l'instant présent.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A mes compagnes d'antan
Gaia a écrit:Admin elle a mal conjugué un verbe-euh ! :p
Et toi, tu as oublié le M à Meuh !
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A mes compagnes d'antan
Je ne sais pas si les vaches ont une âme (et nous ?) mais je n’ai aucun doute qu’elles éprouvent des sentiments. Ton texte est bien raconté dès la prétérition du début et comme toujours il a le parfum du terroir garanti.
Elles ont tracé dans nos campagnes les profonds sillons de notre bonheur : joli raccourci !
Ce texte me rappelle que l'an dernier, j’ai vu en dvd un très beau film : « Bovines ou la vraie vie des vaches ».
Elles ont tracé dans nos campagnes les profonds sillons de notre bonheur : joli raccourci !
Ce texte me rappelle que l'an dernier, j’ai vu en dvd un très beau film : « Bovines ou la vraie vie des vaches ».
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A mes compagnes d'antan
Ah ça, tu les aimes, les vaches ! Tu as bien raison : elles faisaient partie de notre enfance puisque nous vivions au milieu d'elles. Aujourd'hui, elles sont parquées et à demi sauvages parce qu'elles ne côtoient presque plus les hommes. Et le bouquet : elles n'ont plus de cornes les malheureuses. C'est comme si on nous enlevait la chevelure à nous, les humains.
Mais dis moi Escandélia : tu en manges de la vache ? Laquelle a la meilleure viande ? La ferrandaise ou la limousine ?
Mais dis moi Escandélia : tu en manges de la vache ? Laquelle a la meilleure viande ? La ferrandaise ou la limousine ?
Invité- Invité
Re: A mes compagnes d'antan
oui je mange de la viande, mais je m'arrange pour que ce soit du boeuf ou du taureau ! la meilleure ? Je n'ai pas mangé de Ferrandaise depuis longtemps, il parait que sa viande est persillée, comme celle de la Salers. Pour moi, la meilleure viande c'est incontestablement la Limousine.Yvanne a écrit:tu en manges de la vache ? Laquelle a la meilleure viande ? La ferrandaise ou la limousine ? La sortie
j'ai vu le film quand il est sorti il y a 2 ou 3 ans. C'est vrai qu'il est très bien construit et que toute la place est réservée aux vaches, comme dans les champs !Tober a écrit:j’ai vu en dvd un très beau film : « Bovines ou la vraie vie des vaches ».
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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