W 10529
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Tous ceux qui se souviennent de Nola diront qu'elle était une jeune fille merveilleuse.
J’ai longtemps pensé à elle. Après le drame, nous eûmes beaucoup de mal à accepter l’inacceptable. A nos yeux, tout le village devint suspect. Nous sûmes bien des années plus tard la cause de son drame.
Lorsqu’elle arriva au pays, longeant les haies pour ne pas attirer l’attention, nous l’avons regardé comme une bête curieuse. Traquée ! Elle était traquée. Nous l’avons, mon frère et moi accompagnée à la ferme de nos grand- parents.
Elle resta longtemps le regard dans le vide. Hébétée. Perdue au milieu de ces étrangers. Grand-mère lui tendit un bol de lait, qu’elle but d’un trait. Peu à peu, son visage se détendit. Elle esquissa un sourire. Dans une langue inconnue, elle balbutia quelques paroles de remerciement. A sa mine, nous comprîmes qu’elle fuyait un grand danger.
Les jours passèrent. Nous étions en novembre. Une paix intérieure semblait s’être installée chez la jeune fille. Avec nous, sa vie reprenait cours. Elle riait parfois de nos chamailleries.
Les longues soirées d’hiver, grand-mère lui apprenait à tricoter. Quand vint Noël, Nola voulut nous préparer un repas comme là-bas, nous dit-elle : carottes rappées, poulet pané et pommes cannelle. A la fin du repas, elle entonna un chant à la gloire d’Hanouka. Toute la famille écouta avec recueillement cette si belle voix.
Nola paraissait heureuse parmi nous. Elle parlait à présent quelques mots d’un français imparfait, mais nous la comprenions et elle savait se faire entendre.
Puis vint le printemps. Nola découvrait avec joie la nature qui s’éveillait et avec elle, le miracle de la vie. Chaque évènement était un enchantement. Avec les grosses chaleurs de juillet, revinrent les gros travaux de la moisson. Nola se prêtait de bon cœur à la corvée du battage. Ses bras menus s’agitaient au rythme du fléau.
Lorsque qu’elle apprit la rafle du Vel d’hiv, elle fut prise de panique et trembla de tous ses membres. Elle devint blême. Son corps fut secoué d’interminables sanglots. Grand-mère la pris dans ses bras lui assurant qu’ici elle ne risquait rien, qu’elle était dans une bonne maison.
C’était un mardi, Nola ne revint pas du marché. Ce jour-là, une algarade eut lieu entre résistants et miliciens. Des hommes furent abattus, d’autres firent un long voyage vers l’est.
C’est en leur compagnie, que Nola fit dans ce train W 10529 son plus long et son dernier voyage.
J’ai longtemps pensé à elle. Après le drame, nous eûmes beaucoup de mal à accepter l’inacceptable. A nos yeux, tout le village devint suspect. Nous sûmes bien des années plus tard la cause de son drame.
Lorsqu’elle arriva au pays, longeant les haies pour ne pas attirer l’attention, nous l’avons regardé comme une bête curieuse. Traquée ! Elle était traquée. Nous l’avons, mon frère et moi accompagnée à la ferme de nos grand- parents.
Elle resta longtemps le regard dans le vide. Hébétée. Perdue au milieu de ces étrangers. Grand-mère lui tendit un bol de lait, qu’elle but d’un trait. Peu à peu, son visage se détendit. Elle esquissa un sourire. Dans une langue inconnue, elle balbutia quelques paroles de remerciement. A sa mine, nous comprîmes qu’elle fuyait un grand danger.
Les jours passèrent. Nous étions en novembre. Une paix intérieure semblait s’être installée chez la jeune fille. Avec nous, sa vie reprenait cours. Elle riait parfois de nos chamailleries.
Les longues soirées d’hiver, grand-mère lui apprenait à tricoter. Quand vint Noël, Nola voulut nous préparer un repas comme là-bas, nous dit-elle : carottes rappées, poulet pané et pommes cannelle. A la fin du repas, elle entonna un chant à la gloire d’Hanouka. Toute la famille écouta avec recueillement cette si belle voix.
Nola paraissait heureuse parmi nous. Elle parlait à présent quelques mots d’un français imparfait, mais nous la comprenions et elle savait se faire entendre.
Puis vint le printemps. Nola découvrait avec joie la nature qui s’éveillait et avec elle, le miracle de la vie. Chaque évènement était un enchantement. Avec les grosses chaleurs de juillet, revinrent les gros travaux de la moisson. Nola se prêtait de bon cœur à la corvée du battage. Ses bras menus s’agitaient au rythme du fléau.
Lorsque qu’elle apprit la rafle du Vel d’hiv, elle fut prise de panique et trembla de tous ses membres. Elle devint blême. Son corps fut secoué d’interminables sanglots. Grand-mère la pris dans ses bras lui assurant qu’ici elle ne risquait rien, qu’elle était dans une bonne maison.
C’était un mardi, Nola ne revint pas du marché. Ce jour-là, une algarade eut lieu entre résistants et miliciens. Des hommes furent abattus, d’autres firent un long voyage vers l’est.
C’est en leur compagnie, que Nola fit dans ce train W 10529 son plus long et son dernier voyage.
Dernière édition par Escandélia le Sam 25 Oct - 10:16, édité 2 fois
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: W 10529
C'est poignant Délia . Merci pour ce moment de lecture très émouvant
( Nola avec une seul "l" )
( Nola avec une seul "l" )
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: W 10529
Comme déjà dit par Admin, très poignant. Encore un récit dramatique de guerre, un récit qui m'a beaucoup touché.
Petite remarque sous forme de question, si j'ose; un peu plus d'espace entre les paragraphes pour faciliter la lecture?
Et surtout, Merci Escandélia d'avoir participer encore à cette consigne
Petite remarque sous forme de question, si j'ose; un peu plus d'espace entre les paragraphes pour faciliter la lecture?
Et surtout, Merci Escandélia d'avoir participer encore à cette consigne
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: W 10529
Merci Train. J'ai tenu compte de ta remarque et ai réédité mon texte. J'ai aussi enlevé un "l" à Nola (elle ne pouvait pas s'envoler de toutes façons ! ) pour tenir compte de la remarque faite par Admin.
Comme je l'ai écrit chez Cassy, justement, cette consigne m'inspirait la déportation. Tu peux te douter que je n'envisageais pas de ne pas y participer. Je me suis aussi efforcée de lire tous les textes et de les commenter. Je sais que cela n'apporte pas grand chose aux autres, mais je tiens à marquer mon intérêt et aussi mon respect pour l'autre, même si ce n'est pas toujours, même si ce n'est pas systématique, dans la mesure où c'est possible et de mes modestes moyens, c'est la seule façon que j'ai trouvé.
Comme je l'ai écrit chez Cassy, justement, cette consigne m'inspirait la déportation. Tu peux te douter que je n'envisageais pas de ne pas y participer. Je me suis aussi efforcée de lire tous les textes et de les commenter. Je sais que cela n'apporte pas grand chose aux autres, mais je tiens à marquer mon intérêt et aussi mon respect pour l'autre, même si ce n'est pas toujours, même si ce n'est pas systématique, dans la mesure où c'est possible et de mes modestes moyens, c'est la seule façon que j'ai trouvé.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: W 10529
Et je t'en remercie Delia. Je t'ai trouvé très courageuse hier, car tu as passé beaucoup de temps ici à lire et commenter tous les textes que tu avais en retard. Je sais que ça prend énormément de temps, mais je ne conçois pas un atelier d'écriture où on écrirait sans aller lire les autres, et encore moins commenter.C'est important de le faire. On sait comme le regard du lecteur est important pour les écrivains (qu'ils soient en herbe, comme nous, ou pas ) Donc Merci
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
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