Chère Charlotte

Chère Charlotte,
C’est mon anniversaire  aujourd’hui, je suis bien contente, j’ai 14 ans , l’âge d’avoir  acquis enfin  le droit de porter  un soutien gorge alors que j’ai des seins depuis longtemps mais  çà, personne ne le remarque, même pas  les deux sœurs aînées et encore moins Maman.

Alors que depuis 2 ans  ils poussent  vachement sous ma chemise.
D’une légère boursoufflure c’est passé au stade  de  mandarine pour arriver à la taille d’une orange  .Et personne pour admirer  et encourager  cette visible et évidente  évolution féminine  sauf moi toute seule  devant le miroir de la salle de bain.

Ce n’est pas parce qu’ avec mes airs de  garçon manqué, j’aime grimper dans les arbres et monter à cheval comme un cowboy que je n’en suis pas pour autant  une jeune fille heureuse de l’être  et qui en plus a  déjà ses règles depuis plus d’un an. Oui, Madame, c’est normal ! ( Dixit Docteur G. à Maman !)
J’avais bien trouvé dans l’armoire à provisions d’habits, les anciens soustifs de sœurs aînée . J’en avais même essayé un, il m’allait comme un gant. Mais je m’étais fait engueuler par l’autorité maternelle : je n’avais pas le droit de disposer ainsi en cachette  de vêtements réservés à  mon avenir. J’aurais du demander la permission.
Enfin je n’en suis pas morte puisque je suis aujourd’hui, ici, à t’ écrire.

Pour mes 14 ans,  j’ai le droit de porter aussi  des bas de nylon. Cà, c’est le top mais là encore sous certaines conditions : Pas à l’école . C’est ce qu’on va voir…
C’est  trop la honte d’ y aller  avec des chaussettes ou bas de laine  d’enfant . C’est bon pour les élèves de primaire mais moi je suis chez les grandes et quasi toutes les filles de ma classe portent des bas de nylon. Maman n’est pas d’accord , elle  me le permet  seulement pour les jours de fêtes et le dimanche à la messe !  
Mais j’ai trouvé un truc. Je les cache dans mon cartable et je les enfile après mon arrivée  à l’école dans les toilettes et  à 4 heures  je remets les moches chaussettes   pour retourner à la maison avec un nouveau détour  vite fait bien fait par les toilettes !
Qu’est ce que je me marre.
Voilà comment je me débrouille pour faire ce que je décide  de mieux pour moi. Maman ne  découvre jamais rien   de mon stratagème.

Voilà où je veux en venir chère Charlotte.
Q uand tu seras tout à fait grande, quand tu seras mariée  , quand tu auras des enfants, quand tu auras une fille,  sois bien  attentive  car  tu sais toi  qu’une fille cela pousse  très vite  ,( plus vite que les garçons) et dès que tu verras poindre sur leur poitrine  de jolis petits bouts de  nichons prometteurs, (faut pas attendre son anniversaire) prends  ta fille par la  main et va faire avec elle les magasins pour lui acheter ce qui lui convient de mieux .
Pour tout le reste , je te fais entièrement confiance, tu as de qui tenir.
De moi of course…
P.S. N’oublie jamais mon anniversaire !

Et achète une provision de bas nylon, car ils filent vite !!!!

Je me retrouve dans ton texte, sauf que mes seins ont mis plus de temps à pousser.

Ce que j'aime dans ton texte c'est qu'il respire la joie de vivre et le bonheur !

Tu as donc été une petite fille, une ado ensuite bien contente, quoique parfois un peu râleuse.

Je te retrouve dans la belle personne que tu es devenue !

Ne change rien, Charlotte !

C'est marrant la façon dont tu as traité la consigne, en la consacrant à la transformation physique de la petite fille que tu étais en jeune fille et au (seul) conseil que tu donnes à la femme que tu es devenue. Je trouve ça très original

Oui, bien sûr pour un garçon qui, malgré les années, est toujours aussi ignorant    de la gent féminine, ce texte est difficile à commenter  . Cependant, j'entends encore les discussions entendues à la dérobée entre mon aînée de deux ans, une grande soeur et la maman qui ne voyait pas en quoi pouvaient être utile , dans le trousseau pour le Centre d'Apprentissage, des soutien-gorges pour la frangine : forcément, la mère, elle avait de quoi y mettre dans le soutif contrairement à la future pensionnaire... Eh, oui, chères amies, c'est comme ça que se faisait l'information pour les petits paysans ...

Je vous le dis tout net : des vrais mystères, ces filles !!!  

Ah ! Charlotte...Tu me feras toujours rire !
Dis-moi : des armoires à provision...d'habits ?

Oui. Des ( enfin une) armoires à provisions d'habits , cad avec les habits des grands devenus trop petits pour eux et qui serviront par la suite d' habits pour les plus petits .Comme les habits étaient plus solides que ceux qu'on vend maintenant certains habits servaient à plusieurs enfants chacun à son tour !

Oui Charlotte, chez moi aussi bien sûr ça se passait comme ça. Mais c'est le terme qui m'a amusée.

Excellent !
J'ai beaucoup aimé cette manière de rendre compte des évolutions adolescentes de la jeune fille.
C'est très concret. Très évocateur de la réalité de ces années-là. Tout ce factuel révèle cependant la personnalité naissante.
À placer dans le roman de la vie ! … Que j'espère tu écriras prochainement !

Les inquiétudes de l’adolescence, mais aussi le bonheur de la chrysalide qui sort de l’enfance. C’est raconté avec beaucoup de vivacité, de drôlerie et d’allégresse. Ce que j’ai trouvé le plus drôle : les bas nylon trop sexy pour l’école, mais pas pour l’église !
Jolies comparaisons fruitières pour le plus bouleversant des atouts de la féminité.
J’aime beaucoup aussi les petites notations finales : Pour tout le reste , je te fais entièrement confiance, tu as de qui tenir.
( De moi of course…, ça me semble superflu)
Et la quasi menace du post scriptum.
Bref un texte dont la lecture rend heureux ( et qui donnerait presque envie d’avoir été une fille)

Le docteur G., c’est l’inventeur du point ?

Encore un très bon texte que tu nous offre Charlotte. Avec beaucoup d' humour, tu nous renvoies à notre adolescence, où les filles se découvraient presque femme et où la mère n'avait de cesse que de vouloir étouffer ces personnalités naissantes. Les armoires à réserve d'habits : chez moi, c'était des cartons stockés dans une des chambres. Les vêtements se transmettaient des plus vieux aux plus jeunes. On ne jetait rien. Les mères ravauder les plus endommagés et cela durait des années.

Docteur G ! l'inventeur du point G ? Je n'avais pas osé y penser, c'est vrai qu'à cet âge là je n'étais pas très instruite sur ces questions . J'ai pensé bien sagement au Cher Docteur G de Philippe Geluck