Le tracteur et la Nicou
+4
Admin
Escandélia
Amanda.
catsoniou
8 participants
Page 1 sur 1
Le tracteur et la Nicou
Pourquoi devant lui ce verre, encore et toujours ? Quelle déchéance, semblent dire les regards désabusés ! Boire jusqu'à plus soif, est-ce sa raison de vivre ? Que cherche-t-il ? La vérité est au fond du verre, dit-on. Une certitude, le fond, il est près de le toucher...
Né avec une cuillère en argent dans la bouche, Anselme Bourrier n'avait qu'à faire valoir son bien, des terres et prés qui ne demandaient qu'à fructifier. Il a mal tourné et c'est bien de sa faute, ressassent les bien-pensants. Un véritable gâchis, surenchérissent ses anciens amis. Amis ? Non, plutôt des sangsues qui hier, sans vergogne, profitaient de ses largesses et lui donnent le coup de pied de l'âne.
Tiens, le François, par exemple :
- Laisse-moi donc les terres du Coudert. J'y planterai la vigne. Je te paierai fermage à la Saint-Jean, ça te rapportera plus que tes quatre brebis.
En lui apportant un tonneau de mauvais vin en guise de location, François poursuivit son avantage :
-Ton tracteur dans la grange, il se déprécie. Je te l'emprunte, ça te débarrassera.
-Dis donc, le François, t'abuserais pas un peu ? Tu veux pas que je te prête ma femme aussi !
-Ca, je ne me le permettrais pas, répondit l'autre non sans un regard de connivence avec Nicou, l'épouse de l'Anselme.
- Allons, mon homme ! Rétorqua la madrée, cesse de dire des bêtises et sers plutôt un coup de prune au François. Tu devrais bien le lui vendre ce tracteur qui se rouille à ne rien faire ...
Des affaires de ce genre, Anselme en conclut suffisamment pour se mettre sur la paille dans un délai relativement court. D'autant que des amis tel le François, il n'en manquait pas, surtout chez la Marissou où on pouvait discuter le bout de gras en buvant son canon. Au point que sa mère, acariâtre au possible, ne cessait de l'accabler, le traitant de soulaud, bon à rien. Alors que le Jacques, son frère aîné réussissait si bien en affaires ! Pensez-donc : tous les paysans de la contrée se servaient chez lui en semences, engrais et produits phyto-sanitaires.
Il en avait sa claque, l'Anselme de son bourgeois de frère...
Celui-ci finit par prendre la décision qui, au vu de la situation, s'imposait. Il pistonna son cadet auprès du Maire qui l'embaucha en qualité de cantonnier. François, bon prince, récupéra le reste de la propriété pour un fermage raisonnable à payer à la Saint-Jean à moins que ce soit à la Saint-Glinglin.
Il arrive parfois à l'Anselme de s'interroger. Entre le frère aîné, commerçant patenté et le généreux fermier, la Nicou faisait-elle partie du marché ? Toujours est-il qu'elle a suivi le chemin du tracteur. Aucun doute, le François fait bon usage de l'un et l'autre.
Et là, Anselme philosophe : l'automne est le printemps de l'hiver. Il a encore de beaux jours devant lui, ou plus exactement un certain nombre de verres à descendre avant que les araignées du délirium tremens ne prennent le dessus sur ses neurones...
Né avec une cuillère en argent dans la bouche, Anselme Bourrier n'avait qu'à faire valoir son bien, des terres et prés qui ne demandaient qu'à fructifier. Il a mal tourné et c'est bien de sa faute, ressassent les bien-pensants. Un véritable gâchis, surenchérissent ses anciens amis. Amis ? Non, plutôt des sangsues qui hier, sans vergogne, profitaient de ses largesses et lui donnent le coup de pied de l'âne.
Tiens, le François, par exemple :
- Laisse-moi donc les terres du Coudert. J'y planterai la vigne. Je te paierai fermage à la Saint-Jean, ça te rapportera plus que tes quatre brebis.
En lui apportant un tonneau de mauvais vin en guise de location, François poursuivit son avantage :
-Ton tracteur dans la grange, il se déprécie. Je te l'emprunte, ça te débarrassera.
-Dis donc, le François, t'abuserais pas un peu ? Tu veux pas que je te prête ma femme aussi !
-Ca, je ne me le permettrais pas, répondit l'autre non sans un regard de connivence avec Nicou, l'épouse de l'Anselme.
- Allons, mon homme ! Rétorqua la madrée, cesse de dire des bêtises et sers plutôt un coup de prune au François. Tu devrais bien le lui vendre ce tracteur qui se rouille à ne rien faire ...
Des affaires de ce genre, Anselme en conclut suffisamment pour se mettre sur la paille dans un délai relativement court. D'autant que des amis tel le François, il n'en manquait pas, surtout chez la Marissou où on pouvait discuter le bout de gras en buvant son canon. Au point que sa mère, acariâtre au possible, ne cessait de l'accabler, le traitant de soulaud, bon à rien. Alors que le Jacques, son frère aîné réussissait si bien en affaires ! Pensez-donc : tous les paysans de la contrée se servaient chez lui en semences, engrais et produits phyto-sanitaires.
Il en avait sa claque, l'Anselme de son bourgeois de frère...
Celui-ci finit par prendre la décision qui, au vu de la situation, s'imposait. Il pistonna son cadet auprès du Maire qui l'embaucha en qualité de cantonnier. François, bon prince, récupéra le reste de la propriété pour un fermage raisonnable à payer à la Saint-Jean à moins que ce soit à la Saint-Glinglin.
Il arrive parfois à l'Anselme de s'interroger. Entre le frère aîné, commerçant patenté et le généreux fermier, la Nicou faisait-elle partie du marché ? Toujours est-il qu'elle a suivi le chemin du tracteur. Aucun doute, le François fait bon usage de l'un et l'autre.
Et là, Anselme philosophe : l'automne est le printemps de l'hiver. Il a encore de beaux jours devant lui, ou plus exactement un certain nombre de verres à descendre avant que les araignées du délirium tremens ne prennent le dessus sur ses neurones...
Dernière édition par catsoniou le Lun 1 Déc - 14:27, édité 2 fois
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Le tracteur et la Nicou
Portrait réussi de la déchéance d'un homme.
Portraits féroces des humanoïdes qui l'entourent : sa femme, son frère, ses pseudo-amis.
Pourquoi donc s'est-il ainsi laissé faire ? Il manquait de courage ou d'intelligence ?
Etait-il donc naïf à ce point ?
Je m'intérroge
et puis corrige vite " il en avait sa claque" et pas " ma"
Portraits féroces des humanoïdes qui l'entourent : sa femme, son frère, ses pseudo-amis.
Pourquoi donc s'est-il ainsi laissé faire ? Il manquait de courage ou d'intelligence ?
Etait-il donc naïf à ce point ?
Je m'intérroge
et puis corrige vite " il en avait sa claque" et pas " ma"
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Le tracteur et la Nicou
Merci, Amanda : des claques, il mériterait l'auteur !
Quant à la naïveté de l'Anselme, est- elle totalement issue de mon imagination ? Pas tout à fait, parce que comme souvent avec mes sujets, celui-ci est inspiré de la vie d'un gars du style d'Anselme . A ceci près qu'il était célibataire et n'a pas fini cantonnier, mais... facteur !!!
Quant à la naïveté de l'Anselme, est- elle totalement issue de mon imagination ? Pas tout à fait, parce que comme souvent avec mes sujets, celui-ci est inspiré de la vie d'un gars du style d'Anselme . A ceci près qu'il était célibataire et n'a pas fini cantonnier, mais... facteur !!!
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Le tracteur et la Nicou
Moi j'ai retrouvé dans ce texte des personnages dignes de Maupassant. Tu dis, Cats, que le personnage de l'Anselme est inspiré de la vie d'un gars dans son style, je crois que nous en connaissons tous autour de nous, parfois plusieurs.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Le tracteur et la Nicou
En effet , cet Anselme est bien naïf . Se faire avoir ainsi par son propre frère . Mais finalement cantonnier c'est pas un sot métier (dixit la fille de cantonnier !) et ton bonhomme garde le moral malgré tous ses malheurs. Naïf peut être, philosophe certainement
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Le tracteur et la Nicou
Comme Escandélia, j'ai pensé à Maupassant, celui du "Petit fût". Ton portrait de la déchéance dans l'alcoolisme est très fort.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Le tracteur et la Nicou
Des personnages très bien campés. Une façon impitoyable de définir la nature humaine avec d'un côté les profiteurs et de l'autre les bernés. Naïf l'Anselme ? Je ne le crois pas. Il a très bien compris le manège de son entourage et particulièrement celui de sa femme. Je pense plutôt qu'il est flegmatique, un peu dépassé et qu'il s'en moque. Bravo Cats ! Tu es un fin observateur du monde qui nous entoure.
Invité- Invité
Re: Le tracteur et la Nicou
Et peut etre avait il envie de la laisser partir la Nicou... pour être plus tranquille a philosopher devant son verre
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Le tracteur et la Nicou
Très bonne description d'Anselme à qui on a vraiment envie d'ouvrir les yeux. C'est pas possible de se laisser avoir comme çà.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Le tracteur et la Nicou
Une belle tranche de cynisme paysan. Aucun personnage sympathique, pas même Anselme qu’il est difficile de plaindre tellement il semble adepte du « faîtes vous-même votre malheur » ( même si les autres l’y aident bien.) J’ai d’abord cru que le François voulait lui faire le coup du « petit fût » de Maupassant, mais finalement il semble que ce soit simplement pour profiter de lui de son vivant.
Une remarque :
La vérité est au fond du verre, dit-on. Une certitude, il est près de toucher le fond...
Je pense que cette phrase serait plus percutante ainsi :
La vérité est au fond du verre, dit-on. Une certitude, le fond, il est près de le toucher
(dans le premier cas, la répétition de fond ne passe pas très bien, dans le second, elle devient expressive)
Une remarque :
La vérité est au fond du verre, dit-on. Une certitude, il est près de toucher le fond...
Je pense que cette phrase serait plus percutante ainsi :
La vérité est au fond du verre, dit-on. Une certitude, le fond, il est près de le toucher
(dans le premier cas, la répétition de fond ne passe pas très bien, dans le second, elle devient expressive)
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Le tracteur et la Nicou
Merci, tober : parfois, il faut savoir adapter une formule pour en accroître la portée ...
Merci à toutes et tous pour vos com.
Quant à l'Anselme, pour reprendre une expression consacrée :
la vérité peut dépasser la fiction .
Merci à toutes et tous pour vos com.
Quant à l'Anselme, pour reprendre une expression consacrée :
la vérité peut dépasser la fiction .
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum