Effluves de Dame Sidonie

Précédant de peu le Front Populaire, la grande sœur arrivait ; cinq ans plus tard, au début des années noires,  le 4ème garçon de la fratrie pointait son museau …

Et en 2015, il convenait de fêter les 80 berges de l'une et les 75 printemps de l'autre ; Sidonie n'avait point prévu de participer à la fête, elle,  l'oie,    méchante comme une teigne, à tel point que le cats dut l'estourbir ; et à toutes fins utiles, la ranger au grand froid pour une festivité où  sa présence serait la bienvenue.

Et voilà l'occase, le moment opportun : au centre de trois journées de rencontres, pour fêter dignement ces 80 et 75, le cats - comme on le sait -  dernier de la fratrie, proposa de s'y coller, avec toute la panoplie des aubaines des potager,  verger et poulailler, aidé en cela par la profusion des produits du terroir dont Limousin et Quercy sont prolixes.  

Chauvinisme banni,  la cérémonie débuta par une sangria  maison qui, à défaut de charmer l'odorat, titilla les papilles …  avant d'inviter l'enchaud, plat particulièrement prisé au temps des battages.  Le pain de Max, cuit au feu de bois, ne se fit pas prier pour accompagner entrée, Sidonie et les caillades …

En guise de dessert, sorbet  fraise  et gâteau de noix cohabitèrent paisiblement dans les estomacs quelque peu rassasiés.

Pour un peu, la boisson d'origine ibérique eut escamoté les effluves  du palmipède tournant comme une oie en cage. Celle-ci   manifestait son émotion par une sudation  de toutes ses pores, exhalant une odeur comparable au fumet excitant Dom Balaguère * au point de l'amener à raccourcir singulièrement la troisième messe basse, faute grave payée dans  l'au-delà par trois cent messes basses  à dire au titre de pénitence.

Dans sa grande bonté, le Seigneur pardonna les péchés de gourmandise de la fratrie réunie pour la bonne cause. D'ailleurs, y  a-t-il péché à déguster l'oie rôtie ? Salsa, en chien d'expérience et de devoir - les os  furent proprement avalés - considéra qu'il n'y avait pas,  dans  la consommation de ce mets, de quoi fouetter un chat.

A n'en pas douter, depuis le Ciel, l'odorat charmé par les fragrances de dame Sidonie  rissolant  au dessus d'un nid de braises  douillet à souhait, le Créateur fut ému aux larmes que dans  sa grande clémence, il déversa sur les lieux de la fête.  L'averse rafraîchissante ponctuée de  coups de tonnerre  n'affola pas outre mesure les jeunes amoureux en pleine digestion …


* Lettres de mon moulin d'Alphonse Daudet

Triste fin donc pour Dame Sidonie, mais tu dis qu'elle était méchante...
Vous vous êtes régalés il me semble !
Estourbir une oie, ça veut dire qu'on l'étrangle ?

J'aime bien aussi la fin avec le Seigneur qui pleure !

Estourbir : assommer . Avant de saigner . ( Mea culpa : le sang de l'oie, ça fait un plat appelé "sanguette" qui se laisse manger ...

Un texte bien appétissant ma foi !
Tu sais éveiller notre gourmandise et ton commentaire m'a rappelé cette préparation — ici on dit "sanquette"  (sanqueta en occitan) — que nous attendions avec impatience quand mon grand-père tuait une volaille. Peu ragoutante aux yeux de certains, elle est cependant délicieuse et rappelle une époque où l'on savait, avec bonheur, tirer partie de tout.

Et bien , on se lèche les babines! Vous avez dû passer une bien belle journée et tant pis pour Sidonie !!!!!

dans ma région, cela s'appelle la sanquette, et on y ajoute force ail persil et piment. j'ai eu l'impression d'assister au banquet des gaulois, en fin de livre, à la place du barde en haut de l'arbre, excellent !

Très rabelaisien ton texte Cats ! Un délice dans tous les sens du terme.

On rigole de ce qui rissole! On salive aussi. Et toujours un style très personnel dans la façon de conter. Un agréable moment de lecture.

Cuite de cette façon, cela doit être un régal. J'espère que la fête a été belle

Une fête familiale certainement appréciée par tous et toutes (sauf la pauvre Sidonie!)