A.L'invincible Amanda

Il y avait autrefois sur le terroir belge, non loin de l’etat néerlandais, un pays bizarre, gouverné par une reine nommée Amanda. Rien d’étonnant à l’étrangeté de ce pays puisqu’il se trouvait complètement à l’ouest. A l’ouest de la Belgique, s’entend, laquelle n’est déjà pas un pays comme les autres. Plus tard on qualifierait ce pays, de « plat », comme un certain Brel l’a plus tard crié sur tous les toits et beffrois, publicité que ses compatriotes belges n’apprécièrent guère. Quel auteur aimerait qu’on le taxe d’un « style plat » et quelle femme serait heureuse qu’on la dise « plate comme une limande ?"

Mais à l’époque de la reine Amanda, ce pays n’était pas plat du tout : il était entièrement en creux. Cette caractéristique avait un gros inconvénient pour la défense contre les envahisseurs car on avait beau placer des dizaines de guetteurs tout en haut du donjon du magnifique château royal, ils ne pouvaient apercevoir l’ennemi qu’une fois que celui-ci avait franchi les frontières. Heureusement La reine avait un conseiller nommé Hadrien, qui trouvait toujours une parade.

Lors de la première tentative d’invasion, s’inspirant de l’aquarelle d’un peintre local nommé Magritte, il fit planter au pied du château un panneau proclamant «  Ceci n’est pas un château ». Les soldats se grattèrent la tête en grognant « ben ça alors ! » et dépités rentrèrent chez eux.

Une autre fois, Hadrien fit disposer devant le château d’énormes tonneaux de productions locales de frites, de chocolat et de choux de Bruxelles. Les troupes ennemies se gavèrent de ces délices inconnues et furent prises d’un tel mal de ventre qu’ils durent rebrousser chemin pour se précipiter vers les toilettes de leur pays.

Il y eu encore d’autres trouvailles de ce genre, si bien que personne ne réussit jamais à soumettre la reine, qu’on appelait désormais « L’invincible Amanda ».  Dans le château d’Amanda, les distractions étaient rares et les troubadours de passage étaient les bienvenus, tel fut le cas de Stromae. « J’en ai ma claque de ce trou ! » lui confia Amanda. Il convint qu’en effet ç’en était un  et lui conseilla de s’installer ailleurs.
- Oui, mais où ?, demanda-t-elle.
Alors il composa une chanson et lui dit qu’elle y trouverait quelques indices qui l’aideraient à trouver son destin. La chanson commençait ainsi :

"A Bruxelles
La vie ne manque pas de sel
On y fait de l’aquarelle
On y croise le vieux Brel
Et ses bonbons au chocolat
On y mange des langues de chat
De chat qui lèche l’ huile des toiles de Magritte
Et croque des gâteaux Vandamme au cœur de la garrigue
( j’arrête ici la citation parce que déjà Magritte/garrigue, la rime n’est pas terrible, mais la suite est encore pire)

Suivant le conseil du troubadour, Amanda décida donc de partir en voyage. Elle marcha longtemps, longtemps jusqu’à ce qu’elle arrive dans un pays d’arbustes et d’herbes aromatiques. Un panneau indiquait : « La garrigue ». la garrigue ! s’exclama Amanda se souvenant de la chanson de Stromae, c’est donc là que je dois m’arrêter. Elle constata que l’endroit était habité par des lapins, des lièvres et des mulots, une population dont elle aurait bien aimé être la reine parce qu'ils devaient être faciles à gouverner. Hélas, impossible de leur parler car ils se cachaient en permanence sous terre. Elle comprit pourquoi : ils tremblaient devant une créature qu’on appelait « le chat » parce qu’elle avait des oreilles pointues, une queue, des griffes rétractiles, des coussinets veloutés sous les pattes, disait « Miaou ! », ronronnait quand elle était contente et faisait la chasse aux souris, mulots, lapins et autres rongeurs. Bref une créature qui présentait une lointaine ressemblance avec le petit félin. Le chat, encore un indice de Stromae ! Mais que puis-je faire de cet animal, se dit Amanda. Alors elle eut une idée : elle appela le chat :
- Dis-donc, le chat sais-tu pourquoi la nature t’a doté de griffes ?
L’autre répliqua en haussant les épaules :
- Cette question ! Pour attraper les souris, les mulots, les lapins…
- Ben non justement, tes griffes ont une tâche bien plus noble à accomplir : elles sont faites pour écrire.
- Pour écrire, ça va pas la tête ? Ecrire, je ne sais même pas faire…
- Tu apprendras très vite, et tu écrira très bien. Ne dit-on pas « une écriture de chat ? »
- Euh… oui, mais écrire quoi ?
- Pas de souci, je te dicterai et tu écriras, tu seras mon greffier.

Ainsi flatté, le chat se laissa convaincre. Amanda qui venait de s’apercevoir que la garrigue lui donnait de l’inspiration, commença à lui dicter des heures entières. Le chat s’était pris au jeu et ne songeait plus du tout à chasser. Les mulots, lapins, lièvres et autres rongeurs sortirent de terre et manifestèrent une reconnaissance éperdue à cette Amanda qui avait rendu le terrible félin aussi doux qu’un agneau et uniquement préoccupé d’écriture. Ils déclarèrent qu’elle serait leur reine et lui tressèrent une couronne de thym, romarin, sarriette, et lavande.
Tous ces rongeurs vécurent désormais très heureux et eurent beaucoup d’enfants. Amanda et le chat furent également très heureux et écrivirent beaucoup de livres.

Absolument délicieux et excellent !!!

Une conte qui se lit le sourire aux lèvres et l'émotion dans les yeux...

J'imagine un livre pour enfants avec de belles illustrations étranges....

vraiment :

Waouhhhhh! Je suis super impressionnée par ton texte

Un chat qui se fait écrivain, une Amanda délicieuse et un texte qui conte : après ceux d'Andersen, en voici un qui pourrait être celui d' Anderlecht !

Tober, je découvre avec ravissement ton texte ce matin ( Amanda était encore en vadrouille...mais pour cause de baby-sitting)
Je suis épatée, absolument sous le charme de ce conte comme le dit AlainX
Tout y est, tout est dans tout, le les ,les



Un énorme Merci pour ce magnifique cadeau !

Heureusement, tu as trouvé le temps d'honorer la consigne ! Et pas seulement la consigne : honorer Amanda en la couronnant, personne n'y avait encore songé.
Les ennemis des belges, là, ceux qui se sont précipités aux latrines , tu es sûr qu'en plus de se goinfrer ils n'avaient pas abusé de Zizi Coin Coin ?

Vraiment un magnifique texte, une totale réussite !

Merci pour vos commentaires.
Yvanne : Dans ma grande jeunesse et naïveté, je ne connaissais pas le Zizi coin coin, j'imaginais que c'était un truc grivois. C'est Google qui m'a mis au parfum du cocktail citron-Cointreau.

Escandèlia : "Les contes d'Anderlecht", bonne idée. A une époque, j'y allais de temps à autre, ayant une sœur qui vivait alors là-bas.

Anderlecht c'est surtout le club de foot mes petits-enfants sont fan...