A. Dis P’pa pourquoi ?

- Les grandes personnes sont décidément bien bizarres P’pa ! Tu trouves pas ?

- Hummm… Pourquoi tu dis cela ?

- Ben… J’sais pas. C’est bizarre que les gens t’achètent les peintures que tu fais de nous

- Il n’y a rien de bizarre. Mes peintures leur plaisent.

Oui , ben moi je trouve ça bizarre. Moi j’ai un dessin  d’Enzo mon chien dans ma chambre. Me viendrait pas à l’idée d’accrocher celui de Médor le chien du voisin !

- P’pa, elles ont bien une famille les gens qui t’achètent les tableaux ?

- Je suppose que oui

- Pourquoi ils te demandent pas plutôt de peindre leurs enfants ?

- Je n’en sais rien. Et puis ce n’est pas possible.

- Pourquoi ce n’est pas possible ?

- Parce que… et arrête un peu de gigoter.

- Parce que quoi ?

- Parce que ce n’est pas possible ! Ils habitent trop loin. Je ne pourrais pas me déplacer chez eux.

- P’pa pourquoi tu ne me dessines pas  en train de travailler au bureau ?

- Je préfère quand tu te balances sur la chaise et que tu rêves en regardant au dehors

- Tu pourrais me dessiner en train de siffloter.

- NON

- Pourquoi non ?

- POURQUOI ? POURQUOI ? Tu me fatigues avec tes POURQUOI. Reste tranquille, garde la tête dirigée vers la fenêtre. C’est bientôt fini.

Toujours pareil les adultes ! Ils  sont vraiment bizarres. Dès qu’on leur pose des questions ils s’énervent. A croire qu’on les embête ! P’pa finit toujours par me dire : « Tu es trop petit pour comprendre » ou « « Demande à Maman ». Pourtant notre professeur nous dit que c’est bien d’être curieux et de poser des questions.

Carl Larsson s’écarte de sa toile. Parfait ! L’aquarelle respire la douceur de vivre. Tout y est, y compris les moindres détails.  Le reflet de l’église dans la vitre. Son propre reflet dans le miroir. Sur le côté l’établi de son fils et ses outils. Peu de chance que ceux qui achèteront l’aquarelle remarquent tout cela mais qu’importe !

Carl Larsson regarde son fils. Yeux mi-clos celui-ci se balance sur sa chaise l’air boudeur. Carl Larsson sourit. L’aquarelle est finie, il vient d’apposer sa signature en bas à droite : un CL dans un rond et la date 1912. Pourtant voilà qu’il reprend un pinceau et dessine une envolée de notes de musique s’échappant de la bouche de son fils.

- Allez fiston ! C’est fini. Descendons manger une belle part de ce gâteau que Maman a préparé !

Ahhhhh, j'aime ta fin:

Sherkane a écrit:Pourtant voilà qu’il reprend un pinceau et dessine une envolée de notes de musique s’échappant de la bouche de son fils.

Joli dialogue entre le père et le fils

Beau dialogue avec questions naîves à priori, mais frappées au coin du bon sens.

Pour ma part, j'avoue ne pas avoir saisi dans la consigne qu'il s'agissait de se placer exclusivement sur le point de vue du modèle et du peintre.

Ce n'est pas non plus ce que j'ai interprété à partir du raccourci du Petit Prince sur le WEB ...

J'aime beaucoup aussi...
Tu as appliqué la consigne à la lettre.
Moi aussi, j'avoue comme Cats que je n'avais pas saisi l'importance du peintre et de son fils.
Comme quoi les esprits divergent dans des vagabondages parfois sinueux.

Quant aux peintures et au choix des sujets, alors-là, permets-moi de te dire par expérience que les avis divergent encore plus.
Souvent mon mari ou moi avons peint des toiles que nous trouvions, nous particulièrement réussies , avec des sujets intéressants, mais pas les visiteurs.
Par contre de nombreuses aquarelles sont parties à notre étonnement sur un coup de coeur de l'acheteur.
Il n'y a donc en peinture comme ailleurs aucune logique.
Ceci pour répondre aux questions de ton petit garçon.

Cats a écrit:Ce n'est pas non plus ce que j'ai interprété à partir du raccourci du Petit Prince sur le WEB ...

L'ouvrage duquel est tiré la phrase en incipit n'est donné qu'à titre indicatif. Ce qui compte c'est la phrase, pas le titre ni l'auteur. Il faudra que je pense à le préciser la prochaine fois.

C'est un joli dialogue en effet que tu nous offres. L'idée d'aller plus loin sur la connaissance du peintre est intéressante aussi, cela donne envie d'en savoir plus et de le découvrir.

Sherkane, dans ton texte tu transcris très bien "l'intimité" qui ressort du tableau et que je n'avais pas perçue avant de te lire. J'ai revu l'image, et tu me l'as rendue plus belle et plus complète.

Excellent ce texte.
Le réalisme du dialogue et les questions de l'enfant, à la fois naïves et bien réelles....

Et puis l'évocation du peintre (que j'aime personnellement beaucoup) corrrespond bien à cet homme qui peignit tant de personnes de sa famille et de son entourage.

Quel joli point de vue!

Grâce à ton texte, je me suis plus longuement attardée sur la peinture.
Ahh c'est dur d'être petit et avoir tant de questions... et d'avoir en face des réponses agacées...

J'aime beaucoup le dialogue père/fils, avec la litanie des "pourquois" qui énervent tant les adultes. C'est vrai que, grâce à ton texte, on a plaisir à revenir sur le tableau pour y découvrir les détails qui ont pu nous échapper.