A - Pins, amour et laine fantaisie
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A - Pins, amour et laine fantaisie
La tribu des Lan-dés, nomades pasteurs qui faisaient paître leurs moutons, avait longtemps erré à travers steppes, collines pelées et autres garrigues lorsqu’elle arriva aux abords de cette zone marécageuse. Ce soir là ils étaient fourbus et malgré l’aspect peu hospitalier de l’endroit avec sa terre spongieuse, ses moustiques et ses relents méphitiques, ils se résignèrent à y passer la nuit.
Au petit matin, ils s’apprêtaient à lever le camp, mais problème, les moutons faisaient de la résistance. Sans doute l’herbe était-elle particulièrement savoureuse ou alors ils appréciaient de boire tout en broutant, toujours est-il qu’ils freinaient des quatre fers.
- Hé bien, dit le chef, si les moutons se plaisent ici, nous devons y rester.
Et voilà comment la tri se fixa sur ce territoire auquel ils donnèrent leur nom et qui devint la lande, les Landes. Industrieux, ils avaient inventé les échasses, indispensables pour se déplacer dans les marécages. Et ils avaient découvert le fil de laine, bien utile parce que tout nus sur leurs échasses, ça faisait un peu exhibitionniste et aussi parce que là haut le vent d’hiver vous gelait jusqu’aux os. Alors, ils s’entouraient le corps de fils de laine. Un fil enroulé bien serré autour des jambes, ça vous faisait des chaussettes, un autre autour du ventre : un caleçon. Autour du torse, un pull et pour finir, autour du crâne, un bonnet. C’était chaud, certes, mais pas très pratique vu qu’on était engoncé là dedans comme un ver à soie dans son cocon et que s’habiller et se déshabiller prenait une éternité. Jusqu’au jour où une histoire d’amour vint changer les choses.
Le jeune Thibault était fol amoureux de la jolie Ninon. Il faut dire qu’elle exploitait comme nulle autre l’atout de séduction de ces super talons-hauts que sont les èchasses, avec leur façon de mettre en valeur déhanchement, cambrure des reins et galbe des jambes. La belle rendait son amour à Thibaut. Plusieurs fois ils s’étaient embrassés perchés sur leurs échasses, au risque que le vertige des sens les fasse chavirer dans le marécage. Le père du garçon approuvait l’idée d’un mariage et ne restait plus qu’à obtenir l’accord de celui de Ninon.
Aussi quel ne fut pas le bonheur de Thibault, quand revenant un soir vers l’ilot de terre ferme supportant les cabanes d’habitation, il vit Ninon qui l’attendait plantée devant la sienne, et qui riait et criait « Papa est d’accord ! » Arrivé tout près de sa fiancée, Thibault, toujours sur ses échasses et fou de joie, se lança dans une gigue endiablée, sautant, virevoltant et entrecroisant les longs bâtons de bois. Il n’avait pas remarqué qu’il avait ainsi piétiné un tas de cordages de laine à usage domestique. Gaspard, le père de Ninon sortit sur le seuil et cria :
- Tu as tout emmêlé mes cordes, salopiau ! Pas question que je donne ma fille à un crétin pareil !
Mais Ninon, ramassa le tas de laine et le tendit à son père :
- Regarde, Papa, c’est extraordinaire ce qu’a fait Thibault !
En effet, en agitant ses échasses il avait involontairement tricoté, technique alors totalement inconnue, la corde de laine. C’était bien trop lourd et épais pour servir de vêtement, mais le principe était là. Ninon observa les mailles, en défit quelques unes pour bien comprendre la méthode. Puis elle demanda à Thibault de lui fabriquer de toutes petites échasses, comme pour une poupée, et une fois qu’elle les eut en main, elle se mit au travail. Bientôt tout le village l’imita et l’on pouvait voir les bergers surveillant les moutons du haut de leurs échasses tout en tricotant. Cette nouvelle activité permettait de se vêtir de façon bien plus pratique et efficace qu’en s’enroulant un fil de laine autour du corps.
Un jour, L'empereur Napoléon III passa dans la région et se risqua sur une paire d’échasse. Ah que c’était agréable d’être juché la haut, comme on se sentait grand. Si Ce traitre de Victor Hugo l’avait vu, il ne l’aurait pas appelé « Napoléon-le-petit » ! Mais soudain, patatras, le voilà qui perd l’équilibre, chute dans le marais et se relève tartiné de vase. Furieux, il hurle : je ne veux plus voir cette saleté de marécage ! Qu’on assèche tout ça et qu’on y plante des pins !
Ainsi fut fait. Fini échasses et mouton, laine et tricot. Les seules aiguilles étaient désormais celles de ces pins monotones et usurpateurs, serrés les uns contre les autres comme le dernier carré de grognards à Waterloo.
Les occupants durent se reconvertir en producteurs de résine.
Un jour, Thibault dit à son fils :
- le temps de la laine est révolu, ils en font de l’artificielle aujourd’hui, tu verras qu’ils finiront par en faire avec la résine. Notre passé est bien enterré. Maintenant, la lande n’existe plus.
Au petit matin, ils s’apprêtaient à lever le camp, mais problème, les moutons faisaient de la résistance. Sans doute l’herbe était-elle particulièrement savoureuse ou alors ils appréciaient de boire tout en broutant, toujours est-il qu’ils freinaient des quatre fers.
- Hé bien, dit le chef, si les moutons se plaisent ici, nous devons y rester.
Et voilà comment la tri se fixa sur ce territoire auquel ils donnèrent leur nom et qui devint la lande, les Landes. Industrieux, ils avaient inventé les échasses, indispensables pour se déplacer dans les marécages. Et ils avaient découvert le fil de laine, bien utile parce que tout nus sur leurs échasses, ça faisait un peu exhibitionniste et aussi parce que là haut le vent d’hiver vous gelait jusqu’aux os. Alors, ils s’entouraient le corps de fils de laine. Un fil enroulé bien serré autour des jambes, ça vous faisait des chaussettes, un autre autour du ventre : un caleçon. Autour du torse, un pull et pour finir, autour du crâne, un bonnet. C’était chaud, certes, mais pas très pratique vu qu’on était engoncé là dedans comme un ver à soie dans son cocon et que s’habiller et se déshabiller prenait une éternité. Jusqu’au jour où une histoire d’amour vint changer les choses.
Le jeune Thibault était fol amoureux de la jolie Ninon. Il faut dire qu’elle exploitait comme nulle autre l’atout de séduction de ces super talons-hauts que sont les èchasses, avec leur façon de mettre en valeur déhanchement, cambrure des reins et galbe des jambes. La belle rendait son amour à Thibaut. Plusieurs fois ils s’étaient embrassés perchés sur leurs échasses, au risque que le vertige des sens les fasse chavirer dans le marécage. Le père du garçon approuvait l’idée d’un mariage et ne restait plus qu’à obtenir l’accord de celui de Ninon.
Aussi quel ne fut pas le bonheur de Thibault, quand revenant un soir vers l’ilot de terre ferme supportant les cabanes d’habitation, il vit Ninon qui l’attendait plantée devant la sienne, et qui riait et criait « Papa est d’accord ! » Arrivé tout près de sa fiancée, Thibault, toujours sur ses échasses et fou de joie, se lança dans une gigue endiablée, sautant, virevoltant et entrecroisant les longs bâtons de bois. Il n’avait pas remarqué qu’il avait ainsi piétiné un tas de cordages de laine à usage domestique. Gaspard, le père de Ninon sortit sur le seuil et cria :
- Tu as tout emmêlé mes cordes, salopiau ! Pas question que je donne ma fille à un crétin pareil !
Mais Ninon, ramassa le tas de laine et le tendit à son père :
- Regarde, Papa, c’est extraordinaire ce qu’a fait Thibault !
En effet, en agitant ses échasses il avait involontairement tricoté, technique alors totalement inconnue, la corde de laine. C’était bien trop lourd et épais pour servir de vêtement, mais le principe était là. Ninon observa les mailles, en défit quelques unes pour bien comprendre la méthode. Puis elle demanda à Thibault de lui fabriquer de toutes petites échasses, comme pour une poupée, et une fois qu’elle les eut en main, elle se mit au travail. Bientôt tout le village l’imita et l’on pouvait voir les bergers surveillant les moutons du haut de leurs échasses tout en tricotant. Cette nouvelle activité permettait de se vêtir de façon bien plus pratique et efficace qu’en s’enroulant un fil de laine autour du corps.
Un jour, L'empereur Napoléon III passa dans la région et se risqua sur une paire d’échasse. Ah que c’était agréable d’être juché la haut, comme on se sentait grand. Si Ce traitre de Victor Hugo l’avait vu, il ne l’aurait pas appelé « Napoléon-le-petit » ! Mais soudain, patatras, le voilà qui perd l’équilibre, chute dans le marais et se relève tartiné de vase. Furieux, il hurle : je ne veux plus voir cette saleté de marécage ! Qu’on assèche tout ça et qu’on y plante des pins !
Ainsi fut fait. Fini échasses et mouton, laine et tricot. Les seules aiguilles étaient désormais celles de ces pins monotones et usurpateurs, serrés les uns contre les autres comme le dernier carré de grognards à Waterloo.
Les occupants durent se reconvertir en producteurs de résine.
Un jour, Thibault dit à son fils :
- le temps de la laine est révolu, ils en font de l’artificielle aujourd’hui, tu verras qu’ils finiront par en faire avec la résine. Notre passé est bien enterré. Maintenant, la lande n’existe plus.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Ahaha!!!! Mais quelle imagination!!!!! Des bergers nus qui s'enroulent avec de la laine
Un jeune berger amoureux et maladroit qui invente les échasses à tricoter, puis les aiguilles à tricoter
Bon sang mais c'est bien sûr, voilà une histoire totalement crédible ... Ou presque
vous êtes combien dans ta tête????
Un jeune berger amoureux et maladroit qui invente les échasses à tricoter, puis les aiguilles à tricoter
Bon sang mais c'est bien sûr, voilà une histoire totalement crédible ... Ou presque
vous êtes combien dans ta tête????
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Excellent ! J'ai bien ri à l'invention des échasses à tricoter et à la chute de Napoléon 3 !
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Pour moi, il n'y a aucun doute : dans une vie ultérieure, tober supplantera Saint-Pierre auprès du Créateur !
Mais là, mon gars, t'as du boulot pour tout remettre en ordre ...
Déjà, ici bas, incontestablement, tu mérites le classement AAA ou , notation adéquate de kalé .
Mais là, mon gars, t'as du boulot pour tout remettre en ordre ...
Déjà, ici bas, incontestablement, tu mérites le classement AAA ou , notation adéquate de kalé .
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Un texte magnifique, une imagination débordante qui revisite l'histoire, la lande, la laine etc...
Jouissif à lire et à relire !
Jouissif à lire et à relire !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Excellent !
Je ne pourrai plus tricoter sans penser à la gigue de ton Thibault
Je ne pourrai plus tricoter sans penser à la gigue de ton Thibault
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Délicieux en diable !
Quelle imagination !
Quelle imagination !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Comme j'aurais voulu avoir juste une toute partie de ton inspiration.
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Ma grand mère qui tricotait en faisant plein d'autres choses aurait aimé cette histoire d'échasses à tricoter. Inventer le tricot à l'insu de son plein gré voilà quelque chose d’original ! cette histoire est délicieuse.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A - Pins, amour et laine fantaisie
Je rajoute mon . J'ai adoré cette histoire originale et cocasse. Quelle imagination dis-donc!
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
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