A - L'air bien comme il faut

**catsoniou** Mar 13 Sep - 13:35

Distingué jusqu'au bout des ongles, cheveux gominés, vêtu comme un milord, port altier de la tête, ce Jean -Christophe est le portrait-type du prétendant que tout couple bien-pensant aimerait pour gendre.

Et elle, l'Ophélie, la Sainte - Nitouche par excellence, a-t-elle besoin de prendre cet air de chien battu ?

Sous leurs airs bien comme il faut, cachent-ils des volcans prêts à entrer en éruption ? Enfin, je l'espère. Parce que sinon, ce sont deux cocus en puissance qui sont là devant moi. Si l'union voulue par les parents respectifs se matérialise sans qu'il y ait en guise de lien, un brin de folie, au bout du chemin, il n'y aura que monotonie, dialogues conventionnels, soirées tristes à mourir, sorties snobinardes, bref, l'ennui. L'ennui qui conduit aux égarements compensatoires …

Et c'est cet avenir-là que je suis chargée de préserver. Moi, l'Irène, l'amie de la maman d'Ophélie. Son obligée, devrais-je dire. Celle à qui on peut demander de jouer la duègne de service. Parce que le Jean-Christophe n'est plus un enfant de chœur et ce qu'on sait de lui en fait un coureur de jupon en puissance.

Dans l'union projetée, à défaut de redorer son blason, il gagnera du galon dans l'entreprise du beau-père. Je l'espère pour Ophélie, il saura sauvegarder les apparences. Il fera des petits à sa femme et moi, j'en serai la gouvernante, c'est dans l'ordre des choses.

Ah ! J'ai bonne mine là, avec mon chapeau de vieille fille, ma robe noire, le dos bien droit, les mains sur la table … L'air bien comme il faut, l'air respectable à qui le Bon Dieu s'offrirait sans confession.

Il le sait, le Bon Dieu, combien peuvent être trompeuses les apparences. De l'eau a coulé sous les ponts depuis l'époque ou Gaston, le papa d'Ophélie, venait me retrouver dans ma chambre de bonne, sous les toits. Il n'avait pas eu à forcer ma porte : il était si beau garçon que je n'avais rien à lui refuser.

Tout aussi distingué devant le monde que le Jean-Christophe, il était, la nuit, un amant passionné. Je ne me faisais guère d'illusions quant à la pérennité de cette liaison. Y compris quand je me retrouvais enceinte … Juste après les fiançailles des parents d'Ophélie.

Magnanime, mon amant m'aida à m'installer dans l'appartement où j'ai élevé Monique, ma fille. Ainsi prit fin une liaison devenue difficile, en tout cas malséante entre le cadre et l'employée dans l'entreprise du grand-père maternel d'Ophélie.

Cependant, des liens d'amitié persistèrent entre le nouveau couple et moi-même. Ils se renforcèrent à la naissance et pendant l'enfance d'Ophélie. D'où le rôle qu'on m'a demandé de jouer aujourd'hui.

A l'avenir, je n'irais pas jusqu'à favoriser l'infidélité de la fiancée, mais si elle survient, de duègne je deviendrais complice de coupables amours sans l'ombre d'une hésitation …

**Escandélia** Mar 13 Sep - 14:53

c'est drôle je viens de terminer la lecture d'un roman où on pourrait retrouver tous tes personnages. le jean Christophe en tête. Savoureuse cette histoire ! j'avoue que j'aurai du mal a contribuer honorablement a cette consigne.
.

**Amanda.** Mar 13 Sep - 15:53

Cats, le hasard n'existe pas. Je viens de poster mon texte juste après toi.
Et les grands esprits se rejoignent.
Nous devrions écrire ensemble un livre sur " La vie secrète des duègnes" maboul

**Nerwen** Mer 14 Sep - 10:25

J'avais aussi décidé de faire parler la duègne ! Vais-je changer mon fusil d'épaule ? A voir !
Bravo pour ton texte Cats ! clap

**madeleinedeproust** Jeu 15 Sep - 18:43

Quelle cachottière....
Un texte savoureux Cats!

**AlainX** Jeu 15 Sep - 19:47

Rha-lala !
Mais c'est pas bien moral tout ça !
Laughing

Il y a potentiellement un bon scénario de film…

**catsoniou** Jeu 15 Sep - 20:30

Merci de vos commentaires Plain

**Admin** Jeu 15 Sep - 21:05

Il est super ton texte Cats. J'aime beaucoup le ton que tu mets dans les pensées de cette femme. Comme le dit Mad dans son commentaire, c'est savoureux Bravo

**Martine27** Ven 16 Sep - 16:14

Voilà qui promet d'intéressants retours de bâton !

**tobermory** Sam 17 Sep - 9:10

Prendre comme chaperon de sa fille la femme avec qui on a passé des nuits torrides, il fallait le faire ! Une belle galerie de portraits et des perspectives diverses imaginables pour la suite. Et aussi une savoureuse description des turpitudes ( ?) qui couvent sous la respectabilité bourgeoise. Mais finalement tout le monde y a trouvé son compte et on éprouve plutôt de la sympathie pour la gouvernante et son ex amant.

**virgul** Sam 17 Sep - 10:43

Le regard averti de la duègne, qui gratte le vernis des conventions, derrière lequel elle projette un avenir en perte d'illusions "romantiques" pour les deux jeunes. Tableau très bien rendu.

**silhène** Sam 17 Sep - 11:53

J'aime beaucoup, tout le monde cache son jeu un jour ou l'autre, et là, c'est en beauté !
Souhaitons que l'Ophélie se réveille pour contrer son coureur de mari Tappe

**July_C** Dim 18 Sep - 6:40

En lisant, je m'attendais à ce qu'Ophélie soit la fille cachée de la duègne.
Mais non !

Bonne histoire ! C"était un régal de te lire !

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