A. La duègne

Manuel verse le thé dans les tasses et demande à Ana

Nous promènerons-nous au bord du lac ?

Ana penche sa tête, confuse, et la blancheur de porcelaine de ses joues s’empourpre.

La main de Manuel, encore sur l’anse de la théière, tremble légèrement, hésite. Va-t-il oser la poser sur la sienne ?

Comme j’aimerais être à la place d’Ana. Ressentir son émoi et le trouble de son soupirant. Moi, je n’ai jamais connu cela. Il faut dire que la nature ne m’a pas gâtée. Avec mes yeux de myope et mon menton en galoche, j’ai toujours fait tapisserie dans les bals du village. Jamais un garçon ne m’a invitée à danser.

Je dois me résigner. A l’âge que j’ai aujourd’hui, je n’ai plus d’espoir.

Mes parents m’ont placée très tôt comme gouvernante dans ce château où j’ai éduqué la petite Ana. Je lui ai donné le biberon, le bain. J’ai talqué ses fesses, soigné ses bobos, corrigé ses devoirs.

Aujourd’hui c’est une jeune femme splendide, pleine de grâce et instruite.

Il n’y a pas à dire, quand on nait dans un milieu aisé on a plus de chance d’être aimée.

Aurais-je pu avoir une autre vie ?

Il m’arrive parfois, devant le miroir, d’ôter mes lunettes, de me donner de grands airs, de maquiller mes cils et mon sourire. J’avoue que mon reflet semble plus désirable. Mais je sais que le flou de ma vue masque les imperfections.

Et voila ce que j’ai envie de leur crier :

Allez-y mes enfants, sauvez-vous d’ici ! Promenez-vous au bord du lac !

Je n’en dirai rien à vos parents.

Jouez à cache-cache derrière les arbres. Courez l’un après l’autre.

Minaude, Ana, mais ne rougis pas. Laisse-toi attraper.

Laisse-le prendre ta main.

Et toi, grand nigaud, lorsqu’elle te regardera dans les yeux, ne détourne pas le regard et pose sur ses lèvres un baiser.

Une duègne compréhensive qui, à travers les amoureux, revoit sa vie difficile, égrenne ses regrets et donne des conseils qui ne sont peut-être pas ceux que l'on attendrait d'elle, mais ceux d'une personne très humaine.
J'aime beaucoup ta vision du personnage.

Un texte qui correspond tout à fait à la photo, à l'image de deux jeunes " promis" mais "surveillés".
Cette fois encore, la duègne ( classiquement décrite) nous surprend, la chute est heureuse !

Peut-être ta vision de la duègne est-il le reflet de sentiments qui agitaient ces femmes rev^ches, en fait bien souvent des déshéritées à tout d point de vue, côté moyens d'existence comme apparence physique, ce dernier aspect empêchant aux regards masculins de voir la beauté de l'âme.

Celle-ci, je l'aime bien !

Je trouve ta duègne très touchante et ton texte très agréable à lire et plein d'espoir pour ce couple en devenir

La fable du relâchement de la duègne, ou le triomphe de l'amour par procuration !!!

Je vois que ta duègne est plutôt coulante comme la mienne, un côté

Très touchante duègne que les difficultés de la vie n'ont pas aigrie. Quelle belle dignité dans toute sa tendre humanité, elle aurait vraiment mérité d'être maman. Un beau texte.

Tu donnes de la grandeur à cette duègne qui n'a pas été aigrie par son passé.
Il y a dans ses mots, un amour de mère.

J'espère qu'elle aura la satisfaction de les voir suivre les conseils qu'elle leur prodigue dans sa tête. Ton texte montre qu'un physique ingrat n'entraine pas forcément aigreur et jalousie comme c'est souvent le cas dans les romans.