A. Ultime voyage.
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Martine27
Admin
Charlotte
Escandélia
AlainX
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A. Ultime voyage.
Ultime voyage.
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … », qu'il a craché le haut-parleur dans la gare, avec sa voix nasillarde d'enrhumé chronique.
Calais et Doplum ? Kézako ?
Calais je connais, enfin, on m'a parlé d'une jungle. Ça doit être un truc en brousse, je ne sais trop où, quelque part dans ce pays. On dit qu’il y a des zones exotiques dans le coin. Mais Doplum ? C'est pas sur la carte qu’ils m’ont donnée. On est où là ? Moi j'ai pris le train à Marseille à la sortie du bateau. J'avais le numéro de la rame et ma place numérotée. J'y ai posé mon postérieur, il y eut un coup de sifflet et ça s'est ébranlé. Ne t'inquiète pas qu'il m'avait dit, on t'attendra à la gare d’arrivée.
« Correspondance » qu'il a dit le haut-parleur. Je ne comprends pas grand-chose. On doit écrire une lettre ou quoi ? Et à qui ? Et puis je n'ai pas du tout prévu d'écrire à Bruxelles et Paris, je ne crois pas non plus avoir grand-chose à dire à Berlin et Genève. D'ailleurs je connais pas ces gens-là ! Et, quoiqu'il en soit, je sais tout juste écrire en écriture bâton, à condition que ce soient des mots simples.
J'ai l'impression d’avoir débarqué dans un pays quelque peu bizarre. Je serre mon sac à dos entre mes jambes. On ne sait jamais. Déjà, là d'où je viens, on m'avait piqué une vieille valise qui contenait toutes mes plus belles affaires. Alors j'ai pas envie que ce genre de bricoles recommence. En parlant de sac à dos, je commence à en avoir plein le dos, non seulement de le porter en marchant sur des kilomètres, mais en plus j'en ai vraiment marre de cette vie où je n'arrive pas à trouver l'endroit où on m'attend exactement.
Quand je lui téléphone il me dit toujours :
— Ne t'inquiète pas tout est organisé pour toi. Tu n'as qu'à suivre les instructions que l'on t'a données. C'est pas compliqué quand même !
Je réponds toujours :
— Oui, oui, oui, ! No problèmo, no problèmo !
mais, problèmo il y a quand même !
Parfois je pense à mon ancien métier de cantonnier. On posait des panneaux le long des routes pour indiquer la direction aux étrangers. Ernesto, qui aimait toujours faire des farces, en posait certains à l'envers, et ça faisait bien rigoler les autres. Mais pas le patron quand il arrivait le soir avec la camionnette. Un jour Ernesto s'est pris cinq coups sur la tête avec une pelle. Depuis tous les panneaux sont dans la bonne direction.
Je regarde par la fenêtre du wagon. Des gens courent dans tous les sens. Ils ont l'air très pressés. Certains montent, d'autres descendent, d'autres encore font des signes comme s'il y avait je ne sais trop quel danger quelque part. À moins que ce soit des signes d'amitié. Peut-être que ça existe ici, l’amitié ?
Cependant, ils ont tous une tête de personnes qui seraient malheureuses. On m'avait dit que c'était plutôt un pays riche. Comment peut-on être malheureux dans un pays riche ? Quand on a tout ce qu'on veut ? Et surtout à manger et à boire facilement.
Remarquez, personnellement je ne me plains pas. Cantonnier, c'est pas beaucoup payé, mais on a quand même de quoi manger au moins une fois par jour. Et de l'eau à volonté. Que demander de mieux.
Le train redémarre. Je n'ai correspondu avec personne. J'espère que ce n'est pas grave. Quand j'arriverai là-bas je suis sûr qu'il va m'accueillir à bras ouverts. Cela ne peut pas être autrement. Vu la somme d'argent que je lui ai envoyée. De toute façon, je ne pouvais pas rester chez nous, la police me recherchait, vu que j'ai piqué la caisse du patron en fracturant son tiroir. il fallait bien réunir la somme.
Celui qui m'attend à l'arrivée, devrait être porteur d’un magnifique cadeau, comme c'est la coutume par chez nous. Peut-être même que je pourrais passer la nuit avec sa femme, puisque, pour les voyageurs, ça aussi c'est la coutume par chez nous.
Mais bon, on m’a laissé entendre que par ici, c’était pas vraiment dans les habitudes.
On verra bien !
Malgré tout ça, je suis toujours content, je garde le moral, et mon sourire dégage mes belles dents blanches.
Les trains roulent vite ici. C'est extraordinaire !
Demain ma vie sera belle !
En attendant ces mots continuent à trotter dans ma tête, Au rythme des poteaux télégraphiques qui défilent :
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … »,
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … »,
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … »,
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … », qu'il a craché le haut-parleur dans la gare, avec sa voix nasillarde d'enrhumé chronique.
Calais et Doplum ? Kézako ?
Calais je connais, enfin, on m'a parlé d'une jungle. Ça doit être un truc en brousse, je ne sais trop où, quelque part dans ce pays. On dit qu’il y a des zones exotiques dans le coin. Mais Doplum ? C'est pas sur la carte qu’ils m’ont donnée. On est où là ? Moi j'ai pris le train à Marseille à la sortie du bateau. J'avais le numéro de la rame et ma place numérotée. J'y ai posé mon postérieur, il y eut un coup de sifflet et ça s'est ébranlé. Ne t'inquiète pas qu'il m'avait dit, on t'attendra à la gare d’arrivée.
« Correspondance » qu'il a dit le haut-parleur. Je ne comprends pas grand-chose. On doit écrire une lettre ou quoi ? Et à qui ? Et puis je n'ai pas du tout prévu d'écrire à Bruxelles et Paris, je ne crois pas non plus avoir grand-chose à dire à Berlin et Genève. D'ailleurs je connais pas ces gens-là ! Et, quoiqu'il en soit, je sais tout juste écrire en écriture bâton, à condition que ce soient des mots simples.
J'ai l'impression d’avoir débarqué dans un pays quelque peu bizarre. Je serre mon sac à dos entre mes jambes. On ne sait jamais. Déjà, là d'où je viens, on m'avait piqué une vieille valise qui contenait toutes mes plus belles affaires. Alors j'ai pas envie que ce genre de bricoles recommence. En parlant de sac à dos, je commence à en avoir plein le dos, non seulement de le porter en marchant sur des kilomètres, mais en plus j'en ai vraiment marre de cette vie où je n'arrive pas à trouver l'endroit où on m'attend exactement.
Quand je lui téléphone il me dit toujours :
— Ne t'inquiète pas tout est organisé pour toi. Tu n'as qu'à suivre les instructions que l'on t'a données. C'est pas compliqué quand même !
Je réponds toujours :
— Oui, oui, oui, ! No problèmo, no problèmo !
mais, problèmo il y a quand même !
Parfois je pense à mon ancien métier de cantonnier. On posait des panneaux le long des routes pour indiquer la direction aux étrangers. Ernesto, qui aimait toujours faire des farces, en posait certains à l'envers, et ça faisait bien rigoler les autres. Mais pas le patron quand il arrivait le soir avec la camionnette. Un jour Ernesto s'est pris cinq coups sur la tête avec une pelle. Depuis tous les panneaux sont dans la bonne direction.
Je regarde par la fenêtre du wagon. Des gens courent dans tous les sens. Ils ont l'air très pressés. Certains montent, d'autres descendent, d'autres encore font des signes comme s'il y avait je ne sais trop quel danger quelque part. À moins que ce soit des signes d'amitié. Peut-être que ça existe ici, l’amitié ?
Cependant, ils ont tous une tête de personnes qui seraient malheureuses. On m'avait dit que c'était plutôt un pays riche. Comment peut-on être malheureux dans un pays riche ? Quand on a tout ce qu'on veut ? Et surtout à manger et à boire facilement.
Remarquez, personnellement je ne me plains pas. Cantonnier, c'est pas beaucoup payé, mais on a quand même de quoi manger au moins une fois par jour. Et de l'eau à volonté. Que demander de mieux.
Le train redémarre. Je n'ai correspondu avec personne. J'espère que ce n'est pas grave. Quand j'arriverai là-bas je suis sûr qu'il va m'accueillir à bras ouverts. Cela ne peut pas être autrement. Vu la somme d'argent que je lui ai envoyée. De toute façon, je ne pouvais pas rester chez nous, la police me recherchait, vu que j'ai piqué la caisse du patron en fracturant son tiroir. il fallait bien réunir la somme.
Celui qui m'attend à l'arrivée, devrait être porteur d’un magnifique cadeau, comme c'est la coutume par chez nous. Peut-être même que je pourrais passer la nuit avec sa femme, puisque, pour les voyageurs, ça aussi c'est la coutume par chez nous.
Mais bon, on m’a laissé entendre que par ici, c’était pas vraiment dans les habitudes.
On verra bien !
Malgré tout ça, je suis toujours content, je garde le moral, et mon sourire dégage mes belles dents blanches.
Les trains roulent vite ici. C'est extraordinaire !
Demain ma vie sera belle !
En attendant ces mots continuent à trotter dans ma tête, Au rythme des poteaux télégraphiques qui défilent :
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … »,
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … »,
« Kaléïdoplumes, 2 minutes d'arrêt, correspondance pour Bruxelles, Paris, Berlin, Genève … »,
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Ultime voyage.
Encore un texte très sérieux à ta façon de nous parler avec une légèreté, presque naïve des choses graves. Inutile de te dire que j'ai beaucoup aimé.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Ultime voyage.
Et la suite? Que s'est il passé à l'arrivée ?Est ce qu'il y avait quelqu'un?
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Ultime voyage.
De la légèreté dans les autres textes, de la gravité dans le tien, qui nous renvoie à un sujet d'actualité qui ne peut nous laisser indifférent!
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A. Ultime voyage.
Je me suis laissée prendre à ton Calais et Doplum Espérons qu'il y aura bien quelqu'un à l'arrivée
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A. Ultime voyage.
Un sujet d'actualité dans lequel, par petites touches successives teintées de naïveté, on mesure le fossé culturel qu'il lui faudra combler. Un grand sentiment d'effroi lorsqu'on 'imagine ce qui lui arrivera lorsqu'il descendra du train!
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. Ultime voyage.
Très frappée par le fossé entre deux mondes que tu décris...
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. Ultime voyage.
L'arrivée ne sera que décevante comme elle l'est dans la réalité. Tu sais si bien approcher la cruauté ordinaire des situations de ces personnes déplacées !!!!!!!!!
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A. Ultime voyage.
Un texte sérieux qui a le mérite de nous (me) remettre en question.
Un passage qui en dit long...Alainx a écrit:Des gens courent dans tous les sens. Ils ont l'air très pressés. Certains montent, d'autres descendent, d'autres encore font des signes comme s'il y avait je ne sais trop quel danger quelque part. À moins que ce soit des signes d'amitié. Peut-être que ça existe ici, l’amitié ?
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
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