A : ultime promesse
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plumentete
Admin
July_C
catsoniou
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A : ultime promesse
Je pars le cœur en vrac, moi Dick CRAIG. Du haut de mes 85 ans, j'imagine, je le sais, Saint-Kilda va beaucoup souffrir. Contraint et forcé, le dernier carré des habitants quitte l'île ; d'autres, un jour s'y installeront. Fous de Bassan, fulmars et macareux ne seront plus chassés pour fournir des matières premières aux îliens et les nourrir, la mer dont la sauvagerie nous interdisait d'y pêcher le poisson qui eut modifié nos mœurs alimentaires, sera domestiquée. Qui sait si demain, elle ne livrera pas des richesses insoupçonnées aujourd'hui ?
Calum, mon petit-fils, né l'an dernier au Canada, reviendra-t-il sur notre île, au service de nouveaux colons que la beauté inhospitalière laissera de marbre, peut-être, essentiellement sans doute, préoccupés à gagner de l'argent ? A moins que ne l'emporte la nostalgie pour d'autres en quête d'authentique. Alors, comme nous, ils s'échineront non pas pour subsister, mais pour recréer un milieu de vie que nous trouvons aujourd'hui désuet …
Cela, je ne le verrai pas, mais, néanmoins, je m'inquiète pour le sort de notre mère nourricière, celle qui pendant si longtemps pourvoyait les Saint-Kildiens du nécessaire. Certes, les terribles tempêtes semaient l'effroi, nous obligeant à nous réfugier au Village Bay, là où le vent était moins terrible.
Alors, nous pouvions ressasser nos sempiternelles histoires, celles que nous avions vécues et celles rapportées par les anciens aujourd'hui disparus. Ainsi, se mêlaient le passé et les dix dernières années. Il n'y a pas si longtemps, Saint-Kilda vivait dans l'harmonie et s'honorait de ses deux Parlements représentant hommes adultes et femmes, de l'absence de criminalité de police et d'argent. Ah ! Cet argent : à cause de lui, un à un, les jeunes depuis deux à trois décennies, sont parties à sa conquête.
Qu'y a-t-il au bout du chemin ? Réussite pour certains, amertume pour les autres … Ils ont préféré l'incertitude à la monotonie du quotidien risqué de la chasse aux oiseaux au flan des falaises escarpées sur fond d'odeur pestilentielle de la décomposition des oiseaux et des œufs pourris. Parait-il, nous avons abusé de cette pratique qui consistait à vivre des oiseaux. Vengeance de la terre polluée ? Ces dernières années, les récoltes ont été mauvaises, quatre hommes sont morts de la grippe et une jeune femme de l'appendicite. Aujourd'hui, nous ne sommes qu'une poignée : trois douzaines d'êtres humains qui viennent de décider à l'unanimité de quitter à jamais Saint - Kilda …
Moi, le vieux, je pouvais encore rester, attendre la fin. Au cimetière, une dernière fois, ils se seraient regroupé autour de moi. Oui, oui, bien sûr, ils m'ont promis, la main sur le cœur : « Dick, on reviendra à Saint -Kilda te conduire à ta dernière demeure » …
Tiendront-ils cette promesse ? Faite au moment où, toutes et tous, sans exception, leur cœur saigne de cet abandon, de cette fuite en avant vers des lieux où ils seront disséminés comme les plumes des fous de Bassan au vent féroce, ne sera-t-elle pas vite oubliée ?
Telle un fil ténu, cette unité dans nos derniers moments de Saint-Kildiens me soutiendra le temps du voyage vers ce Canada dont je ne connais que les rares cartes postales envoyées par mon fils.
Déjà, les berges s' éloignent … Adieu, mon île, adieu la vie. De cette fuite, je le sens dans toutes les fibres de mon corps et de mon âme : je ne m'en remettrai pas.
Calum, mon petit-fils, né l'an dernier au Canada, reviendra-t-il sur notre île, au service de nouveaux colons que la beauté inhospitalière laissera de marbre, peut-être, essentiellement sans doute, préoccupés à gagner de l'argent ? A moins que ne l'emporte la nostalgie pour d'autres en quête d'authentique. Alors, comme nous, ils s'échineront non pas pour subsister, mais pour recréer un milieu de vie que nous trouvons aujourd'hui désuet …
Cela, je ne le verrai pas, mais, néanmoins, je m'inquiète pour le sort de notre mère nourricière, celle qui pendant si longtemps pourvoyait les Saint-Kildiens du nécessaire. Certes, les terribles tempêtes semaient l'effroi, nous obligeant à nous réfugier au Village Bay, là où le vent était moins terrible.
Alors, nous pouvions ressasser nos sempiternelles histoires, celles que nous avions vécues et celles rapportées par les anciens aujourd'hui disparus. Ainsi, se mêlaient le passé et les dix dernières années. Il n'y a pas si longtemps, Saint-Kilda vivait dans l'harmonie et s'honorait de ses deux Parlements représentant hommes adultes et femmes, de l'absence de criminalité de police et d'argent. Ah ! Cet argent : à cause de lui, un à un, les jeunes depuis deux à trois décennies, sont parties à sa conquête.
Qu'y a-t-il au bout du chemin ? Réussite pour certains, amertume pour les autres … Ils ont préféré l'incertitude à la monotonie du quotidien risqué de la chasse aux oiseaux au flan des falaises escarpées sur fond d'odeur pestilentielle de la décomposition des oiseaux et des œufs pourris. Parait-il, nous avons abusé de cette pratique qui consistait à vivre des oiseaux. Vengeance de la terre polluée ? Ces dernières années, les récoltes ont été mauvaises, quatre hommes sont morts de la grippe et une jeune femme de l'appendicite. Aujourd'hui, nous ne sommes qu'une poignée : trois douzaines d'êtres humains qui viennent de décider à l'unanimité de quitter à jamais Saint - Kilda …
Moi, le vieux, je pouvais encore rester, attendre la fin. Au cimetière, une dernière fois, ils se seraient regroupé autour de moi. Oui, oui, bien sûr, ils m'ont promis, la main sur le cœur : « Dick, on reviendra à Saint -Kilda te conduire à ta dernière demeure » …
Tiendront-ils cette promesse ? Faite au moment où, toutes et tous, sans exception, leur cœur saigne de cet abandon, de cette fuite en avant vers des lieux où ils seront disséminés comme les plumes des fous de Bassan au vent féroce, ne sera-t-elle pas vite oubliée ?
Telle un fil ténu, cette unité dans nos derniers moments de Saint-Kildiens me soutiendra le temps du voyage vers ce Canada dont je ne connais que les rares cartes postales envoyées par mon fils.
Déjà, les berges s' éloignent … Adieu, mon île, adieu la vie. De cette fuite, je le sens dans toutes les fibres de mon corps et de mon âme : je ne m'en remettrai pas.
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A : ultime promesse
Très beau texte.
Les mots de cet homme sont une déchirure, une appel à la vie simple qui est en train de s'en aller ! J'ai été très touchée.
J'aime comment tu as traité la question de l'argent et le pouvoir qu'il a sur ceux qui partent à sa conquête...
Les mots de cet homme sont une déchirure, une appel à la vie simple qui est en train de s'en aller ! J'ai été très touchée.
J'aime comment tu as traité la question de l'argent et le pouvoir qu'il a sur ceux qui partent à sa conquête...
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: A : ultime promesse
Bravo, tu t'es bien documenté et resume tres bien la vie difficile de ces hommes. On imagine mal l'odeur désagréable qu'il y avait sur l'île. Eux y étaient habitués. Nous on ne supporterait pas.
Finalement, plus personne n'est venu vivre sur l'île, seuls les fantômes l'habitent.
Je trouve ta dernière phrase tres belle.
Finalement, plus personne n'est venu vivre sur l'île, seuls les fantômes l'habitent.
Je trouve ta dernière phrase tres belle.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A : ultime promesse
Un texte bien documenté et des sensations exprimées avec des mots pudiques mais justes, j'imagine très bien ton personnage se posant toutes ces questions en attendant le bateau.
plumentete- Kaléïd'habitué
- Humeur : heureuse attentive
Re: A : ultime promesse
Un texte futuriste par rapport à la consigne. Savait-il tout cela Dick ? Le pressentait-il ? Sa sagesse et son expérience lui ont fait poser un regard particulier sur ce qui fut un drame pour tous ces Saints Kildans
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A : ultime promesse
Tu as mis une note d'espoir malgré tout dans ton texte Cats et envisagé un avenir possible sur St Kilda. J'aime ça. Qui nous dit en effet que l'île devenue moins inhospitalière grâce surtout aux moyens de communication actuels ne deviendra pas un jour accueillante ? Ton vieux Dick est un sage.
Invité- Invité
Re: A : ultime promesse
Un texte très bien documenté qui nous fait toucher du doigt la vie difficile sur St Kilda.
Par contre j'ai été un peu gênée par des phrases très longues et difficiles à suivre.
Par contre j'ai été un peu gênée par des phrases très longues et difficiles à suivre.
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A : ultime promesse
Ton vieux monsieur me fait penser à un chroniqueur, qui laisserait son témoignage sur la table d'une maison abandonnée de l'île.
Pour le cas où d'autres viendraient, plus tard, pour refaire vivre l'île.
Pour le cas où d'autres viendraient, plus tard, pour refaire vivre l'île.
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: A : ultime promesse
Les mots de ce vieil homme sont très émouvants, la rupture est extrèmement douloureuse mais l'espoir en un avenir possible subsiste.
Finalement, le tourisme s'est emparé de l'île qui figure dans les programmes des tours-opérateurs et l'intérêt des compagnies pétrolières pour la région ont tiré St Kilda de l'oubli. Est-ce un bien et qu'en penserait Dick Graig ?
Finalement, le tourisme s'est emparé de l'île qui figure dans les programmes des tours-opérateurs et l'intérêt des compagnies pétrolières pour la région ont tiré St Kilda de l'oubli. Est-ce un bien et qu'en penserait Dick Graig ?
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
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