A- Et la lumière fut
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Myrte
Tadig
AlainX
Escandélia
8 participants
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A- Et la lumière fut
La séance est à 22 h, il faut que je me dépêche si je ne veux pas la rater. Voilà si longtemps que j'attends ce moment, maintenant qu'il est arrivé je n'y crois qu'à peine. Sylvain vient de réussir le tournage de son premier long métrage. Celui qui va lui ouvrir les portes de la gloire. Du moins je l'espère. Voilà si longtemps qu'il galère.
Je me souviens bien de ses premiers pas, quand personne ne croyait en lui. Il venait de quitter le collège. Bon an mal an, il avait fait une scolarité normale faite de déboires plus que de succès, comme beaucoup. J'étais représentante des parents d'élèves au conseil de classe. Ses professeurs l'avaient descendu en flèche. Mais quoi d'extraordinaire ? Sylvain n'était pas l'archétype de l'élève parfait, tout comme Romain, mon fils, de qui il était le copain préféré. Plusieurs fois j'avais dû intercéder en leur faveur. Même si le corps enseignant avait évolué depuis ma prime jeunesse et le temps où dotés d'un pouvoir exorbitant, ils vous défaisaient un homme en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ceux ci n'étaient pas toujours très tendres avec des élèves qui auraient pu s'épanouir hors du système traditionnel.
Nos enfants n'étaient pas non plus des perles. Ils étaient turbulents, contestataires, refusaient beaucoup, s'accoutumaient peu. Fallait-il leur en vouloir ? Fallait-il accabler le corps enseignant pour son manque de patience ? Le manque de moyens et la lourdeur des programmes n'avaient-ils pas plus de place que de raison ?
Toujours est-il que Sylvain, pas plus que nombre de ses camarades ne trouvait pas sa place. Il voulait briller des lumières qui feraient de lui un artiste. Un vrai. Il voulait accomplir son destin. C'est sans l'aide de personne qu'il devait y parvenir.
La consécration était là à présent et je me devais d'y assister. Les lumières de la ville brillaient de tous leurs feux. J'avais plaisir à suivre le quai le long du Rhône, remontant jusqu'à la Saône. J'imaginais Sylvain dans son habit de gala, trônant devant une foule de spectateurs venue lui chanter ses louanges. Tous ces gens qui marchaient dans la rue, gravissant une à une les marches devant le cinéma, c'était pour lui, rien que pour lui. Comme il gravirait à son tour celles de la gloire.
Me retournant, je le vis soudain. Il était là, humble et modeste comme je l'avais toujours connu. Il me salua puis me demanda comment j'avais su pour son film. Je lui dis que toute la ville en parle, que nous sommes contents qu'enfin il réussisse et que nous avons toujours cru en lui. IL me dit alors : "Cela n'a pas d'importance à présent. J'ai fais cela pour ma mère, elle seule sait ce que je lui dois. Elle seule m'a donné la foi. Ma vie sera trop courte pour la remercier de tout ce qu'elle a fait pour moi." Je trouvais que c'était un bel hommage, et lui demandais si elle serait là aussi. "Malheureusement non, me dit-il, il est trop tard à présent. Pour elle les lumières ne brillent plus qu'en demie teinte. Ce sont les étoiles qui l'accompagnent à présent."
Je me souviens bien de ses premiers pas, quand personne ne croyait en lui. Il venait de quitter le collège. Bon an mal an, il avait fait une scolarité normale faite de déboires plus que de succès, comme beaucoup. J'étais représentante des parents d'élèves au conseil de classe. Ses professeurs l'avaient descendu en flèche. Mais quoi d'extraordinaire ? Sylvain n'était pas l'archétype de l'élève parfait, tout comme Romain, mon fils, de qui il était le copain préféré. Plusieurs fois j'avais dû intercéder en leur faveur. Même si le corps enseignant avait évolué depuis ma prime jeunesse et le temps où dotés d'un pouvoir exorbitant, ils vous défaisaient un homme en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, ceux ci n'étaient pas toujours très tendres avec des élèves qui auraient pu s'épanouir hors du système traditionnel.
Nos enfants n'étaient pas non plus des perles. Ils étaient turbulents, contestataires, refusaient beaucoup, s'accoutumaient peu. Fallait-il leur en vouloir ? Fallait-il accabler le corps enseignant pour son manque de patience ? Le manque de moyens et la lourdeur des programmes n'avaient-ils pas plus de place que de raison ?
Toujours est-il que Sylvain, pas plus que nombre de ses camarades ne trouvait pas sa place. Il voulait briller des lumières qui feraient de lui un artiste. Un vrai. Il voulait accomplir son destin. C'est sans l'aide de personne qu'il devait y parvenir.
La consécration était là à présent et je me devais d'y assister. Les lumières de la ville brillaient de tous leurs feux. J'avais plaisir à suivre le quai le long du Rhône, remontant jusqu'à la Saône. J'imaginais Sylvain dans son habit de gala, trônant devant une foule de spectateurs venue lui chanter ses louanges. Tous ces gens qui marchaient dans la rue, gravissant une à une les marches devant le cinéma, c'était pour lui, rien que pour lui. Comme il gravirait à son tour celles de la gloire.
Me retournant, je le vis soudain. Il était là, humble et modeste comme je l'avais toujours connu. Il me salua puis me demanda comment j'avais su pour son film. Je lui dis que toute la ville en parle, que nous sommes contents qu'enfin il réussisse et que nous avons toujours cru en lui. IL me dit alors : "Cela n'a pas d'importance à présent. J'ai fais cela pour ma mère, elle seule sait ce que je lui dois. Elle seule m'a donné la foi. Ma vie sera trop courte pour la remercier de tout ce qu'elle a fait pour moi." Je trouvais que c'était un bel hommage, et lui demandais si elle serait là aussi. "Malheureusement non, me dit-il, il est trop tard à présent. Pour elle les lumières ne brillent plus qu'en demie teinte. Ce sont les étoiles qui l'accompagnent à présent."
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A- Et la lumière fut
J'ai toujours trouvé admirable cette belle propension des enseignants à ne pas voir les talents des élèves qu'ils ont sous leurs yeux, parce que au lieu de les regarder, ils regardent les livres et les programmes et mettent des notes sur des bouts de papier qui permettent de cataloguer définitivement.
Cela me rappelle quelqu'un de mon entourage proche. Qu'on nous étions jeunes il était considéré comme totalement nul en classe. On ne ferait jamais rien de bien de lui.
Aujourd'hui il n'est pas loin de prendre sa retraite : il est encore pour quelque temps chef décorateur au cinéma et à la télévision.
Vraiment… encore un qui ne foutait rien d'intéressant pour le monde productiviste dont on a besoin.
Un beau texte signifiant…
Cela me rappelle quelqu'un de mon entourage proche. Qu'on nous étions jeunes il était considéré comme totalement nul en classe. On ne ferait jamais rien de bien de lui.
Aujourd'hui il n'est pas loin de prendre sa retraite : il est encore pour quelque temps chef décorateur au cinéma et à la télévision.
Vraiment… encore un qui ne foutait rien d'intéressant pour le monde productiviste dont on a besoin.
Un beau texte signifiant…
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A- Et la lumière fut
L'atmosphère du conseil de classe est remarquablement dépeinte avec une grande précision. Le lecteur y est au coeur et il le vit.
Et puis la chute émouvante avec ce "je lui dois tout" du fils à sa mère, renforce encore ce sentiment que tout est toujours possible.
Merci
Tadig
Et puis la chute émouvante avec ce "je lui dois tout" du fils à sa mère, renforce encore ce sentiment que tout est toujours possible.
Merci
Tadig
Tadig- Kaléïd'habitué
- Humeur : Bonne
Re: A- Et la lumière fut
Le principal est que Sylvain ait réussi à réaliser son rêve d'enfant...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A- Et la lumière fut
Un beau plaidoyer pour le droit à la différence. J'aime bien ce parallèle entre les lumières de la ville et l'artiste qui veut briller
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: A- Et la lumière fut
Moi aussi j'aime ton texte Escandelia.
Et pourtant en tant qu'ex-enseignante, je ne devrais pas être d'accord.
Je crois que l'enseignement a cependant évolué, du moins dans mon pays.
On ne redouble quasi plus, on a des "passerelles" qui donnent leur chances aux moins doués intellectuellement mais plus aptes dans un secteur technique et professionnel.
Pagnol disait dans " Le Spountz" : il n'est pas bon à rien il est mauvais en tout ..
Ce temps-là me semble révolu, heureusement !
Et pourtant en tant qu'ex-enseignante, je ne devrais pas être d'accord.
Je crois que l'enseignement a cependant évolué, du moins dans mon pays.
On ne redouble quasi plus, on a des "passerelles" qui donnent leur chances aux moins doués intellectuellement mais plus aptes dans un secteur technique et professionnel.
Pagnol disait dans " Le Spountz" : il n'est pas bon à rien il est mauvais en tout ..
Ce temps-là me semble révolu, heureusement !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A- Et la lumière fut
C'est vrai que durant nos études nous avons eu à faire à beaucoup d'enseignants médiocres, qui avaient plus la flemme que la flamme. Mais lorsque j'en débats avec d'autres, je remarque souvent que chacun a pu rencontrer l'un ou l'autre prof qui sortait du lot. Des enseignants admirables car restés fidèles à leur vocation. Ceux là méritent vraiment d'être pointés, d'autant plus que le système d'éducation n'est pas vraiment adapté pour les y aider. Quand aux élèves médiocres, qui malgré tout, réussissent à faire qqc de bien de leur vie, chapeau, c'est que leur fond et leur personnalité sont du solide.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A- Et la lumière fut
Bien bien. Je tiens à vous remercier de vos coms, mais je tiens aussi à rétablir quelques faits. J'ai siégé en conseil de classe durant toute la scolarité de mes enfants (de 1988 à 2005) Si j'ai pu rencontrer des enseignants presque parfaits, j'en ai rencontré aussi de bien moyens, des médiocres et des très mauvais. Il ne faut pas jeter la pierre à une profession bien difficile. Et la question des moyens, des programmes et du système éducatif, qui comme le souligne très justement Alainx a pour mission de former des sujets dépourvu de sens critique et bons pour le productivisme, se pose inévitablement. Toutefois bien des enfants ont été brisés pour la simple raison qu'ils n'entraient pas dans le moule qu'on avait coulé pour eux. Je récuse le terme, pour eux, d'enfants inadaptés. C'est le système qui n'est pas adapté. Les enfants dont j'évoque le rêve dans ce court texte n'étaient pas des génies, ils n'étaient pas médiocres non plus, ni à problèmes, ni inadapté. Ils avaient entre 14 et 16 ans. Une autorité qu'ils trouvaient injuste des projets pleins la tête, une place qui n'était de toute évidence, pas la leur. Leurs rêves brisés; ils les ont remisé quelque part dans un coin du monde de l'adolescence et puis ils ont faits ce qu'ils ont pu pour rester debout et gagner leur crôute avec les moyens qu'ils ont trouvés. Mais comme tout le monde, pas plus, pas moins;
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A- Et la lumière fut
Pas toujours facile pour certains de nos enfants de vouloir sortir du cadre, faire ce que l'on aime est encore bien trop souvent un privilège.
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
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