Pauvre pêcheur
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Pauvre pêcheur
Gilles était passionné de pêche à la ligne. Ah, le plaisir de rêver au bord de la rivière, d’imaginer le monde mystérieux de l’autre côté du miroir scintillant de l’eau, l’excitation d’en sortir ces créatures étincelantes et frétillantes ! Au bureau la marotte de Gilles était sujet d’innocentes plaisanteries, sauf de la part de Robert Blaise. Robert professait un amour de la nature et une foi religieuse, qui le poussaient à critiquer sévèrement l’impénitent pêcheur :
« Tu n’as pas honte de martyriser de paisibles créatures qui ne t’ont rien fait ? Moi aussi je mange du poisson, mais c’est juste pour me nourrir, toi c’est pour le plaisir de tuer ! »
Le plaisir de tuer, c’était trop fort ça ! Car Gilles, dépourvu de toute méchanceté, n’aurait pas fait de mal à une mouche. En fait il n’avait jamais songé que des animaux aussi primitifs que les poissons puissent éprouver de la souffrance. Robert, sachant que Gilles était croyant avait évoqué l’amour du bon Saint François d’assise pour les bêtes les plus humbles. Mais si Gilles se souvenait d’avoir vu des images pieuses représentant le saint homme entouré d’oiseaux ou d’agneaux, ou encore caressant un loup, en revanche il n’avait jamais entendu dire qu’il se soit intéressé au sort des sardines ou des goujons.
Robert alla jusqu’à prétendre que le martyre du poisson accroché à l’hameçon, c’était un peu l’équivalent du christ sur la croix et qu’au jour du jugement dernier, l’âme de Gilles ne vaudrait pas plus cher que celle de Pilate. « N’oublie-pas », insista-t-il « que le poisson bénéficie d’un statut privilégié dans la religion catholique. Après tout c’était le symbole des premiers chrétiens. On s’en souviendra, là-haut… »
Vint le premier avril et bien sûr au bureau, Gilles se retrouva avec un poisson épinglé dans le dos. Robert y vit la marque de son infamie. « Crains d’être marqué de la sorte quand tu arriveras au ciel !» Voilà qui commençait à faire beaucoup pour Gilles. Les poissons qu’il avait vus accrochés dans les dos toute la journée, ceux dégorgés par radio et télé, ceux en chocolat des pâtisseries et en plus les propos démentiels de Robert, tout cela lui faisait tourner la tête.
Il se coucha en espérant que le lendemain tout serait oublié. Il fit des rêves étranges peuplés de poissons, puis il se réveilla en proie à une douleur atroce. Il n’était plus dans son lit mais debout dans un espace dans lequel il semblait flotter. Peu à peu ses yeux embrumés distinguèrent l’environnement. Oui, il flottait dans les airs. Au dessus de lui un radieux soleil brillait, en bas s’étendaient de vertes prairies piquées de fleurs et d’arbres, un décor riant, mais qu’il n’était pas en état d’apprécier tant il avait mal. Des gens marchaient près de lui, le dépassaient en s’esclaffant. Non, pas des gens, des poissons énormes, aussi gros que des baleines et qui avançaient en se tenant verticalement, comme des êtres humains. Puis ils s’éloignaient. D’autres arrivaient et eux aussi riaient en arrivant à son niveau. Lui n’avait pas du tout envie de rire, avec ce mal de chien qui irradiait dans tout son corps. Il vit alors qu’une énorme pointe lui transperçait la poitrine le clouant… à quoi ? Il parvint à tourner la tête et sentit un contact gluant sur sa joue tandis qu’une odeur puissante ravageait ses narines. Alors, il comprit : il était épinglé au dos de l’un de ces énormes poissons pour le plus grand amusement de ceux-ci. Épinglé, oui, lui-même, comme un poisson d’avril !
« Tu n’as pas honte de martyriser de paisibles créatures qui ne t’ont rien fait ? Moi aussi je mange du poisson, mais c’est juste pour me nourrir, toi c’est pour le plaisir de tuer ! »
Le plaisir de tuer, c’était trop fort ça ! Car Gilles, dépourvu de toute méchanceté, n’aurait pas fait de mal à une mouche. En fait il n’avait jamais songé que des animaux aussi primitifs que les poissons puissent éprouver de la souffrance. Robert, sachant que Gilles était croyant avait évoqué l’amour du bon Saint François d’assise pour les bêtes les plus humbles. Mais si Gilles se souvenait d’avoir vu des images pieuses représentant le saint homme entouré d’oiseaux ou d’agneaux, ou encore caressant un loup, en revanche il n’avait jamais entendu dire qu’il se soit intéressé au sort des sardines ou des goujons.
Robert alla jusqu’à prétendre que le martyre du poisson accroché à l’hameçon, c’était un peu l’équivalent du christ sur la croix et qu’au jour du jugement dernier, l’âme de Gilles ne vaudrait pas plus cher que celle de Pilate. « N’oublie-pas », insista-t-il « que le poisson bénéficie d’un statut privilégié dans la religion catholique. Après tout c’était le symbole des premiers chrétiens. On s’en souviendra, là-haut… »
Vint le premier avril et bien sûr au bureau, Gilles se retrouva avec un poisson épinglé dans le dos. Robert y vit la marque de son infamie. « Crains d’être marqué de la sorte quand tu arriveras au ciel !» Voilà qui commençait à faire beaucoup pour Gilles. Les poissons qu’il avait vus accrochés dans les dos toute la journée, ceux dégorgés par radio et télé, ceux en chocolat des pâtisseries et en plus les propos démentiels de Robert, tout cela lui faisait tourner la tête.
Il se coucha en espérant que le lendemain tout serait oublié. Il fit des rêves étranges peuplés de poissons, puis il se réveilla en proie à une douleur atroce. Il n’était plus dans son lit mais debout dans un espace dans lequel il semblait flotter. Peu à peu ses yeux embrumés distinguèrent l’environnement. Oui, il flottait dans les airs. Au dessus de lui un radieux soleil brillait, en bas s’étendaient de vertes prairies piquées de fleurs et d’arbres, un décor riant, mais qu’il n’était pas en état d’apprécier tant il avait mal. Des gens marchaient près de lui, le dépassaient en s’esclaffant. Non, pas des gens, des poissons énormes, aussi gros que des baleines et qui avançaient en se tenant verticalement, comme des êtres humains. Puis ils s’éloignaient. D’autres arrivaient et eux aussi riaient en arrivant à son niveau. Lui n’avait pas du tout envie de rire, avec ce mal de chien qui irradiait dans tout son corps. Il vit alors qu’une énorme pointe lui transperçait la poitrine le clouant… à quoi ? Il parvint à tourner la tête et sentit un contact gluant sur sa joue tandis qu’une odeur puissante ravageait ses narines. Alors, il comprit : il était épinglé au dos de l’un de ces énormes poissons pour le plus grand amusement de ceux-ci. Épinglé, oui, lui-même, comme un poisson d’avril !
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
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