A - Merci de me lire
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A - Merci de me lire
Oui madame, je suis un type ordinaire, j'étais un type ordinaire, un bon peintre en lettres. Je savais faire de belles lettres, de toutes les formes, sur toutes les surfaces, de toutes les couleurs...
Et puis, un jour, allez savoir tout a dérapé. Je ne sais même pas comment c'est arrivé et surtout pourquoi ça m'est arrivé à moi, un type ordinaire, ordinairement marié et heureux, menant une petite vie pépère si vous me passez l'expression.
Je vais vous dire pourquoi j'ai atterri ici. Ce n'est pas ma faute je vous l'assure ! Oh, bien sûr depuis que vous nous côtoyez c'est un refrain que vous avez dû entendre plus d'une fois, et plus d'une fois on vous a juré que c'était vrai de vrai.
Je ne m'attends donc pas à ce que vous me croyez, mais tant pis. Ca va me faire du bien de mettre cette histoire noir sur blanc, peut-être ainsi arriverai-je à comprendre ce qui m'est arrivé. J'espère simplement que mes lettres ne vous causeront aucun tort.
Ce jour-là, je travaillais sur la porte d'un salon de beauté qui venait d'ouvrir. Je m'appliquais à réussir les plus belles cursives possible. Le nom était étrange "Lilith déesse".
Je venais de terminer, lorsque je ressentis comme un vertige, un parfum entêtant venait supplanter l'odeur de la peinture. En me retournant je me retrouvai devant la plus belle femme que j'avais jamais croisée. Enfin je crois. Vous devez vous interroger, penser que je divague, comment peut-on dire qu'une femme est magnifique et ne pas en être sûr ?
Pourtant aujourd'hui encore je suis incapable de me la remémorer, vous savez c'est comme ces rêves qui restent au bord de votre conscience, vous savez qu'ils existent, vous êtes à deux doigts de les décrire et pff, comme le vent, ils disparaissent, vous laissant terriblement frustré.
Bref, je dirai que pour moi elle était comme un alphabet constitué des plus belles lettres qui puissent exister, comme ces enluminures que vous voyez sur les livres anciens.
Elle me sourit, un sourire comme un pinceau qui glisse sans effort sur la toile et vous prend le cœur, et entra dans le salon. Je restai là un long moment, espérant qu'elle allait ressortir, le redoutant aussi, qu'aurais-je pu lui dire ?
A partir de ce jour, ma vie m'échappa. Plusieurs fois par semaine je passais devant le salon de beauté. Je restais planté devant les lettres que j'avais tracées, les L et les I semblaient me toiser, les E m'enveloppaient, les S s'enroulaient autour de moi, les autres lettres paraissaient s'amuser de mon désarroi.
Je ne revis jamais cette étrange femme, si ce n'est peut-être en rêve, mais pourtant, elle m'accompagnait partout, me volait mes lettres, leurs couleurs, mon modeste talent. Les lettres maintenant fuyaient sous mes doigts, elles ne voulaient plus m'obéir.
Bien sûr, mon travail s'en ressenti et les commandes baissèrent, ma femme, me voyant les yeux perdus dans le vague et m'agitant dans mon sommeil m'accusa de la tromper. Mais comment lui expliquer qu'une inconnue sans visage s'emparait de moi, j'essayai pourtant et elle me rit au nez, me traitant de menteur.
Et alors que je croyais avoir atteint le fond, le pire arriva.
Cette nuit-là, je me mis à rêver que je traçais des lignes et des lignes de S, des S qui se transformaient en lasso, qui sifflaient dans l'air, qui s'enroulaient, qui serraient, serraient, serraient.
Je fus réveillé par les policiers, appelés par mes voisins, qui forcèrent ma porte et me trouvèrent les mains rivées sur le cou de ma femme morte.
Ni eux, ni les jurés, ni le juge, ni même mon avocat ne crurent à mon histoire. Les psychiatres eux-mêmes furent incapables de se mettre d'accord sur mon état. Voilà pourquoi je suis ici et que j'y resterai jusqu'à la fin de mes jours.
Un conseil, brûlez cette lettre lorsque vous l'aurez lue, il y a bien trop de S dedans.
André Roche, 447561 Fleury-Mérogis le 30.5.1990
Et puis, un jour, allez savoir tout a dérapé. Je ne sais même pas comment c'est arrivé et surtout pourquoi ça m'est arrivé à moi, un type ordinaire, ordinairement marié et heureux, menant une petite vie pépère si vous me passez l'expression.
Je vais vous dire pourquoi j'ai atterri ici. Ce n'est pas ma faute je vous l'assure ! Oh, bien sûr depuis que vous nous côtoyez c'est un refrain que vous avez dû entendre plus d'une fois, et plus d'une fois on vous a juré que c'était vrai de vrai.
Je ne m'attends donc pas à ce que vous me croyez, mais tant pis. Ca va me faire du bien de mettre cette histoire noir sur blanc, peut-être ainsi arriverai-je à comprendre ce qui m'est arrivé. J'espère simplement que mes lettres ne vous causeront aucun tort.
Ce jour-là, je travaillais sur la porte d'un salon de beauté qui venait d'ouvrir. Je m'appliquais à réussir les plus belles cursives possible. Le nom était étrange "Lilith déesse".
Je venais de terminer, lorsque je ressentis comme un vertige, un parfum entêtant venait supplanter l'odeur de la peinture. En me retournant je me retrouvai devant la plus belle femme que j'avais jamais croisée. Enfin je crois. Vous devez vous interroger, penser que je divague, comment peut-on dire qu'une femme est magnifique et ne pas en être sûr ?
Pourtant aujourd'hui encore je suis incapable de me la remémorer, vous savez c'est comme ces rêves qui restent au bord de votre conscience, vous savez qu'ils existent, vous êtes à deux doigts de les décrire et pff, comme le vent, ils disparaissent, vous laissant terriblement frustré.
Bref, je dirai que pour moi elle était comme un alphabet constitué des plus belles lettres qui puissent exister, comme ces enluminures que vous voyez sur les livres anciens.
Elle me sourit, un sourire comme un pinceau qui glisse sans effort sur la toile et vous prend le cœur, et entra dans le salon. Je restai là un long moment, espérant qu'elle allait ressortir, le redoutant aussi, qu'aurais-je pu lui dire ?
A partir de ce jour, ma vie m'échappa. Plusieurs fois par semaine je passais devant le salon de beauté. Je restais planté devant les lettres que j'avais tracées, les L et les I semblaient me toiser, les E m'enveloppaient, les S s'enroulaient autour de moi, les autres lettres paraissaient s'amuser de mon désarroi.
Je ne revis jamais cette étrange femme, si ce n'est peut-être en rêve, mais pourtant, elle m'accompagnait partout, me volait mes lettres, leurs couleurs, mon modeste talent. Les lettres maintenant fuyaient sous mes doigts, elles ne voulaient plus m'obéir.
Bien sûr, mon travail s'en ressenti et les commandes baissèrent, ma femme, me voyant les yeux perdus dans le vague et m'agitant dans mon sommeil m'accusa de la tromper. Mais comment lui expliquer qu'une inconnue sans visage s'emparait de moi, j'essayai pourtant et elle me rit au nez, me traitant de menteur.
Et alors que je croyais avoir atteint le fond, le pire arriva.
Cette nuit-là, je me mis à rêver que je traçais des lignes et des lignes de S, des S qui se transformaient en lasso, qui sifflaient dans l'air, qui s'enroulaient, qui serraient, serraient, serraient.
Je fus réveillé par les policiers, appelés par mes voisins, qui forcèrent ma porte et me trouvèrent les mains rivées sur le cou de ma femme morte.
Ni eux, ni les jurés, ni le juge, ni même mon avocat ne crurent à mon histoire. Les psychiatres eux-mêmes furent incapables de se mettre d'accord sur mon état. Voilà pourquoi je suis ici et que j'y resterai jusqu'à la fin de mes jours.
Un conseil, brûlez cette lettre lorsque vous l'aurez lue, il y a bien trop de S dedans.
André Roche, 447561 Fleury-Mérogis le 30.5.1990
Dernière édition par Martine27 le Sam 1 Juil - 16:24, édité 1 fois
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Merci de me lire
Quelle étrange histoire ! Entre rêve et réalité fantastique...
J'aime : "un sourire comme un pinceau qui glisse sans effort sur la toile et vous prend le cœur"
et puis : " les L et les I semblaient me toiser, les E m'enveloppaient, les S s'enroulaient autour de moi, les autres lettres paraissaient s'amuser de mon désarroi."
J'aime : "un sourire comme un pinceau qui glisse sans effort sur la toile et vous prend le cœur"
et puis : " les L et les I semblaient me toiser, les E m'enveloppaient, les S s'enroulaient autour de moi, les autres lettres paraissaient s'amuser de mon désarroi."
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A - Merci de me lire
Un texte passionnant qui côtoie le fantastique dans lequel tu excelles.
La fin touche un problème de bien des établissements pénitentiaires, celui des détenus qui seraient plus à leur place en hôpital psychiatrique, mais que l'on envoie en prison faute de savoir exactement où les placer.
La fin touche un problème de bien des établissements pénitentiaires, celui des détenus qui seraient plus à leur place en hôpital psychiatrique, mais que l'on envoie en prison faute de savoir exactement où les placer.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A - Merci de me lire
Ton texte se lit facilement, il est bien écrit. Je suis vite entrée dans le récit. J'ai été emportée dans les chemins Sinueux.
J'ai trouvé une faute d'orthographe dans la dernière phrase. "Brûlez cette lettre lorsque vous l'aurez luE".
J'ai trouvé une faute d'orthographe dans la dernière phrase. "Brûlez cette lettre lorsque vous l'aurez luE".
carbone- Prend ses marques
- Humeur : nerveuse
Re: A - Merci de me lire
Je te retrouve avec plaisir.
Tu joues avec les lettres de l'alphabet , tu jongles et nous emmène dans un sacré tourbillon.
Ton imagination débordante m'hypnotise
Tu joues avec les lettres de l'alphabet , tu jongles et nous emmène dans un sacré tourbillon.
Ton imagination débordante m'hypnotise
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Merci de me lire
Merci de vos avis et faute rectifiée merci Carbone.
Mais êtes vous si sûres qu'il soit vraiment fou ?
Mais êtes vous si sûres qu'il soit vraiment fou ?
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
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