On a parfois besoin d’être plus petit que soi…

Petit Pierre n’aime pas qu’on l’appelle ainsi. Il aimerait être plus grand ; plus grand que son frère Daniel et surtout, surtout plus grand que sa sœur Karine. Chaque fois que leur mère les mesure tous les trois, en traçant un petit trait sur le mur juste au niveau de leur tête, on voit bien que c’est lui le plus petit. Plus petit qu’une fille, il trouve que ça n’est pas juste. Mais aujourd’hui il est plutôt content d’être petit. Ce matin, maman a chuchoté que c’est Pâques et que le Lièvre de Pâques a sans doute caché des chocolats dans le jardin, et c’est toujours lui qui les trouve en premier. Au moins là, ça sert à quelque chose d’être « au ras des pâquerettes » comme dit souvent Daniel en se moquant.

Le trio se précipite dans le jardin. Le Lièvre laisse toujours des friandises en trois endroits différents, un lot pour chacun des enfants, avec leur nom écrit dessus. Petit pierre trouve d’abord celui de Karine au milieu des iris puis celui de Daniel, dans un coin de la cabane à outils. Tout fier, il leur lance « j’ai trouvé les vôtres, mais je ne vous dirai pas. Cherchez, vous êtes assez grands hi hi ! »

Mais ensuite il a beau fouiner partout, il ne trouve rien de plus. Le lièvre l’aurait-il oublié ? A un moment il voit un lézard qui file en zigzaguant sur les dalles. Il le suit, la bestiole disparait derrière le gros tas de bois et là, il aperçoit quelque chose au milieu des grandes herbes : un petit bonhomme, haut comme trois pommes avec un chapeau pointu, exactement comme les lutins qu’il a vus dans ses livres. D’abord, il croit que c’est un lutin en chocolat, mais voilà qu’il bouge, il a l’air de vouloir lui parler. Pour une fois Petit Pierre doit se baisser pour être à hauteur de quelqu’un. Accroupi au sol, il tend l’oreille vers la créature et perçoit une toute petite voix :

- Merci pour les chocolats !

Petit Pierre met quelques instants à réagir :
- Quoi… tu as mangé les chocolats que m’a apportés le Lièvre de Pâques ?
- Oh non, pas tous, j’ai ramenés les autres à la maison pour ma famille.

Petit Pierre est furieux. Alors le lutin lui dit :

.- En échange, je vais te faire visiter le royaume de lutins. Crois-moi, on y trouve des merveilles bien plus intéressantes que les chocolats. Mais pour ça, il faut d’abord que je te réduise à ma taille.

- Me rapetisser ! Tu crois que mon frère et ma sœur ne se moquent pas assez de moi comme ça ?

- Oh mais juste pour un moment, ensuite je te rendrai ta taille normale.
- Même un peu plus grand s’il te plait !
- Un peu plus grand d’accord !

Le lutin fait un geste et Petit Pierre devient d’un coup Tout-Petit-Pierre, à hauteur de lutin tandis qu’autour de lui foisonne une jungle luxuriante. Le lutin le prend par la main et le conduit à travers cette contrée inconnue. Ils croisent un scarabée gros comme un bœuf, à la carapace miroitante de reflets mordorés. Une abeille de la taille d’une poule les frôle avec un bruit de ventilateur, puis c’est un crocodile –  peut-être le lézard de tout à l’heure –, qui les observe gueule béante. Petit Pierre n’est pas rassuré :

- C’est pour me montrer des monstres que tu m’as amené ici ?

Alors le lutin  s’arrête devant une rose géante. Posées sur le velours pourpre de ses larges pétales, d'énormes perles de rosée scintillent comme des diamants dans un écrin.

- C’est un trésor comme dans la caverne d’Ali Baba ! s’écrie Petit Pierre, tu dois être drôlement riche !

- C’est une richesse pour les yeux et pour le cœur, dit le lutin

Plus loin, c’est l’arc-en-ciel d’une toile d’araignée, un palais des glaces aux mille couloirs.
Maintenant Petit Pierre est vraiment émerveillé. D’autres enchantements se succèdent puis le lutin dit :

- Il est temps que tu rentres chez toi, tes parents vont s’inquiéter. Et surtout ne parle pas de ce que tu a vu, c’est un secret.
Il fait un signe et … pshiiit ! Petit Pierre retrouve l’univers familier du jardin et  revient à la maison.
-Où était tu passé tout ce temps ? demandent ses parents

- Pfff, il n’a pas réussi à trouver ses chocolats, ricane Daniel
- Ou alors il a déjà tout mangé ! dit Karine.
La tête encore pleine des merveilles de tout à l’heure, Petit Pierre ne répond par rien d’autre qu’un sourire. Il connaît maintenant un monde fabuleux auquel les grands n’accèderont jamais et où lui-même rêve de revenir.

Quelques jours plus tard, maman mesure les enfants. Cette fois, elle dit à Petit-Pierre :
- Tu as grandi de trois centimètre, tu as presque rattrapé ta sœur !

Et petit Pierre demande :
- Maintenant que je suis grand, comment il faut que je fasse pour repartir dans l’autre sens et redevenir tout petit ?

Quand on a les dents on n' a pas le pain mais quand on a le pain on n'a plus les dents ! Jamais content le Petit Pierre ou quoi ?

Quel bonheur que de lire ce texte ! Nerwen et toi savez nous emmener dans des lieux enchantés pour lesquels - oui - on rêve de redevenir tout petit, comme Petit Pierre, afin de croire encore au merveilleux. Merci de nous ramener quelques instants dans un monde magique, loin des réalités journalières. Ça fait du bien.

Oh oui, Yvanne a raison, ça fait du bien de te lire. 
Tu nous emmènes dans un vrai conte de fées, comme o n'en fait pluis, la magie opère, les trouvailles sont jolies ( la rose, la toile d'araignée...) avec le " refrain" qui revient sans cesse sur la taille de Pierre.

J'ai adoré ce texte, je le raconterai à mes petits  

C'est un texte magique qui plairait énormément aux enfants s'il devenait un livre illustré.
Très beau moment de lecture pour qui sait garder son âme d'enfant   
J'aurais aimé écrire ce texte