A. Objet historique
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Charlotte
catsoniou
Escandélia
AlainX
8 participants
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A. Objet historique
Objet historique
Je suis sorti pour faire une chose incompréhensible, autant le dire clairement, j'aurais mieux fait de m'y prendre de la manière habituelle. Mais rien n'était plus comme avant, depuis que Marie-Josée avait absolument voulu que j'installe cette échelle à rochers, que nous avions rachetée, pour pas grand-chose, il faut bien le dire, à un descendant de Jacques Balmat (ce savoyard qui fit la première ascension du Mont Blanc en 1786). Cet homme cherchait à se débarrasser de l'échelle, rapport au fait que la première fois où il l’utilisa, il chuta de 12 m, se cassa le fémur et la clavicule et fut soigné en urgence par un chirurgien de cardiologie, qui s'empressa de lui ajouter un pacemaker parce qu'il en avait en sur-stock. C'est dire si, partant de là, on finit par en arriver à faire des choses incompréhensibles, comme vendre cet objet historique pour une bouchée de pain.
L'échelle que vous pouvez voir sur cette magnifique photo prise par un ami, offre une sorte de raccourci pour passer d'un plateau à l’autre du jardin de la maison, sinon il faut prendre le chemin en pente, qui fait environ 750 m si on passe pas l’ouest, et 1200 m si on prend par l’Est. Je ne sais pas si vous suivez. Normalement, je descends par l'échelle, vu que je ne suis pas maladroit comme cet imbécile de descendant d’alpiniste. Comme quoi d'une génération à une autre… mais surtout on avait acheté cette échelle pour raccourcir la distance, évidemment. C'était idiot de ne pas s'en servir. Vous en conviendrez.
Ce matin-là, j’ignore ce qui m’a pris, je pris le chemin le plus long. Par l’Est. C'était absurde. D'autant plus qu'il était caillouteux et offrait de multiples possibilités de se tordre une cheville, ou les deux. Évidemment je n'avais pas l'intention de rentrer avec une double entorse. D'ailleurs parvenir à rentrer dans de telles conditions, rien n'était moins sûr.
Arrivé au dernier virage qui m'amenait sur le plateau du bas, j'aperçus au loin, au pied de l'échelle, une drôle de silhouette qui semblait m'attendre. Tout d'abord, de si loin, j'ai cru que c'était Marie-Josée qui avait l'habitude de venir cueillir quelques herbes sauvages au pied de la roche pour parfumer les toilettes. J'avais beau lui dire que çà ne sentait rien, que ce n'était que de l'herbe, elle persistait dans cette habitude. Je me gardais de la contredire, me contentant de tirer la chasse au passage.
En m'approchant, j'ai réalisé que ce n'était pas Marie-Josée, mais un savoyard en habits traditionnels, avec sa chemise de toile de lin, sa veste en drap de laine, sa large ceinture de flanelle grise et son chapeau en feutre noir. D'où pouvait bien sortir ce savoyard, débarquuant dans ma Bretagne profonde ?
— « Je viens rechercher mon échelle », déclara-t-il avec son accent de là-bas.
Je compris aussitôt de quoi il voulait parler. Mais il n’était pas question de restituer ce que j'avais acquis honnêtement. J’ai répondu :
— « Et qu'est-ce que vous en savez si c'est votre échelle ? »
— « Je le sais, c'est tout ! »
C'est à ce moment-là que j'entendis crier Marie-Josée sur le plateau supérieur.
— « Edmond ! Ne fais pas d'histoire, donne-lui ce qu'il demande ! »
Le type avait sorti un Opinel de sa poche, et s’apprêtait à l'ouvrir.
Je commençais sérieusement à m'inquiéter. Il n’allait quand même pas…
C’est à ce moment que j'ai repris mes esprits. J'étais au pied de cette foutue échelle, ayant raté la dernière marche et ma tête avait heurté un rocher, m’étourdissant.
En réalité, Marie-Josée venait de crier :
— « Edmond ! Pas d’histoire, donne-moi ce que je te demande ! »
Je suis sorti pour faire une chose incompréhensible, autant le dire clairement, j'aurais mieux fait de m'y prendre de la manière habituelle. Mais rien n'était plus comme avant, depuis que Marie-Josée avait absolument voulu que j'installe cette échelle à rochers, que nous avions rachetée, pour pas grand-chose, il faut bien le dire, à un descendant de Jacques Balmat (ce savoyard qui fit la première ascension du Mont Blanc en 1786). Cet homme cherchait à se débarrasser de l'échelle, rapport au fait que la première fois où il l’utilisa, il chuta de 12 m, se cassa le fémur et la clavicule et fut soigné en urgence par un chirurgien de cardiologie, qui s'empressa de lui ajouter un pacemaker parce qu'il en avait en sur-stock. C'est dire si, partant de là, on finit par en arriver à faire des choses incompréhensibles, comme vendre cet objet historique pour une bouchée de pain.
L'échelle que vous pouvez voir sur cette magnifique photo prise par un ami, offre une sorte de raccourci pour passer d'un plateau à l’autre du jardin de la maison, sinon il faut prendre le chemin en pente, qui fait environ 750 m si on passe pas l’ouest, et 1200 m si on prend par l’Est. Je ne sais pas si vous suivez. Normalement, je descends par l'échelle, vu que je ne suis pas maladroit comme cet imbécile de descendant d’alpiniste. Comme quoi d'une génération à une autre… mais surtout on avait acheté cette échelle pour raccourcir la distance, évidemment. C'était idiot de ne pas s'en servir. Vous en conviendrez.
Ce matin-là, j’ignore ce qui m’a pris, je pris le chemin le plus long. Par l’Est. C'était absurde. D'autant plus qu'il était caillouteux et offrait de multiples possibilités de se tordre une cheville, ou les deux. Évidemment je n'avais pas l'intention de rentrer avec une double entorse. D'ailleurs parvenir à rentrer dans de telles conditions, rien n'était moins sûr.
Arrivé au dernier virage qui m'amenait sur le plateau du bas, j'aperçus au loin, au pied de l'échelle, une drôle de silhouette qui semblait m'attendre. Tout d'abord, de si loin, j'ai cru que c'était Marie-Josée qui avait l'habitude de venir cueillir quelques herbes sauvages au pied de la roche pour parfumer les toilettes. J'avais beau lui dire que çà ne sentait rien, que ce n'était que de l'herbe, elle persistait dans cette habitude. Je me gardais de la contredire, me contentant de tirer la chasse au passage.
En m'approchant, j'ai réalisé que ce n'était pas Marie-Josée, mais un savoyard en habits traditionnels, avec sa chemise de toile de lin, sa veste en drap de laine, sa large ceinture de flanelle grise et son chapeau en feutre noir. D'où pouvait bien sortir ce savoyard, débarquuant dans ma Bretagne profonde ?
— « Je viens rechercher mon échelle », déclara-t-il avec son accent de là-bas.
Je compris aussitôt de quoi il voulait parler. Mais il n’était pas question de restituer ce que j'avais acquis honnêtement. J’ai répondu :
— « Et qu'est-ce que vous en savez si c'est votre échelle ? »
— « Je le sais, c'est tout ! »
C'est à ce moment-là que j'entendis crier Marie-Josée sur le plateau supérieur.
— « Edmond ! Ne fais pas d'histoire, donne-lui ce qu'il demande ! »
Le type avait sorti un Opinel de sa poche, et s’apprêtait à l'ouvrir.
Je commençais sérieusement à m'inquiéter. Il n’allait quand même pas…
C’est à ce moment que j'ai repris mes esprits. J'étais au pied de cette foutue échelle, ayant raté la dernière marche et ma tête avait heurté un rocher, m’étourdissant.
En réalité, Marie-Josée venait de crier :
— « Edmond ! Pas d’histoire, donne-moi ce que je te demande ! »
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Objet historique
Elle aurait pas déplacé l'échelle ta Marie Josée, par hasard ? Histoire de te voir hagard.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Objet historique
Un coup sur la tête , et on perd complètement le Nord, mélangeant allègrement Bretagne et Savoie ...
Méfie-toi quand même des Marie-Josée
Méfie-toi quand même des Marie-Josée
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A. Objet historique
Que voulait Marie Josée? Encore des herbes sauvages sur lesquels Edmond va tirer la chasse ?!!!
En te lisant j'avais aussi l'impression que j'avais raté une marche ou que j'étais tombée sur ma tête! Ca va maintenant j'ai repris mes esprits...Bien que...
En te lisant j'avais aussi l'impression que j'avais raté une marche ou que j'étais tombée sur ma tête! Ca va maintenant j'ai repris mes esprits...Bien que...
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Objet historique
J’ai un gros penchant pour l’absurde, qu’il soit sérieux ou comique, en littérature-théâtre-cinéma et ton texte en comporte une bonne dose. J’ai trouvé le début particulièrement réjouissant : le descendant du glorieux alpiniste qui se casse la figure en tombant d’une échelle, l’opération chirurgicale fantaisiste, Marie-Josée qui désodorise les toilettes avec des herbes au lieu de tirer la chasse.
La suite est plus réaliste puisqu’en fin de compte c’est une hallucination provoquée par la chute, mais néanmoins l’apparition du savoyard en costume traditionnel qui vient réclamer son échelle est savoureuse.
Question : en quoi cette échelle est-elle un objet historique ? A-telle appartenu à l’ancêtre alpiniste ? S’ en est il servi pour gravir le Mont-Blanc ?
Bravo pour ton imagination et ton sens de la cocasserie déjantée !
En récompense, je t’offre cette micro histoire Jacques Sternberg, un prince de l’absurde :
Ce parachutiste se fracassa la nuque en descendant un trottoir.
La suite est plus réaliste puisqu’en fin de compte c’est une hallucination provoquée par la chute, mais néanmoins l’apparition du savoyard en costume traditionnel qui vient réclamer son échelle est savoureuse.
Question : en quoi cette échelle est-elle un objet historique ? A-telle appartenu à l’ancêtre alpiniste ? S’ en est il servi pour gravir le Mont-Blanc ?
Bravo pour ton imagination et ton sens de la cocasserie déjantée !
En récompense, je t’offre cette micro histoire Jacques Sternberg, un prince de l’absurde :
Ce parachutiste se fracassa la nuque en descendant un trottoir.
Dernière édition par tobermory le Sam 11 Nov - 16:47, édité 1 fois
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A. Objet historique
Quelques détails croustillants qui nous font sourire tout au long de la lecture, un texte un brin déjanté pour notre grand plaisir.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A. Objet historique
J'avoue que j'ai un peu perdu le fil du récit au fur et à mesure que j'avançais dans la lecture mais je crois que ce n'est pas trop grave, l'échelle n'est pas cassée...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A. Objet historique
J'aime aussi beaucoup l'absurde...et Marie-Josée me fait penser à quelqu'un.
Ton texte est comme souvent tout à fait génial!
...
Ton texte est comme souvent tout à fait génial!
...
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
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