Les deux cloches ( 1 )
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Les deux cloches ( 1 )
Sur la placette, près de la fontaine, il y eut d’abord un cercle d’enfants.
Ils s’aspergeaient mutuellement en riant aux éclats.
Ensuite, il y eut la Fernande.
« Sacrilège, de la bonne eau potable ! » s’écria-t-elle d’un ton courroucé.
Assise sur sa chaise de cuisine, elle observait le va-et-vient.
La Place de la Fontaine, cœur du village, servait également de point de ralliement où cyclistes et randonneurs venaient faire le plein d’eau fraîche.
La Fernande avait de quoi reluquer et ne s’en privait pas.
A son âge, la télé mise à part, on n’a guère de distractions surtout quand vos jambes refusent obstinément de vous porter à plus de trois pas d’affilée.
Heureusement, heureusement, sa voisine Lucienne, (surnommée « Lulu-la-fine jambe » dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître), n’était jamais très loin.
Sourde comme un pot, la Lucienne, une interlocutrice de rêve pour la Fernande, qui soliloquait donc à son aise, les bras croisés sur son tablier à fleurs.
Lulu, elle, portait invariablement le deuil de son défunt mari (le dernier des sept qu’elle enterra, le seul qui en valut la peine…)
Vêtue de noir des pieds à la tête, un foulard noué sous le menton et été comme hiver de longs, gros bas noirs dans lesquels, les jours de grosse chaleur, elle suait sang et eau.
Pourquoi ? Va savoir ! Avait-elle juré à son époux sur son lit de mort de cacher ses fines jambes à jamais ?
Tout le village le murmurait, encouragé en cela par une Fernande goguenarde.
Lulu donc, faisait semblant de suivre les propos de Fernande qu’elle entrecoupait de temps à autre d’un long soupir ponctué d’un « Fait chaud, hein ! »
Ce matin-là, aurait pu être un matin comme les autres…
Ce matin-là, les enfants auraient pu s’asperger d’eau, Fernande les gronder et Lulu opiner du chef…
Ce matin-là, les hommes auraient pu entamer une partie de pétanque au boulodrome, suivie de l’apéro traditionnel où ils faisaient péter le jaune…
Or, ce matin-là…
La presque-totalité du village ( pas bien grand, hein, le village ‘) était réunie sur la Place de la Fontaine.
Les discussions allaient bon train, en cause : une affaire de cloches !
Le maire Antonin Caderousse prit la parole, jugé sur un tabouret :
« Mes chers amis,
Depuis le décès inopiné de Monsieur le Curé il y a trois mois, vous n’êtes pas sans savoir qu’il ne fut jamais remplacé et l’église fermée.
Les malheureux paroissiens qui désirent assister à une messe ou encore confesser leurs péchés sont contraints de se rendre à 12 km au village voisin.
Lequel village reçoit une fois par mois la visite d’un curé africain (et de race noire, je précise !), chargé d’une douzaine de paroisses dans la région !
Heureusement, nous n’avons pas eu de décès dans la commune et je ne parle pas des mariages et baptêmes à venir…
La situation est intolérable, mes chers amis. Car toutes mes démarches auprès de l’évêché se sont révélées vaines.
Non, nous n’aurons pas de nouveau curé avant longtemps. Je m’avoue vaincu et désolé…
« Quel hypocrite ce Caderousse ! Du curé il en bouffe à tous les repas ! Alors, peuchère, où veut-il en venir ?
Cela c’est Fernande qui souffle dans l’oreille de Lulu !
Antonin poursuit :
« Mais le pire, mes amis, le pire, ce sont les cloches ! Depuis la disparition du curé, la cloche de l’église sonne trois minutes après celle de notre beau campanile.
Notre Campanile, à côté de la mairie, à l’entrée du village ! Son horloge est réglée depuis des siècles sur le cadran solaire situé sur le mur de la mairie ! Il ne se trompe pas le soleil !
Quand sonne midi au Campanile, il sonne midi et trois minutes à l’église et ainsi de suite toutes les heures du jour et de la nuit !
C’est insupportable !
Sus au clocher de l’église, les amis ! »
À suivre
Ils s’aspergeaient mutuellement en riant aux éclats.
Ensuite, il y eut la Fernande.
« Sacrilège, de la bonne eau potable ! » s’écria-t-elle d’un ton courroucé.
Assise sur sa chaise de cuisine, elle observait le va-et-vient.
La Place de la Fontaine, cœur du village, servait également de point de ralliement où cyclistes et randonneurs venaient faire le plein d’eau fraîche.
La Fernande avait de quoi reluquer et ne s’en privait pas.
A son âge, la télé mise à part, on n’a guère de distractions surtout quand vos jambes refusent obstinément de vous porter à plus de trois pas d’affilée.
Heureusement, heureusement, sa voisine Lucienne, (surnommée « Lulu-la-fine jambe » dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître), n’était jamais très loin.
Sourde comme un pot, la Lucienne, une interlocutrice de rêve pour la Fernande, qui soliloquait donc à son aise, les bras croisés sur son tablier à fleurs.
Lulu, elle, portait invariablement le deuil de son défunt mari (le dernier des sept qu’elle enterra, le seul qui en valut la peine…)
Vêtue de noir des pieds à la tête, un foulard noué sous le menton et été comme hiver de longs, gros bas noirs dans lesquels, les jours de grosse chaleur, elle suait sang et eau.
Pourquoi ? Va savoir ! Avait-elle juré à son époux sur son lit de mort de cacher ses fines jambes à jamais ?
Tout le village le murmurait, encouragé en cela par une Fernande goguenarde.
Lulu donc, faisait semblant de suivre les propos de Fernande qu’elle entrecoupait de temps à autre d’un long soupir ponctué d’un « Fait chaud, hein ! »
Ce matin-là, aurait pu être un matin comme les autres…
Ce matin-là, les enfants auraient pu s’asperger d’eau, Fernande les gronder et Lulu opiner du chef…
Ce matin-là, les hommes auraient pu entamer une partie de pétanque au boulodrome, suivie de l’apéro traditionnel où ils faisaient péter le jaune…
Or, ce matin-là…
La presque-totalité du village ( pas bien grand, hein, le village ‘) était réunie sur la Place de la Fontaine.
Les discussions allaient bon train, en cause : une affaire de cloches !
Le maire Antonin Caderousse prit la parole, jugé sur un tabouret :
« Mes chers amis,
Depuis le décès inopiné de Monsieur le Curé il y a trois mois, vous n’êtes pas sans savoir qu’il ne fut jamais remplacé et l’église fermée.
Les malheureux paroissiens qui désirent assister à une messe ou encore confesser leurs péchés sont contraints de se rendre à 12 km au village voisin.
Lequel village reçoit une fois par mois la visite d’un curé africain (et de race noire, je précise !), chargé d’une douzaine de paroisses dans la région !
Heureusement, nous n’avons pas eu de décès dans la commune et je ne parle pas des mariages et baptêmes à venir…
La situation est intolérable, mes chers amis. Car toutes mes démarches auprès de l’évêché se sont révélées vaines.
Non, nous n’aurons pas de nouveau curé avant longtemps. Je m’avoue vaincu et désolé…
« Quel hypocrite ce Caderousse ! Du curé il en bouffe à tous les repas ! Alors, peuchère, où veut-il en venir ?
Cela c’est Fernande qui souffle dans l’oreille de Lulu !
Antonin poursuit :
« Mais le pire, mes amis, le pire, ce sont les cloches ! Depuis la disparition du curé, la cloche de l’église sonne trois minutes après celle de notre beau campanile.
Notre Campanile, à côté de la mairie, à l’entrée du village ! Son horloge est réglée depuis des siècles sur le cadran solaire situé sur le mur de la mairie ! Il ne se trompe pas le soleil !
Quand sonne midi au Campanile, il sonne midi et trois minutes à l’église et ainsi de suite toutes les heures du jour et de la nuit !
C’est insupportable !
Sus au clocher de l’église, les amis ! »
À suivre
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Les deux cloches ( 1 )
Et je suivrai ton histoire avec plaisir !
Je suis sûre que tu connais "pour de vrai" les personnages que tu nous décris si bien. Ils vivent du côté de ton coin de garrigue, non ?
Je suis sûre que tu connais "pour de vrai" les personnages que tu nous décris si bien. Ils vivent du côté de ton coin de garrigue, non ?
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: Les deux cloches ( 1 )
Silhène, on ne peut rien te cacher !!!
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Les deux cloches ( 1 )
le dernier des sept qu’elle enterra, le seul qui en valut la peine…)
Les six maris précédents, ils avaient mangé des champignons ?
Quand Lulu va se présenter à Saint-Pierre, il pourrait bien remettre les pendules à l'heure ?
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Les deux cloches ( 1 )
Sept ? peuchère ! elle était moins fine bouche que fine jambe la Lulu, dis donc !
Je m'en vais de ce pas lire la suite.
Je m'en vais de ce pas lire la suite.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Les deux cloches ( 1 )
Deux savoureux portraits de femmes et une situation "pagnolesque" comme tu sais nous les conter, j'ai hâte de lire le dénouement.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
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