A. Un marin
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Amanda.
Escandélia
Cara1234
AlainX
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A. Un marin

Un marin
J'ai mis l'eau à chauffer, sous la cafetière « Moka », histoire de me faire un dernier expresso bien serré, à l’italienne, comme elle m’avait appris à les faire. Ça remonte à quand déjà ? Trois mois peut-être. Le lendemain de notre rencontre, elle m’invitait chez elle : — Mon petit appartement, qu’elle disait et qui n’était jamais qu’une chambre de bonne sous les toits. Mais elle faisait merveilleusement le café. Et l’amour aussi. Seulement voila, elle est partie. Huit jours déjà. Un vide éternel. C’est ce que je ressens.
Je m’appelle Sancho Rodriguez de Alméria, lointain descendant du Duc de Villafranca Caballeros, célèbre Conquistador qui participa à l’invasion du Nouveau Monde au XVème siècle. La belle affaire ! Ton descendant, minable petit marin de fond de cale, n’a même pas conquis le coeur d’une femme !
Ce n’était pas raisonnable de tomber fou d’amour de cette fille. Trop brune, trop, grande, trop belle, trop sensuelle, trop de lèvres pulpeuses, trop de houle déchainée dans ses hanches quand elle était sur moi et moi en elle. Ses gémissement aigus de plaisir sifflaient à mes oreilles, comme l’eau qui monte dans la cafetière que je fixe à l’instant, tel un zombie qui ne comprit rien à cet amour tempétueux. Mais la raison peut-elle quelque chose contre la passion envahissante ? La raison peut-elle quelque chose contre la déferlante qui emporte tout sur son passage ?
Je suis un marin, à la large poitrine, aux muscles développés par le travail, un vrai, aux mains calleuses, mais au coeur fondant comme neige sur le bastingage l’hiver quand revient l’aurore et que pointe un soleil timide et triste. Elle aimait ça, mes mains de travailleurs de la mer. Elle les prenait dans les siennes, tournait mes paumes vers ses seins lourds et se frottait ainsi au rugueux de ma peau dans un frisson de plaisir. Femme étrange dont j’étais raide dingue, cependant.
Qui comprendra que je ne connaissais d’elle qu’un prénom ? Pas même un numéro de portable. Et lorsque je revins à sa chambre sous les combles, le concierge me dit que la dame était partie et la chambre à louer.
J’ai décidé de partir moi aussi. Il y a longtemps que rien ne me retient ici, ni même à la vie d’ailleurs. Partir définitivement. Sans laisser de trace moi non plus. M’embarquer avec mes hardes flétries et pour tout trésor la vieille pendule à balancier de ma mère défunte. Embarquer sur un rafiot pourri, de ceux que prennent les exilés, les migrants, les sans-avenir, les sans-papier-d’amour, les sans-amour-fixe, les paumés de la Terre.
Je m’appelle Albert-Henri de Chateauzéland, descendant des Grandpré de Monflier. Mes ancêtres furent de valeureux Corsaires au service ce Sa Majesté. Moi, je suis ruiné et je fais la manche le soir dans les bouges de ce port de racailles ; histoire de gagner de quoi manger dignement et prendre une chambre à l’hôtel Du Soleil Doré, dont le nom est une trahison en soi, tant il est miteux.
Ce matin, sur le quai, j’ai trouvé ce bout de papier écrit d’une main malhabile. Il était coincé sous une poubelle du port, le vent le secouait, le déchirait peu à peu. Vous venez de le lire. J’ai sauvé une trace. Rien en quelque sorte. Je l’ai relu plusieurs fois, l’ai glissé dans ma poche.
J’ai pensé : cet être à la dérive, il me ressemble.
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Un marin
J'ai mis l'eau à chauffer, sous la cafetière « Moka », histoire de me faire un dernier expresso bien serré, à l’italienne, comme elle m’avait appris à les faire. Ça remonte à quand déjà ? Trois mois peut-être. Le lendemain de notre rencontre, elle m’invitait chez elle : — Mon petit appartement, qu’elle disait et qui n’était jamais qu’une chambre de bonne sous les toits. Mais elle faisait merveilleusement le café. Et l’amour aussi. Seulement voila, elle est partie. Huit jours déjà. Un vide éternel. C’est ce que je ressens.
Je m’appelle Sancho Rodriguez de Alméria, lointain descendant du Duc de Villafranca Caballeros, célèbre Conquistador qui participa à l’invasion du Nouveau Monde au XVème siècle. La belle affaire ! Ton descendant, minable petit marin de fond de cale, n’a même pas conquis le coeur d’une femme !
Ce n’était pas raisonnable de tomber fou d’amour de cette fille. Trop brune, trop, grande, trop belle, trop sensuelle, trop de lèvres pulpeuses, trop de houle déchainée dans ses hanches quand elle était sur moi et moi en elle. Ses gémissement aigus de plaisir sifflaient à mes oreilles, comme l’eau qui monte dans la cafetière que je fixe à l’instant, tel un zombie qui ne comprit rien à cet amour tempétueux. Mais la raison peut-elle quelque chose contre la passion envahissante ? La raison peut-elle quelque chose contre la déferlante qui emporte tout sur son passage ?
Je suis un marin, à la large poitrine, aux muscles développés par le travail, un vrai, aux mains calleuses, mais au coeur fondant comme neige sur le bastingage l’hiver quand revient l’aurore et que pointe un soleil timide et triste. Elle aimait ça, mes mains de travailleurs de la mer. Elle les prenait dans les siennes, tournait mes paumes vers ses seins lourds et se frottait ainsi au rugueux de ma peau dans un frisson de plaisir. Femme étrange dont j’étais raide dingue, cependant.
Qui comprendra que je ne connaissais d’elle qu’un prénom ? Pas même un numéro de portable. Et lorsque je revins à sa chambre sous les combles, le concierge me dit que la dame était partie et la chambre à louer.
J’ai décidé de partir moi aussi. Il y a longtemps que rien ne me retient ici, ni même à la vie d’ailleurs. Partir définitivement. Sans laisser de trace moi non plus. M’embarquer avec mes hardes flétries et pour tout trésor la vieille pendule à balancier de ma mère défunte. Embarquer sur un rafiot pourri, de ceux que prennent les exilés, les migrants, les sans-avenir, les sans-papier-d’amour, les sans-amour-fixe, les paumés de la Terre.
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Je m’appelle Albert-Henri de Chateauzéland, descendant des Grandpré de Monflier. Mes ancêtres furent de valeureux Corsaires au service ce Sa Majesté. Moi, je suis ruiné et je fais la manche le soir dans les bouges de ce port de racailles ; histoire de gagner de quoi manger dignement et prendre une chambre à l’hôtel Du Soleil Doré, dont le nom est une trahison en soi, tant il est miteux.
Ce matin, sur le quai, j’ai trouvé ce bout de papier écrit d’une main malhabile. Il était coincé sous une poubelle du port, le vent le secouait, le déchirait peu à peu. Vous venez de le lire. J’ai sauvé une trace. Rien en quelque sorte. Je l’ai relu plusieurs fois, l’ai glissé dans ma poche.
J’ai pensé : cet être à la dérive, il me ressemble.
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AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Un marin
Toujours ces si beaux mots.
J'ai toujours autant plaisir à vous lire.
Au début, j'ai eu l'impression d'être dans une consigne d'Amanda.
Puis on arrive à un être torturé
Ensuite ça parle d'actualité avec ces migrants
Pour finir sur une fin originale lue par cet homme des rues.
Merci de partager ce beau texte avec nous.
Le lien avec la photo ... est ce le marin qui passait sur le port rejoindre sa belle avec son paquetage ?
Ou sont ce toutes les possessions de ce brave AHC qui parcours certainement le port la journée ?
J'ai toujours autant plaisir à vous lire.
Au début, j'ai eu l'impression d'être dans une consigne d'Amanda.
Puis on arrive à un être torturé
Ensuite ça parle d'actualité avec ces migrants
Pour finir sur une fin originale lue par cet homme des rues.
Merci de partager ce beau texte avec nous.
Le lien avec la photo ... est ce le marin qui passait sur le port rejoindre sa belle avec son paquetage ?
Ou sont ce toutes les possessions de ce brave AHC qui parcours certainement le port la journée ?
Cara1234- Kaléïd'habitué
- Humeur : Badine
Re: A. Un marin
C'est donc le comte Albert Henri de Chateauzéland qui a trouvé le papier laissé par ce pauvre Sancho. Il n'a pas eu l'idée de le secourir, par contre. Deux êtres à la dérive me diras tu, après tout, qu'est ce que ça fou ?
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Un marin
Escandélia,
je pense que le premier personnage est parti en mer..... et je doute qu'il ne revienne un jour.....
je verrai bien un jour en marge de son état civil : Disparu en mer - considéré comme mort.
enfin c'est ainsi que j'imagine la chose....
je pense que le premier personnage est parti en mer..... et je doute qu'il ne revienne un jour.....
je verrai bien un jour en marge de son état civil : Disparu en mer - considéré comme mort.
enfin c'est ainsi que j'imagine la chose....
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A. Un marin
vu que c'est ton texte, je vais me rallier à ton intuition !Alainx a écrit:enfin c'est ainsi que j'imagine la chose....
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Un marin
Au début, j'ai eu l'impression d'être dans une consigne d'Amanda
Moi aussi !
Dommage que tu n'aies pas continué sur la même voie. je sais je suis une obsédée, Cassy va me tuer
les sans-avenir, les sans-papier-d’amour, les sans-amour-fixe, les paumés de la Terre. c'est cela que j'aime entre autre...
Moi aussi !
Dommage que tu n'aies pas continué sur la même voie. je sais je suis une obsédée, Cassy va me tuer
les sans-avenir, les sans-papier-d’amour, les sans-amour-fixe, les paumés de la Terre. c'est cela que j'aime entre autre...
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. un marin
J'aime beaucoup ton texte qui parle de ces paumés de la terre et qui s'embarquent à leurs risques et périls en mer.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A. Un marin
Largués... Mais qui vivent de bien belles histoires.
AAnne- Kaléïd'habitué
- Humeur : Bonne, la plupart du temps.
Re: A. Un marin
Deux êtres perdus, descendants de personnages célèbres, l'un d'un conquistador, l'autre d'un pirate, se trouvent liés par un bout de papier, "une trace", bouteille à la mer en quelque sorte. Ce texte part d'un plongeon dans un passé lumineux pour les deux hommes pour arriver à notre époque tourmentée comme ils le sont devenus. C'est très réaliste.
Alainx a écrit:ses gémissement aigus de plaisir sifflaient à mes oreilles, comme l’eau qui monte dans la cafetière
Invité- Invité
Re: A. Un marin
Très beau texte, ces deux personnages à la dérive que le hasard d'un petit mot rapproche un bref instant.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
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