A - Je rentre à la maison
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A - Je rentre à la maison
Sur la première marche, j’ai appris la tendresse. Lorsque maman s’asseyait là, serrant dans ses bras le bébé que j’étais en me donnant le sein, je plongeais mes yeux dans les siens pour y découvrir la douceur d’un amour éternel.
Sur la seconde marche j’ai appris à me tenir debout, m’appuyant sur elle pour redresser mon buste encore frêle. Je regardais déjà là-haut, la toute dernière marche, avec l’espoir d’aller un jour voir ce qui se passe de l’autre côté.
Sur la troisième marche, j’ai pris de l’assurance, j’ai appris à sauter. Sauter trois marches d’un coup et m’élancer dans les bras de papa qui m’encourageait de sa voix ferme : vas-y, je te rattrape ! Une fois accroché à son cou, il me faisait tournoyer et notre danse endiablée se ponctuait de rires et de cris.
Sur la quatrième marche, j’ai pris une craie et j’ai dessiné les lettres de l’alphabet. J’ai lu dans les yeux de maman sa fierté et puis un voile de tristesse a assombri son regard. Je crois que ce jour-là elle a réalisé que je lui échapperais un jour.
Sur la cinquième marche j’y attendais mon ami Pierre. Il habitait en face chez moi et de cet endroit-là, je pouvais apercevoir sa chambre. Ainsi je patientais. Il me faisait un signe qui voulait dire : j’arrive. Puis il me rejoignait et nous descendions l’escalier pour partir à l’aventure dans les ruelles du quartier.
Sur la sixième marche, j’ai pris la main de Léonie, nous avions treize ans et j’étais amoureux, comme peut l’être un gamin qui ne connait rien aux filles, et qui n’en fréquente qu’une : la sœur de son meilleur ami.
Sur la septième marche, j’ai avoué à Léonie que je préférais Mathilde, je l’ai embrassée sur la joue et je l’ai plantée là, elle, sa robe rouge, ses socquettes blanches, ses souliers vernis noirs et son chagrin. Elle a crié « Gros con » puis elle est partie tout répéter à son frère. Pierre ne m’en a pas voulu. Notre amitié était bien plus forte que les histoires de filles.
Sur la huitième marche, j’ai serré Mathilde dans mes bras, lui ai juré fidélité et lui ai demandé la permission de l’embrasser. Elle m’a dit vouloir réfléchir et m’a donné rendez-vous le lendemain sur la neuvième marche.
Sur cette neuvième marche, j’ai offert à Mathilde mon premier baiser d’amoureux. Elle m’avait enfin dit oui. Nous avions quinze ans. Elle a rougi puis elle est partie en courant. J’ai regardé sa robe bleue s’éloigner sur l’escalier en me disant que lorsque je serai grand j’épouserai Mathilde.
Quelques mois plus tard, c’est sur la dixième marche que Mathilde m’a annoncé qu’elle ne m’aimait plus, elle était tombée amoureuse de Pierre. J’en ai longtemps voulu à Mathilde, pas à Pierre, on était copains à la vie à la mort, on n’allait pas s’embrouiller pour des histoires de filles.
Du haut de la onzième marche, j’ai vu ma mère pleurer. Tout en bas, elle paraissait minuscule. Elle regardait mon père qui chargeait deux grosses valises dans la voiture. Il m’a fait signe de la main. Il aurait voulu que j’aille l’embrasser, j’ai détourné la tête. J’ai pensé « Sale con, tu fais pleurer maman »
Quelques années plus tard, c’est moi qui portais une valise, moi qui pleurais et détournais à nouveau le regard. Maman était toujours en bas, elle me regardait partir vers ma nouvelle vie. Du haut de la douzième marche, je devinais à peine son visage, sans doute inondé de larmes.
La dernière marche, la treizième, fut bien difficile à monter ce jour-là. Un pan de ma vie restait tout en bas. Dans le giron de ma mère, au creux de ce quartier paisible, dans cette ruelle qui m’avait vu naître et grandir.
Tout en bas de cet escalier, il y a mon enfance, et plein de souvenirs. Une vieille maison, vide depuis longtemps déjà, et le parfum de maman qui imprègne encore les murs.
Je vais descendre l’escalier, lentement. Je vais compter les treize marches, m’arrêter sur chacune d’elle, laisser remonter les souvenirs et trouver en chacun d’eux la force qui me manque encore.
Passé le seuil de la maison, je poserai mes valises, j’ouvrirai grand volets et fenêtres pour laisser entrer la lumière.
Je rentre à la maison.
Sur la seconde marche j’ai appris à me tenir debout, m’appuyant sur elle pour redresser mon buste encore frêle. Je regardais déjà là-haut, la toute dernière marche, avec l’espoir d’aller un jour voir ce qui se passe de l’autre côté.
Sur la troisième marche, j’ai pris de l’assurance, j’ai appris à sauter. Sauter trois marches d’un coup et m’élancer dans les bras de papa qui m’encourageait de sa voix ferme : vas-y, je te rattrape ! Une fois accroché à son cou, il me faisait tournoyer et notre danse endiablée se ponctuait de rires et de cris.
Sur la quatrième marche, j’ai pris une craie et j’ai dessiné les lettres de l’alphabet. J’ai lu dans les yeux de maman sa fierté et puis un voile de tristesse a assombri son regard. Je crois que ce jour-là elle a réalisé que je lui échapperais un jour.
Sur la cinquième marche j’y attendais mon ami Pierre. Il habitait en face chez moi et de cet endroit-là, je pouvais apercevoir sa chambre. Ainsi je patientais. Il me faisait un signe qui voulait dire : j’arrive. Puis il me rejoignait et nous descendions l’escalier pour partir à l’aventure dans les ruelles du quartier.
Sur la sixième marche, j’ai pris la main de Léonie, nous avions treize ans et j’étais amoureux, comme peut l’être un gamin qui ne connait rien aux filles, et qui n’en fréquente qu’une : la sœur de son meilleur ami.
Sur la septième marche, j’ai avoué à Léonie que je préférais Mathilde, je l’ai embrassée sur la joue et je l’ai plantée là, elle, sa robe rouge, ses socquettes blanches, ses souliers vernis noirs et son chagrin. Elle a crié « Gros con » puis elle est partie tout répéter à son frère. Pierre ne m’en a pas voulu. Notre amitié était bien plus forte que les histoires de filles.
Sur la huitième marche, j’ai serré Mathilde dans mes bras, lui ai juré fidélité et lui ai demandé la permission de l’embrasser. Elle m’a dit vouloir réfléchir et m’a donné rendez-vous le lendemain sur la neuvième marche.
Sur cette neuvième marche, j’ai offert à Mathilde mon premier baiser d’amoureux. Elle m’avait enfin dit oui. Nous avions quinze ans. Elle a rougi puis elle est partie en courant. J’ai regardé sa robe bleue s’éloigner sur l’escalier en me disant que lorsque je serai grand j’épouserai Mathilde.
Quelques mois plus tard, c’est sur la dixième marche que Mathilde m’a annoncé qu’elle ne m’aimait plus, elle était tombée amoureuse de Pierre. J’en ai longtemps voulu à Mathilde, pas à Pierre, on était copains à la vie à la mort, on n’allait pas s’embrouiller pour des histoires de filles.
Du haut de la onzième marche, j’ai vu ma mère pleurer. Tout en bas, elle paraissait minuscule. Elle regardait mon père qui chargeait deux grosses valises dans la voiture. Il m’a fait signe de la main. Il aurait voulu que j’aille l’embrasser, j’ai détourné la tête. J’ai pensé « Sale con, tu fais pleurer maman »
Quelques années plus tard, c’est moi qui portais une valise, moi qui pleurais et détournais à nouveau le regard. Maman était toujours en bas, elle me regardait partir vers ma nouvelle vie. Du haut de la douzième marche, je devinais à peine son visage, sans doute inondé de larmes.
La dernière marche, la treizième, fut bien difficile à monter ce jour-là. Un pan de ma vie restait tout en bas. Dans le giron de ma mère, au creux de ce quartier paisible, dans cette ruelle qui m’avait vu naître et grandir.
Tout en bas de cet escalier, il y a mon enfance, et plein de souvenirs. Une vieille maison, vide depuis longtemps déjà, et le parfum de maman qui imprègne encore les murs.
Je vais descendre l’escalier, lentement. Je vais compter les treize marches, m’arrêter sur chacune d’elle, laisser remonter les souvenirs et trouver en chacun d’eux la force qui me manque encore.
Passé le seuil de la maison, je poserai mes valises, j’ouvrirai grand volets et fenêtres pour laisser entrer la lumière.
Je rentre à la maison.
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A - Je rentre à la maison
Bel escalier chargé de symboles ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Je rentre à la maison
On te suit pas à pas sur cet escalier de la vie. Comme on aimerait te serrer dans nos bras et s’arrêter sur chacune des marches, pour être un plus avec toi. La vie est une succession de paliers et d'épreuves et j'attendais la dernière marche en imaginant tout autre chose qu'un retour à la maison, où il n'y a plus personne, maintenant que maman est parti tout en haut de son escalier à elle.
C'est un texte magnifique. Plein d'émotions, comme tu sais si bien les exprimer. Chacun peut y trouver un peu de lui dans ce texte, je pense, car il décrit bien les étapes principales qui font d'un enfant un homme.
C'est un texte magnifique. Plein d'émotions, comme tu sais si bien les exprimer. Chacun peut y trouver un peu de lui dans ce texte, je pense, car il décrit bien les étapes principales qui font d'un enfant un homme.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A - Je rentre à la maison
Délia a bien exprimé tout ce que j'ai pensé et ressenti lors de ma lecture.
Donc je plussoie son commentaire :-)
Donc je plussoie son commentaire :-)
July_C- Kaléïd'habitué
- Humeur : qui vagabonde
Re: A - Je rentre à la maison
J'ai eu beaucoup de plaisir à gravir tes marches, certaines avec un brin de nostalgie lorsqu'elles racontent les premières amitiés et les premiers amours. Et puis ce regard, protecteur et souvent inquiet, d'une mère qui nous accompagne dans notre ascension vers plus d'autonomie. Un texte tout en délicatesse.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Je rentre à la maison
Superbe texte dans lequel la symbolique de l'escalier, image de la vie, prend les couleurs de souvenirs tour à tour doux et amers.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A - Je rentre à la maison
On a déjà tout dit, je vais juste ajouter que ce texte est superbe !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Je rentre à la maison
Rohhh... Que c'est beau...
AAnne- Kaléïd'habitué
- Humeur : Bonne, la plupart du temps.
Re: A - Je rentre à la maison
Magnifique, de toute beauté.
Je me rallie au commentaire de Virgul.
Je me rallie au commentaire de Virgul.
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: A - Je rentre à la maison
Oh c'est magnifique.
En dire plus serait gâcher ou répéter des choses déjà dites sur ce magnifique écrit.
En dire plus serait gâcher ou répéter des choses déjà dites sur ce magnifique écrit.
Cara1234- Kaléïd'habitué
- Humeur : Badine
Re: A - Je rentre à la maison
Une approche très originale et un texte de toute beauté
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
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