A - Le chemin aux ornières
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Martine27
Admin
Adrienne
catsoniou
8 participants
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A - Le chemin aux ornières
Imperturbable, le château de Turenne domine la ligne d'horizon. Dans le pré en bas, la rangée de pommiers dont celui du milieu porte les pommes rouges. Celles qu'on range dans la vieille maie du grenier. Recouvertes de balle d'avoine, en fin d'hiver, leur saveur enchantera nos palais.
Au fond du pré, si l'herbe dessine un arc de cercle, il y a peut-être des champignons de mars. Plus loin, dans le bosquet, y a-t-il encore, gravé au canif, le prénom de ma première amourette ? Sur le chemin empierré, les ornières sont comblées en hiver, vestige des corvées féodales. Le paysan est redevable des ''prestations'', sorte d'impôt communal.
C'est au bord de ce chemin que le père Bouyssou adressera ses derniers mots aux trois petits C. On le retrouvera noyé dans la mare de la Maria. Simulacre de suicide qui tourne mal ? On ne saura jamais.
C'est aussi sur ce chemin que passe le corbillard tiré par un cheval, précédé du curé et deux enfants de chœur. Dans le cortège funèbre, je suis, porteur d'un des quatre coins du drap mortel. Dans le cercueil, un bébé de six mois, avec qui je ne jouerai jamais. Jeune marié, sur ce même parcours, j'accompagnerai tour à tour, papa et maman, à leur dernière demeure.
J'ai sept ans. Impatient, j'attends le père au volant de la camionnette. C'est sa première voiture. Elle amènera veaux et cochons à la foire. Et le jour venu, on sera une flopée de gamins, brinquebalés à l'arrière de l'antique Renault. On recevra chacun sa calotte : c'est la confirmation, moment ultime de mon éducation religieuse.
Hésitation : au bout du chemin, tourner à gauche ou à droite ? A gauche, il y a Rosiers, plus loin, l'école primaire qui clôturera ma scolarité. A Rosiers, il y avait ''La Muette'', enfin Mademoiselle Treuil. Méchante comme une teigne, elle rapportait nos facéties de gamins à l'instituteur. A quelques pas, il y avait l'Anna, maman de Ferdinand, le tueur de cochon. Anna, c'était la crème des femmes et tout à côté, il y avait la Marie et sa voix de stentor qu'on entendait depuis notre maison à 400 mètres.
Le plus longtemps, j'ai tourné à droite. Le chemin conduisait à ma première maîtresse. Celle qui enseignait écriture et lecture. Aux deux croix, La Rhue et Richert, avec ma sœur, fils de paysans, mais élèves disciplinés, alternativement, on causait patois ou français.
400 motsAu fond du pré, si l'herbe dessine un arc de cercle, il y a peut-être des champignons de mars. Plus loin, dans le bosquet, y a-t-il encore, gravé au canif, le prénom de ma première amourette ? Sur le chemin empierré, les ornières sont comblées en hiver, vestige des corvées féodales. Le paysan est redevable des ''prestations'', sorte d'impôt communal.
C'est au bord de ce chemin que le père Bouyssou adressera ses derniers mots aux trois petits C. On le retrouvera noyé dans la mare de la Maria. Simulacre de suicide qui tourne mal ? On ne saura jamais.
C'est aussi sur ce chemin que passe le corbillard tiré par un cheval, précédé du curé et deux enfants de chœur. Dans le cortège funèbre, je suis, porteur d'un des quatre coins du drap mortel. Dans le cercueil, un bébé de six mois, avec qui je ne jouerai jamais. Jeune marié, sur ce même parcours, j'accompagnerai tour à tour, papa et maman, à leur dernière demeure.
J'ai sept ans. Impatient, j'attends le père au volant de la camionnette. C'est sa première voiture. Elle amènera veaux et cochons à la foire. Et le jour venu, on sera une flopée de gamins, brinquebalés à l'arrière de l'antique Renault. On recevra chacun sa calotte : c'est la confirmation, moment ultime de mon éducation religieuse.
Hésitation : au bout du chemin, tourner à gauche ou à droite ? A gauche, il y a Rosiers, plus loin, l'école primaire qui clôturera ma scolarité. A Rosiers, il y avait ''La Muette'', enfin Mademoiselle Treuil. Méchante comme une teigne, elle rapportait nos facéties de gamins à l'instituteur. A quelques pas, il y avait l'Anna, maman de Ferdinand, le tueur de cochon. Anna, c'était la crème des femmes et tout à côté, il y avait la Marie et sa voix de stentor qu'on entendait depuis notre maison à 400 mètres.
Le plus longtemps, j'ai tourné à droite. Le chemin conduisait à ma première maîtresse. Celle qui enseignait écriture et lecture. Aux deux croix, La Rhue et Richert, avec ma sœur, fils de paysans, mais élèves disciplinés, alternativement, on causait patois ou français.
... Et le château est toujours là !
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Le chemin aux ornières
ça sent bon la campagne d'autrefois :-)
il ne manque que la photo du château!
il ne manque que la photo du château!
Adrienne- Kaléïd'habitué
- Humeur : brouillonne
Re: A - Le chemin aux ornières
Comme si on y était
Bravo, très joli texte.
Adrienne: il me semble que sur la photo on voit le château au loin, il faut l'agrandir (la photo, pas le château )
Bravo, très joli texte.
Adrienne: il me semble que sur la photo on voit le château au loin, il faut l'agrandir (la photo, pas le château )
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: A - Le chemin aux ornières
Dans la simplicité de ces souvenirs on retrouve un peu la chanson de Piaf "les trois cloches"
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A - Le chemin aux ornières
Premières pommes blettes, premiers champignons, première amourette et première maitresse (d'école !) et de fil en aiguille la vie qui déroule son chapelet. Cela en fait des pas dans une vie, cela en fait surement plus de 400 !
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: A - Le chemin aux ornières
Martine évoque :
Parmi les souvenirs, il y a le glas qu'on sonnait pour un décès. Et alors, on s'interrogeait : qui c'est ?
Et lors des obsèques, on disait que les cloches "débranquaient", c'est à dire qu'elles sonnaient à toute volée. Etait-ce le tocsin ?
les trois cloches"
Parmi les souvenirs, il y a le glas qu'on sonnait pour un décès. Et alors, on s'interrogeait : qui c'est ?
Et lors des obsèques, on disait que les cloches "débranquaient", c'est à dire qu'elles sonnaient à toute volée. Etait-ce le tocsin ?
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: A - Le chemin aux ornières
Un nouveau mot collectionné pour moi, la maie: meuble rustique pour la conservation de la farine.
Ton texte m'a enchanté, de jeunesse, de fraîcheur et d'amour pour ces endroits que tu décris si bien. Un texte aussi agréable à parcourir que tes sentiers.
Ton texte m'a enchanté, de jeunesse, de fraîcheur et d'amour pour ces endroits que tu décris si bien. Un texte aussi agréable à parcourir que tes sentiers.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Le chemin aux ornières
Des scènes légères, d'autres tristes, et toujours cette impression en te lisant, de parcourir ton pays et ses secrets que tu racontes si bien
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: A - Le chemin aux ornières
J'ai aimé lire ton texte aux phrases courtes et évocatrices. J'aime comme tu décris chaque chose à la fois avec simplicité et avec poésie.
Mesange- Kaléïd'habitué
- Humeur : en phase de reconcentration
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