Avec la Peugot 404

Derrick veut te parler.

Ça sonne étrange ces mots, et pourtant le lieutenant américain de la Brigade criminelle de Los Angeles, n’hésite pas un instant de se déplacer en Europe, d’autant plus que c’est une supplication du ministère régional du Land de Bavière.
 
Voyager par les airs sur une si longue distance n’est point la tasse de thé du policier. Peur sans doute. Et une rumeur se colporte que l’équipage de la Loftença est soulagé lorsque l’appareil se pose à Munich, tellement il est agacé par toutes les questions tatillonnes que cet officier n’arrête de leur poser.

À peine descendu de l’avion, il allume son cigare et se dirige vers la sortie de l’aéroport où l’attend la voiture qu’il avait louée, une Peugeot 404 bien propre, ce qui le change de sa vieille 403.

Il repère sur la carte, où il doit se rendre, dans un quartier plutôt bizarre, la Bayerische Bierstraße. Il parque le véhicule, juste derrière une BMW. Il rentre dans une pinte placardée d’une belle enseigne pour la publicité de la bière Guiness.
Il reconnait l’inspecteur allemand, très bien vêtu, complet cravate, seul à une table. Ils se saluent et les présentations faites, s’asseyent.

D’entrée Derrick, semblant irrité de cette rencontre voulu par le ministère, lui annonce qu’il n’a que 59 minutes pour l’entretien. L’américain n’est pas habitué de travailler avec une telle précision, au pays de l'oncle Sam, on prend le temps. Cependant il admet qu’il n’est pas à Los Angeles mais en Allemagne où la rigueur domine, donc faut s’adapter à cette culture… policière.

L’allemand, si bien habillé, son collègue angevin venant de l’autre côté de la gouille atlantique, avec son vieux imperméable usé bien mal au point, il faut admettre que ça ne le fait pas autour de cette table…

- Je suis parqué derrière une BMW, c’est votre auto?

- Affirmatif, répond Derrick.

- Très belle voiture. Avec ma femme nous sommes en train de réfléchir pour éventuellement nous en acheter une nouvelle. Vous êtes content avec?

- Oui elle me convient parfaitement.

- C’est cher une BMW?

- Très cher, mais ça vaut la peine. Passons aux choses sérieuses bitte schön.

- Je crois comprendre pourquoi nous sommes là, il s’agit de l’enseigne, n’est-il pas?

- Exactement, parlons doucement, afin que personne nous écoute, car cette affaire doit encore rester discrète.

- Dès que je l’ai vue, j’ai de suite pensé que ce n’est pas sa place originale, elle a du être volée quelque part. Mon flair me dit même qu’elle est la possession d’une française.

- Juste, vous êtes perspicace lieutenant, elle appartient à une certaine Madeleinedeproust et il ne faudrait pas trainer à le lui rendre, c’est son bien auquel elle a droit de le récupérer aussi rapidement que possible.

- Bizarre, pourquoi une enseigne d’une bière irlandaise dans une rue où la bière bavaroise est reine?

- Je ne saisis pas en effet, c’est rare que je bute sur une énigme et la haute magistrature me demande plus pourquoi cette enseigne est ici que de savoir qui l’a volée.

- C’est certainement pour cacher quelque chose de pas très propre. Peut-être une vilaine histoire du passé allemand, ou un crime?

- Un crime certainement, mais rien à voir avec notre passé mon cher lieutenant.
…

Et la discussion continue jusqu’à la 58ème minute, sans que quoique soit n’en ressort.

Ils se disent au revoir, et le lieutenant californien rajoute:

- Ce fut un réel plaisir de bavarder avec un inspecteur allemand de votre niveau, je me réjouis de vous revoir.

Sur ces mots qui ravit Derrick, il quitte l’établissement, allume à nouveau son cigare, quand en posant sa main sur son front, il revient vers son confrère:

- Au fait, un petit détail qui me tracasse, j’en parlais justement avec ma femme lorsque j’observais votre photo, dit le policier à Derrick stupéfait et devenant pâle.
Êtes-vous vraiment le vrai Oberinspektor? Car il me semble que vous ressemblez étrangement à un certain Horst Tappert…
...Nous en reparlerons certainement…