Sous la neige, les topinambours
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Sous la neige, les topinambours
Sans un bruit, lustre et télévision s'éteignent, plongeant la grande pièce dans une semi obscurité, rehaussée par la clarté blafarde pénétrant par les larges baies vitrées.
Aucun doute, la menace est mise à exécution. La mince couche de neige n'y est pour rien...
Ils ont osé ces salauds ! Sans pitié pour mes 80 berges, ils me coupent l'électricité parce que je n'ai pas acquitté les deux dernières quittances. Le temps des Robins des Bois compatissants est bien fini : subrepticement rétablir le courant est un risque qu'aucun agent du groupe privé EDF-VINCI ne peut courir : tolérance zéro, ordonne la blonde au sourire carnassier. Tout contrevenant sera sévèrement sanctionné ; l'exclusion du service vaudrait au rebelle une mention sur son carnet de travail s'accompagnant de la quasi impossibilité de se recaser dans n'importe quel boulot.
Mince consolation, cet ordre noir, je l'ai combattu par mon vote et par la diffusion d'idées généreuses pendant des dizaines d'années. Des chimères, nos idées ? Peut-être, mais de renoncement en reniement, on a installé au pinacle les descendants des doryphores, comme aurait dit mon père.
Et tiens, à propos d'obscurité dans la maison, n'est-ce pas un enchantement de revenir aux temps anciens quand la fée électricité n'atteignait pas encore la campagne profonde limousine ?
Oui, soyons nostalgiques jusqu'au bout.
Je vais prendre mon bigot, pardon, le hoyau sur l'épaule, le chien noir sur les talons, je vais descendre au fond du jardin, écarter soigneusement la neige, piocher pour découvrir enfin les topinambours, ce mets succulent dont raffolaient les Parisiens pendant la guerre, et je vais me les griller sur la braise de l'insert qui fonctionne avec du bois mort que je grappille ici et là, bien sûr sans les accommoder de beurre, parce que faut pas rêver, ce n'est plus dans mes moyens. Et si dans la nuit, enfoui sous un monceau de couvertures, la flatulence me gagne, je me dirais « je leur pète au nez à tous ces crétins » !
Si je ne me retenais pas, j'imiterais mon chien qui folâtre dans la blancheur immaculée. « La pauvre vieux, la dèche lui est montée à la tête. C'est-y pas malheureux ! » songeraient un instant les voisins apitoyés.
Piochant péniblement la terre gelée, je m'interroge : aujourd'hui électricité coupée, demain, expulsion de ma maison, est-ce cette logique qui s'installe ?
Je formule un espoir insensé : ce jour-là, il n'y aura pas de neige et le clair de lune se fera complice du nouveau SDF accueilli chaleureusement dans l'église abandonnée de Maradenne par les squatters de ces vénérables lieux. Et les libations suivront, peut-être accompagnées de quelques joyeux gnons qui vous réchauffent le sang...
- Quoi, qu'est-ce que c'est ? Quelle heure il est ?
- Mon pauvre homme, tu t'es encore endormi ! T'as laissé crever le feu... Viens plutôt m'aider à préparer ces topinambours, demain on se régalera avec cette cannette au four.
- Non, pas les topinambours , ça fait péter... Y a plus de lumière ? Et la neige est fondue !
- Vite, le SAMU ! Il déraille complètement.
- Non, je rêvais... La faute à cette consigne qui s'entrechoquait avec un message d'Amanda...
Aucun doute, la menace est mise à exécution. La mince couche de neige n'y est pour rien...
Ils ont osé ces salauds ! Sans pitié pour mes 80 berges, ils me coupent l'électricité parce que je n'ai pas acquitté les deux dernières quittances. Le temps des Robins des Bois compatissants est bien fini : subrepticement rétablir le courant est un risque qu'aucun agent du groupe privé EDF-VINCI ne peut courir : tolérance zéro, ordonne la blonde au sourire carnassier. Tout contrevenant sera sévèrement sanctionné ; l'exclusion du service vaudrait au rebelle une mention sur son carnet de travail s'accompagnant de la quasi impossibilité de se recaser dans n'importe quel boulot.
Mince consolation, cet ordre noir, je l'ai combattu par mon vote et par la diffusion d'idées généreuses pendant des dizaines d'années. Des chimères, nos idées ? Peut-être, mais de renoncement en reniement, on a installé au pinacle les descendants des doryphores, comme aurait dit mon père.
Et tiens, à propos d'obscurité dans la maison, n'est-ce pas un enchantement de revenir aux temps anciens quand la fée électricité n'atteignait pas encore la campagne profonde limousine ?
Oui, soyons nostalgiques jusqu'au bout.
Je vais prendre mon bigot, pardon, le hoyau sur l'épaule, le chien noir sur les talons, je vais descendre au fond du jardin, écarter soigneusement la neige, piocher pour découvrir enfin les topinambours, ce mets succulent dont raffolaient les Parisiens pendant la guerre, et je vais me les griller sur la braise de l'insert qui fonctionne avec du bois mort que je grappille ici et là, bien sûr sans les accommoder de beurre, parce que faut pas rêver, ce n'est plus dans mes moyens. Et si dans la nuit, enfoui sous un monceau de couvertures, la flatulence me gagne, je me dirais « je leur pète au nez à tous ces crétins » !
Si je ne me retenais pas, j'imiterais mon chien qui folâtre dans la blancheur immaculée. « La pauvre vieux, la dèche lui est montée à la tête. C'est-y pas malheureux ! » songeraient un instant les voisins apitoyés.
Piochant péniblement la terre gelée, je m'interroge : aujourd'hui électricité coupée, demain, expulsion de ma maison, est-ce cette logique qui s'installe ?
Je formule un espoir insensé : ce jour-là, il n'y aura pas de neige et le clair de lune se fera complice du nouveau SDF accueilli chaleureusement dans l'église abandonnée de Maradenne par les squatters de ces vénérables lieux. Et les libations suivront, peut-être accompagnées de quelques joyeux gnons qui vous réchauffent le sang...
- Quoi, qu'est-ce que c'est ? Quelle heure il est ?
- Mon pauvre homme, tu t'es encore endormi ! T'as laissé crever le feu... Viens plutôt m'aider à préparer ces topinambours, demain on se régalera avec cette cannette au four.
- Non, pas les topinambours , ça fait péter... Y a plus de lumière ? Et la neige est fondue !
- Vite, le SAMU ! Il déraille complètement.
- Non, je rêvais... La faute à cette consigne qui s'entrechoquait avec un message d'Amanda...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Sous la neige, les topinambours
Mais j'ai rien fait, moi !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Sous la neige, les topinambours
Tu rêvais ?
Je crois que cette vie épouvantable que tu décris ici n'a rien d'un rêve et constitue le quotidien (insert en moins) de beaucoup de gens, malheureusement. Pour la blonde dont tu parles, cela risque aussi d'être réalité d'ici fort peu de temps si nous n'y prenons pas garde.
J'ai bien aimé cette approche de la consigne, qui démontre qu'il n'y a pas toujours besoin de catastrophes dites naturelles pour que la vie se transforme en cauchemar.
Je crois que cette vie épouvantable que tu décris ici n'a rien d'un rêve et constitue le quotidien (insert en moins) de beaucoup de gens, malheureusement. Pour la blonde dont tu parles, cela risque aussi d'être réalité d'ici fort peu de temps si nous n'y prenons pas garde.
J'ai bien aimé cette approche de la consigne, qui démontre qu'il n'y a pas toujours besoin de catastrophes dites naturelles pour que la vie se transforme en cauchemar.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Sous la neige, les topinambours
Excellent texte Cats, autant sur le fond que sur la forme, je me suis régalée à te lire
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Sous la neige, les topinambours
Merci de vos coms .
demain, faut que je m'attache aux coms sur les sujets de la semaine passée.
Et je voulais vous dire , les topinambours , ce n'était pas tout à fait du rêve : voilà la récolte du jour
demain, faut que je m'attache aux coms sur les sujets de la semaine passée.
Et je voulais vous dire , les topinambours , ce n'était pas tout à fait du rêve : voilà la récolte du jour
Sur le tas de "topis" , le bigot ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Sous la neige, les topinambours
Bien qu'il n'y ait pas trace de bougies, c'est quand même un texte bien écrit et qui a le mérite d'être on ne peut plus clair !
Quant aux "topis", j'en ai goûté en purée dans un réveillon et je n'ai pas aimé. Mais comme dit l'autre : "si t'avais bien faim..."
Quant aux "topis", j'en ai goûté en purée dans un réveillon et je n'ai pas aimé. Mais comme dit l'autre : "si t'avais bien faim..."
Invité- Invité
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