A. La maison bleue
5 participants
Page 1 sur 1
A. La maison bleue
L’hiver serait long, il ne faisait que commencer. La neige recouvrait la pelouse et s’accrochait aux branches des érables. Je frissonnai et relevai le col de mon manteau en sortant du taxi. Un domestique m’attendait sur le perron de la bâtisse bleue, me souhaita la bienvenue et m’invita à entrer. Il se prénommait Nestor.
Une douce chaleur m’accueillit dans l’immense vestibule. Nous primes l’escalier de bois qui menait aux chambres et je découvris celle qui m’était destinée. Une décoration sobre et raffinée, un mobilier de qualité, mettaient en évidence une superbe cheminée en marbre blanc surmontée d’un imposant miroir. J’avais été engagée comme gardienne pour la saison, le propriétaire étant en déplacement. Le calme et la solitude de cette retraite me permettrait d’avancer dans l’écriture de mon manuscrit.
Je déplaçai le petit bureau sur lequel j’allais travailler devant la fenêtre afin d’avoir la vue sur le magnifique parc aux arbres séculaires. Mon séjour allait se dérouler entre ma chambre, la salle à manger dans laquelle mes repas seraient servis et les promenades dans le parc. Le propriétaire m’avait prévenue que je n’aurai pas accès aux autres pièces, elles seraient fermées à clé.
Le lit était orienté à ma convenance. On avait maintenu la fenêtre juste à côté volets clos, sans doute car la chambre était suffisamment lumineuse.
Je ne me mis pas au travail immédiatement, j’avais d’abord besoin de m’approprier les lieux.
Je passais cette première après-midi à ranger mes affaires, à flâner, à rêver et à me promener dans le parc.
Vers 20h, Nestor m’annonça que le diner allait être servi.
Je m’assis à la table de la salle à manger, bien trop grande pour une convive. Les assiettes en porcelaine fine, les couverts en argent, les verres en cristal, tout respirait le luxe suranné.
Mes tentatives de dialogue avec Nestor restaient stériles. Celui-ci se contentait de réponses polies et laconiques.
Le soir venu, je me retirai dans ma chambre. Je me branchai sur mon Mac pour m’informer des nouvelles du monde, fis quelques recherches pour mon roman et, gagnée par la fatigue, me couchai et m’endormis rapidement.
Mais, au beau milieu de la nuit, je fus réveillée par un bruit qui m’intrigua, une sorte de chuintement, un chuchotement, quelque chose qui ressemblait à une respiration… Ma première pensée fut qu’un chat s’était peut-être glissé sous le lit. J’éclairai la lampe de chevet pour vérifier, mais ne trouvai nulle trace de matou. Allongée sur le dos, je fermai les yeux et me concentrai afin de déceler d’où provenait exactement cette respiration. Comme les vagues qui viennent mourir sur la grève, l’inspiration et l’expiration se faisaient régulières et lancinantes. Je ressentais un étrange malaise. J’avais le sentiment que c’était la maison qui respirait. Il me semblait qu’à l’inspire les murs s’écartaient et à l’expire ils se resserraient. Cette idée m’oppressait, j’eus très chaud, des gouttes de sueurs perlaient sur mon front.
Je fus, petit à petit, envahi par la certitude que la maison était vivante et qu’elle me voulait du mal. N’y pouvant plus, je rejoignis la salle de bain attenante à la chambre, pour me passer de l’eau fraiche sur le visage.
Reprenant mes esprits, mon premier réflexe fut d’ouvrir la fenêtre tout près du lit, celle dont les volets étaient maintenus clos. Mais j’avais beau actionner l’espagnolette, ceux-ci restaient comme soudés à l’appui, il m’était impossible de les décoller. Des mains semblaient les retenir. Etait-ce les mains de la maison ? J’avais bien conscience que mon esprit divaguait dans des pensées complètement irrationnelles mais je n’étais plus dans mon état normal.
De rage, je secouai vigoureusement le mécanisme qui finit par céder, les volets s’entrouvrirent et, dans la nuit froide, je vis des mains immenses les retenir. Mon sang ne fit qu’un tour, je les repoussai de plus belle, me battant comme une diablesse. Alors, on entendit un craquement sinistre et un nombre incalculable de mains s’introduisirent violemment par l’entrebâillement des volets, me repoussant brusquement, me flanquant par terre.
Éberluée, je considérai mon ennemi qui n’était qu’un enchevêtrement de branches de glycine. La fenêtre n’avait pas du être ouverte depuis suffisamment longtemps pour que la nature reprenne ses droits et condamne cette ouverture.
La glycine me maintenait sur le plancher. Je n’arrivais à me dépêtrer de cette situation et ressentis alors une étrange force, celle de la maison liguée à celle de la nature. Tremblante de peur, lorsqu’enfin je parvins à me délivrer d’elle, je bondis sur mes bagages et, frénétiquement, décidai de prendre mes cliques et mes claques et de me tirer le plus tôt possible de cette maudite maison bleue.
Une douce chaleur m’accueillit dans l’immense vestibule. Nous primes l’escalier de bois qui menait aux chambres et je découvris celle qui m’était destinée. Une décoration sobre et raffinée, un mobilier de qualité, mettaient en évidence une superbe cheminée en marbre blanc surmontée d’un imposant miroir. J’avais été engagée comme gardienne pour la saison, le propriétaire étant en déplacement. Le calme et la solitude de cette retraite me permettrait d’avancer dans l’écriture de mon manuscrit.
Je déplaçai le petit bureau sur lequel j’allais travailler devant la fenêtre afin d’avoir la vue sur le magnifique parc aux arbres séculaires. Mon séjour allait se dérouler entre ma chambre, la salle à manger dans laquelle mes repas seraient servis et les promenades dans le parc. Le propriétaire m’avait prévenue que je n’aurai pas accès aux autres pièces, elles seraient fermées à clé.
Le lit était orienté à ma convenance. On avait maintenu la fenêtre juste à côté volets clos, sans doute car la chambre était suffisamment lumineuse.
Je ne me mis pas au travail immédiatement, j’avais d’abord besoin de m’approprier les lieux.
Je passais cette première après-midi à ranger mes affaires, à flâner, à rêver et à me promener dans le parc.
Vers 20h, Nestor m’annonça que le diner allait être servi.
Je m’assis à la table de la salle à manger, bien trop grande pour une convive. Les assiettes en porcelaine fine, les couverts en argent, les verres en cristal, tout respirait le luxe suranné.
Mes tentatives de dialogue avec Nestor restaient stériles. Celui-ci se contentait de réponses polies et laconiques.
Le soir venu, je me retirai dans ma chambre. Je me branchai sur mon Mac pour m’informer des nouvelles du monde, fis quelques recherches pour mon roman et, gagnée par la fatigue, me couchai et m’endormis rapidement.
Mais, au beau milieu de la nuit, je fus réveillée par un bruit qui m’intrigua, une sorte de chuintement, un chuchotement, quelque chose qui ressemblait à une respiration… Ma première pensée fut qu’un chat s’était peut-être glissé sous le lit. J’éclairai la lampe de chevet pour vérifier, mais ne trouvai nulle trace de matou. Allongée sur le dos, je fermai les yeux et me concentrai afin de déceler d’où provenait exactement cette respiration. Comme les vagues qui viennent mourir sur la grève, l’inspiration et l’expiration se faisaient régulières et lancinantes. Je ressentais un étrange malaise. J’avais le sentiment que c’était la maison qui respirait. Il me semblait qu’à l’inspire les murs s’écartaient et à l’expire ils se resserraient. Cette idée m’oppressait, j’eus très chaud, des gouttes de sueurs perlaient sur mon front.
Je fus, petit à petit, envahi par la certitude que la maison était vivante et qu’elle me voulait du mal. N’y pouvant plus, je rejoignis la salle de bain attenante à la chambre, pour me passer de l’eau fraiche sur le visage.
Reprenant mes esprits, mon premier réflexe fut d’ouvrir la fenêtre tout près du lit, celle dont les volets étaient maintenus clos. Mais j’avais beau actionner l’espagnolette, ceux-ci restaient comme soudés à l’appui, il m’était impossible de les décoller. Des mains semblaient les retenir. Etait-ce les mains de la maison ? J’avais bien conscience que mon esprit divaguait dans des pensées complètement irrationnelles mais je n’étais plus dans mon état normal.
De rage, je secouai vigoureusement le mécanisme qui finit par céder, les volets s’entrouvrirent et, dans la nuit froide, je vis des mains immenses les retenir. Mon sang ne fit qu’un tour, je les repoussai de plus belle, me battant comme une diablesse. Alors, on entendit un craquement sinistre et un nombre incalculable de mains s’introduisirent violemment par l’entrebâillement des volets, me repoussant brusquement, me flanquant par terre.
Éberluée, je considérai mon ennemi qui n’était qu’un enchevêtrement de branches de glycine. La fenêtre n’avait pas du être ouverte depuis suffisamment longtemps pour que la nature reprenne ses droits et condamne cette ouverture.
La glycine me maintenait sur le plancher. Je n’arrivais à me dépêtrer de cette situation et ressentis alors une étrange force, celle de la maison liguée à celle de la nature. Tremblante de peur, lorsqu’enfin je parvins à me délivrer d’elle, je bondis sur mes bagages et, frénétiquement, décidai de prendre mes cliques et mes claques et de me tirer le plus tôt possible de cette maudite maison bleue.
Je me suis inspirée d’un fait que j’ai réellement vécu dans une maison où j’ai passé une nuit épouvantable. Certes, ce n’est pas, comme le demande la consigne, un récit fantastique puisqu’il y a une explication rationnelle mais j’ai eu envie d’évoquer ce souvenir que j’ai vécu à l’époque comme un passage dans une autre dimension, dans le fantastique.
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A. La maison bleue
Mais ton explication " rationnelle" comme tu dis, n'enlève rien au déroulement progressif du récit qui bascule petit à petit dans l'horreur !
Du Grand art !
Du Grand art !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A. La maison bleue
Même s'il y a explication rationnelle, ça n'empêche que l'atmosphère fantastique et de terreur est là. Cette maison piège, qui respire, qui repousse et emprisonne la narratrice de ses mains et de ces bras est impressionnante.
Bravo pour ce texte très troublant !
Bravo pour ce texte très troublant !
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: A. La maison bleue
Attention aux explications rationnelles ce sont elles qui peuvent cacher le fantastique (et puis le fantastique n'est-il pas l'apparition de l'étrange dans la vie de tous les jours ?), va savoir ce qui s'est vraiment passé dans la maison où tu as habité
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A. La maison bleue
Ton texte génère l'angoisse. Ici, le thème de la maison hostile, cher aux auteurs de fantastique, est traitée avec brio.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Sujets similaires
» A: C'est une maison bleue
» A- La maison bleue
» La ville bleue
» La maison
» A. Une si belle maison ( 1)
» A- La maison bleue
» La ville bleue
» La maison
» A. Une si belle maison ( 1)
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum