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A. Naissance d'une vocation

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Zéphyrine
virgul
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A. Naissance d'une vocation Empty A. Naissance d'une vocation

Message  plumentete Sam 28 Avr - 18:17

Enora n’y croyait pas encore complètement, elle flottait dans un étrange état d’apesanteur et d’excitation totale sans pouvoir nommer précisément ce qu’elle ressentait.

Il était bientôt 15h et depuis le début de la matinée, elle était passée par bien des états, de l’angoisse paralysante à l’euphorie extrême, de la joie absolue au regret infini, de la colère à l’espoir…
Elle déambulait au milieu de son atelier, frôlant de la main ses créations, regardant sans les voir les pièces sur lesquelles elle travaillait. Elle se précipitait dans la réserve pour contrôler la présence de tel ou tel matériau et ne savait plus ce qu’elle venait chercher, elle repartait alors hésitante vers l’atelier avant de se précipiter sur son téléphone.

Elle décida de se poser un moment et de préparer une tasse de thé noir, un Earl Grey d’Assam, son préféré. Elle s’assit confortablement dans le fauteuil réalisé avec deux amis, un ennoblisseur textile et un ferronnier d’art et déroula le film de son parcours de vie. Combien d’heures avaient-ils passé sur cette pièce qui trônait aujourd’hui dans le coin repos de son atelier, elle n’aurait su le dire précisément, en tout cas la réalisation de ce fauteuil avait contribué à conforter son choix professionnel, pour elle c’était la première réalisation dont elle était vraiment fière.

Il faut dire qu’Enora avait longtemps cherché sa voie et pour cause avait-t-elle coutume de dire quand on l’interrogeait à ce sujet. Pas facile de se trouver quand on ne connaît que la moitié de ses origines, en plus elle ne ressemblait pas à sa mère ! Quand elle était gamine, Enora l’avait souvent interrogé sur son père, « qui est-il, que fait-il, où vit-il, pourquoi ne donne-t-il pas signe de vie et bien d’autres questions encore ». Mais sa mère ne répondait pas aux questions de la petite fille qui la harcelait, elle avait refait sa vie avec un homme charmant ; Enora s’entendait bien avec lui et elle ne voyait pas pourquoi sa fille insistait de la sorte.

Adolescente, Enora se prit de passion pour l’histoire et décida d’en faire son métier, encouragée par ses professeurs comme par sa mère. Elle s’inscrivit à l’université et y traina durant deux ans avant de réaliser qu’elle s’ennuyait fermement. Egalement douée pour le dessin et pleine d’imagination, elle essaya alors les arts graphiques mais arrêta au bout de 6 mois.

Mal dans sa peau, bourrée d’angoisses et d’une colère dont elle ne comprenait pas le motif, elle consulta un psy et comprit qu’il lui fallait en savoir plus sur ce père biologique disparu et dont elle ne savait rien.

Elle entreprit alors le parcours du combattant pour retrouver cette part manquante d’elle-même et recommença à interroger sa mère. Cette fois-ci, elle obtint un peu plus d’écoute et de compréhension. Sa mère l’emmena au grenier et la laissa devant un vieux coffre poussiéreux et magnifiquement sculpté à l’imposante serrure en fer. Enora n’avait jamais vu ce meuble auparavant, il faut dire qu’elle n’avait jamais eu l’envie d’aller visiter le grenier de cette maison dans laquelle ses parents avaient déménagé durant ces études.

« Voici la clé, ma fille, moi je te laisse là, je t’attends au jardin » lui dit sa mère, en désignant une grosse clé en fer lourdement pendue au mur, après quoi elle descendit précipitamment les marches. En tremblant, Enora ouvrit la lourde serrure et y découvrit un vieil album photo en cuir, deux boites métalliques remplies de lettres et de petits morceaux de bois sculptés.

C’est ainsi qu’elle découvrit que son père était un ébéniste plein d’avenir, compagnon du tour de France, il avait rencontré la maman d’Enora juste avant la fin de son compagnonnage et tous les deux avaient succombé au coup de foudre. Ils avaient aussitôt emménagé ensemble dans un petit appartement que sa mère voyait déjà comme leur futur nid d’amour. Alain aimait passionnément Nadine mais il avait beaucoup d’ambition et il savait qu’il avait du talent. Quand il reçut la proposition d’un prestigieux atelier international d’ébénisterie, il en parla tout de suite à Nadine. Celle-ci entra dans une colère folle et refusa toute négociation, pas question qu’il parte à l’autre bout du monde pour aller restaurer de vieux meubles sans importance, elle ne s’intéressait qu’au futur et à leur avenir à tous les deux. Elle n’avait aucune envie de partir avec lui et ne voulait pas l’attendre, le jeune couple se sépara. Ils échangèrent plusieurs lettres mais elles allaient toutes dans le même sens, lui voulait qu’elle le rejoigne aux USA où il participait à la rénovation du mobilier d’hôtels prestigieux, elle voulait absolument qu’il rentre immédiatement.

Quand elle comprit qu’elle était enceinte, Nadine se refusa à tout chantage et écrivit une dernière lettre pour lui annoncer avoir rencontré quelqu’un d’autre. Elle termina par cette phrase écrite d’une main rageuse « je t’ai effacé de ma mémoire comme on déchire une page d’un livre d’histoire », elle garda une copie de sa lettre à laquelle elle reçut une réponse.

Enora la lut en tremblant, elle était courte, très courte :
« Tu as déchiré la plus belle page de mon cœur, je te souhaite cependant d’être heureuse. Je garderai toujours notre histoire dans le coffre des secrets d’amour de ma vie. »
Ce jour-là, Enora discuta longuement avec sa mère, elles se disputèrent et se réconcilièrent en versant beaucoup de larmes et décidèrent de rechercher ensemble Alain.

C’est en Dordogne qu’elles le retrouvèrent, il avait participé à l’inventaire de la collection de meubles anciens du château de Bourdeilles et avait eu le plaisir de restaurer certains meubles, plusieurs coffres notamment. Il était tombé amoureux de cette région et s’y était installé depuis une vingtaine d’années. De passage dans la région, Nadine avait trouvé dans une brocante, un coffre sculpté, réplique librement inspirée d’une pièce du château, réalisée par Alain qui n’en était pas satisfait et la céda à un brocanteur. Peu inspirée par les meubles anciens, Nadine avait trouvé du charme à celui-ci, sans en connaitre l’auteur et sans comprendre son choix. Elle l’avait ramené chez elle avant de le mettre au grenier et d’y enfermer cette part de son histoire.

Cet échange et les retrouvailles avec son père avait permis à Enora de se réconcilier avec elle-même et c’est tout naturellement qu’elle s’était lancée dans la formation d’ébéniste.Elle avait choisi la voie de l'excellence et n'avait pas hésité à se présenter aux meilleures écoles.  Elle était douée, très douée même et aujourd’hui elle venait d’apprendre qu’elle était présélectionnée par le comité d’experts du prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main. Son travail de recherche sur les coffres anciens modernisés par l'apport du métal et du textile avait attiré l'attention du jury.

Enora but la dernière gorgée de sa tasse de thé et prit son téléphone pour appeler quelque part en Dordogne.


Dernière édition par plumentete le Lun 30 Avr - 20:28, édité 2 fois (Raison : correction concordance des temps)
plumentete
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Message  virgul Dim 29 Avr - 13:06

Après la fin de ton texte (le fait qu'elle soit admise au concours) j'ai relu le début pour mieux comprendre la fébrilité qui avait gagné Enora. Sinon le passage entre le désarroi de ne pas connaître une partie de ses origines et la sérénité acquise de les avoir découvertes est très bien rendu.

virgul
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Message  Zéphyrine Dim 29 Avr - 14:26

Moi aussi j'ai relu ton texte car à la première fois, j'étais tellement impatiente de savoir ce qui était arrivé à Enora que j'etais allée trop vite.
Cett histoire est très belle et a du, me semble t'il, te demander beaucoup de travail. Vraiment bravo! Bravo
Zéphyrine
Zéphyrine
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Féminin Humeur : Méditerranéenne

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Message  Ataraxie Dim 29 Avr - 15:06

Histoire très bien menée où les consignes ne sont plus contraintes mais coulent de source

Ataraxie
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Message  Martine27 Dim 29 Avr - 15:20

Un beau résumé de la quête de ses origines.
Martine27
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Message  Charlotte Dim 29 Avr - 16:12

Texte au très riche contenu. Bravo

Charlotte
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Message  plumentete Mar 1 Mai - 14:55

Merci à tous pour vos commentaires et compliments, c'est toujours un plaisir de venir écrire ici. Contente de voir que cette consigne vous a inspiré, c'est toujours un étonnement pour moi de voir vers où peuvent aller les plumes de chacun à partir d'une même consigne. Merci d'avoir participé à celle-ci, j'ai eu un coup de coeur pour ce château et ces coffres.
plumentete
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