A- Miroir oh beau miroir
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Myrte
Amanda.
Nerwen
virgul
8 participants
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A- Miroir oh beau miroir
Je n'aurais jamais dû le suivre dans cette aventure.
Il y a dix mois j’ai été complètement subjuguée par son charme. Gérard dégageait un tel charisme qu’il effaçait d’un trait nos vingt années d’écart. Le temps s’était perdu dans le bleu profond de son regard. Les rides, loin d’abîmer son visage, sertissaient ses yeux d’un écrin de douce certitude que seule une certaine sérénité acquise pouvait rendre. J’avais foi dans son regard et j’adorais m’y perdre et m’y fondre en toute quiétude. Et comme j’aimais cet éclat de surprise que je captais dans ses yeux lorsqu’il me fixait et qui se propageait en sourire aux coins de ses lèvres gourmandes ! Jamais je ne me suis trouvée aussi belle et désirable que mirée dans ses pupilles dilatées.
Je l’aimais et je l’aimais de m’aimer. Je m’aimais d’être tant aimée. J’aimais aimer.
Folle euphorie ce temps où je dansais au rythme de ses compliments, de ses gestes et de ses caresses. Je me laissais bercer de ses mots doux prononcés de sa voix grave et qui me racontaient comme j’étais belle, joyeuse et pétillante de jeunesse. Il me déroulait comme un slam dont j’étais l’unique héroïne, sa principale énigme. J’en jouais. Puis enivrée, je m’y suis vautrée. De plaisir, d’orgueil et de contentement.
J’aimais aussi aimer pourtant. J’ai cherché à connaître Gérard. Bien sûr je savais qu’il était cadre dans la grande distribution, qu’il aimait le tennis et les promenades, qu’il lisait peu à part les journaux, qu’il avait des copains mais peu d’amis et qu’il rencontrait régulièrement sa sœur pour déjeuner. Quand je l’interrogeais sur une part plus intime de sa personnalité, Gérard esquivait, soit en me posant une autre question soit par un trait d’humour ou de l’auto dérision. Avec cet art affuté qu’il avait de revenir toujours à moi.
Je ne désespérais pas pourtant. Optant pour la franchise je lui fis part de mon malaise qu’il se confiait peu, voire pas du tout. A nouveau l’esquive. Je forçai alors le ton et vinrent nos premières disputes. Mais même au cours de ces dernières, il ne se révéla pas, mes reproches ricochant sur son mutisme.
Les couleurs de l’arc en ciel se sont ternies, lavée par un crachin chagrin. Heureusement, nous ne vivions pas ensemble et j’ai espacé nos rencontres. J’espérais pourtant encore qu’il se confie, mais rien n’y fit. Même notre rupture ne l’a pas vraiment touché.
Le feu n’avait été que d’artifices. Et j’ai eu mal.
Gérard n’avait rien à donner et tout à prendre, aucune part de mystère, le vide et la désolation terne d’un homme buvard. Un miroir sans teint, sans fond, qui s’est nourri de mon reflet, et qui me vampirisait.
De Gérard, je m’en fiche, il n’est plus rien. Mais j’ai eu mal. D’avoir été bousculée de sujet à objet, d’être dégoûtée d’avoir été adorée, d’avoir été incarcérée dans cette image, mon image violée, qui aujourd’hui me révulse. D’avoir été réduite à un reflet pour cet homme miroir, devant lequel je me suis pavanée comme une idiote.
Il y a dix mois j’ai été complètement subjuguée par son charme. Gérard dégageait un tel charisme qu’il effaçait d’un trait nos vingt années d’écart. Le temps s’était perdu dans le bleu profond de son regard. Les rides, loin d’abîmer son visage, sertissaient ses yeux d’un écrin de douce certitude que seule une certaine sérénité acquise pouvait rendre. J’avais foi dans son regard et j’adorais m’y perdre et m’y fondre en toute quiétude. Et comme j’aimais cet éclat de surprise que je captais dans ses yeux lorsqu’il me fixait et qui se propageait en sourire aux coins de ses lèvres gourmandes ! Jamais je ne me suis trouvée aussi belle et désirable que mirée dans ses pupilles dilatées.
Je l’aimais et je l’aimais de m’aimer. Je m’aimais d’être tant aimée. J’aimais aimer.
Folle euphorie ce temps où je dansais au rythme de ses compliments, de ses gestes et de ses caresses. Je me laissais bercer de ses mots doux prononcés de sa voix grave et qui me racontaient comme j’étais belle, joyeuse et pétillante de jeunesse. Il me déroulait comme un slam dont j’étais l’unique héroïne, sa principale énigme. J’en jouais. Puis enivrée, je m’y suis vautrée. De plaisir, d’orgueil et de contentement.
J’aimais aussi aimer pourtant. J’ai cherché à connaître Gérard. Bien sûr je savais qu’il était cadre dans la grande distribution, qu’il aimait le tennis et les promenades, qu’il lisait peu à part les journaux, qu’il avait des copains mais peu d’amis et qu’il rencontrait régulièrement sa sœur pour déjeuner. Quand je l’interrogeais sur une part plus intime de sa personnalité, Gérard esquivait, soit en me posant une autre question soit par un trait d’humour ou de l’auto dérision. Avec cet art affuté qu’il avait de revenir toujours à moi.
Je ne désespérais pas pourtant. Optant pour la franchise je lui fis part de mon malaise qu’il se confiait peu, voire pas du tout. A nouveau l’esquive. Je forçai alors le ton et vinrent nos premières disputes. Mais même au cours de ces dernières, il ne se révéla pas, mes reproches ricochant sur son mutisme.
Les couleurs de l’arc en ciel se sont ternies, lavée par un crachin chagrin. Heureusement, nous ne vivions pas ensemble et j’ai espacé nos rencontres. J’espérais pourtant encore qu’il se confie, mais rien n’y fit. Même notre rupture ne l’a pas vraiment touché.
Le feu n’avait été que d’artifices. Et j’ai eu mal.
Gérard n’avait rien à donner et tout à prendre, aucune part de mystère, le vide et la désolation terne d’un homme buvard. Un miroir sans teint, sans fond, qui s’est nourri de mon reflet, et qui me vampirisait.
De Gérard, je m’en fiche, il n’est plus rien. Mais j’ai eu mal. D’avoir été bousculée de sujet à objet, d’être dégoûtée d’avoir été adorée, d’avoir été incarcérée dans cette image, mon image violée, qui aujourd’hui me révulse. D’avoir été réduite à un reflet pour cet homme miroir, devant lequel je me suis pavanée comme une idiote.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A- Miroir oh beau miroir
Homme buvard, homme miroir, j'aime beaucoup ces expressions qui résument ton personnage. J'aime également ton analyse de l'usure qui ronge peu à peu les relations dans le couple.
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: A- Miroir oh beau miroir
Excellent texte où t joues avec les mots-miroir !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A- Miroir oh beau miroir
Ton texte est admirablement écrit, Virgul ! Très fine observation du couple-miroir.
Je pense à une vieille chanson de Jean Schultheis "Confidences pour confidences" ... c'est moi que j'aime à travers vous...
Je pense à une vieille chanson de Jean Schultheis "Confidences pour confidences" ... c'est moi que j'aime à travers vous...
Myrte- Kaléïd'habitué
- Humeur : Curieuse
Re: A- Miroir oh beau miroir
Très original d'aborder la consigne de cette façon et aussi de te mettre dans la peau d'une femme.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A- Miroir oh beau miroir
Ton texte est très bien écrit et on s'attache à la femme que tu mets en scène de manière subtile et très juste.
Tu racontes avec beaucoup de densité l'évolution d'une relation dans un équilibre déséquilibré.
le tout dans une belle écriture.
Finalement, il y a une sorte de jeu de dupes dissimulé.
Cela m'a fait penser à la célèbre phrase de Lacan :
“L'amour, c'est offrir à quelqu'un qui n'en veut pas quelque chose que l'on n'a pas.”
j'ajouterai… mais que l'on croit avoir…
c'est là toute la difficulté quand les corps parlent mais que les bouches se taisent
Tu racontes avec beaucoup de densité l'évolution d'une relation dans un équilibre déséquilibré.
le tout dans une belle écriture.
Finalement, il y a une sorte de jeu de dupes dissimulé.
Cela m'a fait penser à la célèbre phrase de Lacan :
“L'amour, c'est offrir à quelqu'un qui n'en veut pas quelque chose que l'on n'a pas.”
j'ajouterai… mais que l'on croit avoir…
c'est là toute la difficulté quand les corps parlent mais que les bouches se taisent
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: A- Miroir oh beau miroir
J'ai beaucoup aimé cette phrase "Je l’aimais et je l’aimais de m’aimer. Je m’aimais d’être tant aimée. J’aimais aimer."
On croise parfois de ces êtres qui vous vampirisent pas facile de s'en dépêtrer
On croise parfois de ces êtres qui vous vampirisent pas facile de s'en dépêtrer
Martine27- Kaléïd'habitué
- Humeur : Carpe diem
Re: A- Miroir oh beau miroir
J'aime beaucoup ton texte encore une fois très bien écrit. De plus il exprime l'impossible rapport entre deux êtres dont la parole est exclue.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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